Au commencement, cette lapalissade : les PME et TPE tunisiennes peuvent difficilement accéder, de nos jours, à des crédits bancaires adéquats pour financer leurs investissements. Pour deux raisons principales.

La première a trait au coût du loyer de l’argent qui est très élevé. A rappeler qu’au cours de cette année 2022, le taux directeur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a augmenté de 100 points. Et ce même taux a augmenté 14 fois depuis 2011.

La deuxième raison porte sur la dépréciation du dinar par rapport aux deux principales monnaies d’investissement et d’endettement : l’euro et le dollar. L’euro s’échange, actuellement, contre 3,2 dinars (contre 1,900 dinar il y a une dizaine d’années), tandis que le dollar s’échange, aujourd’hui, à 3,2 dinars (contre 1,4 dinar dix ans auparavant).

Même les lignes de crédit que les bailleurs de fonds mettent à la disposition des PME et TPE tunisiennes ne sont pas décaissées, du moins pas en totalité à cause justement du taux de change.

Autrement dit, par l’effet de la forte dépréciation du dinar, la couverture de change, assurée par un fonds public géré par le ministère des Finances, est devenue trop onéreuse. Son coût a carrément explosé surtout en cette période où les finances publiques connaissent de sérieuses difficultés.

Même les bailleurs de fonds ne peuvent soutenir les PME tunisiennes

A titre indicatif, un des rares bailleurs de fonds qui accorde des lignes de crédit en dinars, en l’occurrence la BERD (Banque européenne de reconstruction et du développement), les fonds qu’il propose ne peuvent pas être, pour des raisons de choix propres au bailleur de fonds, utilisés par les banques de la place lesquelles ne peuvent pas, à leur tour, les concéder aux PME et TPE en raison de leur coût très élevé.

Le problème de couverture de change bloque les bailleurs de fonds et les empêche de jouer pleinement leur rôle de soutien aux PME. C’est pourquoi ils estiment important de le résoudre rapidement.

Parmi les propositions formulées figure l’enjeu de développer de nouveaux instruments et mécanismes de couverture de change. Ce marché n’existe pas encore en Tunisie.

Cette situation catastrophique a amené certaines parties locales à réfléchir sur des voies innovantes pour la monnaie d’endettement.

La centrale syndicale (UGTT), par le biais de son centre d’études et de documentation, a suggéré l’endettement en dinar tunisien.

Lors d’un point de presse tenu le 1er septembre 2022, et consacré à la présentation du programme de la centrale pour sortir de la crise socioéconomique, Abderrahmane Halka, conseiller économique de l’UGTT, a plaidé pour une meilleure structuration de l’endettement public. A cette fin, il s’est prononcé pour un endettement en monnaie locale (dinar) au lieu d’un endettement en devises. L’avantage serait, d’après lui, de faciliter son remboursement.

Explorer des pistes innovantes

Pour sa part, l’universitaire et économiste Moez Laabidi a fait une proposition qui nous semble intéressante. Elle concerne la conversion de la “dette climat“ en objectifs de développement durables (ODD). C’est le climate/SDGs debt swap.

L’idée principale de cette approche est qu’« au lieu de continuer à honorer un service de la dette externe en devises, étouffant pour les dépenses d’investissement et les dépenses sociales, le pays débiteur pourrait effectuer des paiement en monnaie domestique pour financer des projets résilients au climat, à travers des accords de collaboration entre débiteurs, créanciers et donateurs ». Il s’agit pour Moez Laabidi d’un mécanisme “win win“ (gagnant-gagnant) pour tous les intervenants.

Pour garantir l’implémentation de ce mécanisme, il évoque quatre prérequis : assainissement du climat des affaires, bonne gouvernance administrative, efficacité des dispositifs de suivi et de contrôle, stabilité politique et institutionnelle, implication de la société civile…

Par delà ces propositions fort intéressantes, au regard de l’insoutenabilité de la dette tunisienne, nous pensons que les pouvoirs publics gagneraient, comme le propose Moez Labidi, à « explorer ces pistes innovantes pour réduire la charge de cette dette ».

A bon entendeur.

Abou SARRA