Au commencement, cette déclaration faite le 21 octobre 2022, sur la chaîne Sky News, par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, sur le contenu des négociations en cours pour la validation de l’accord convenu le 15 octobre 2022 entre le Fonds et la Tunisie. En vertu de cet accord, le Fonds accorde à la Tunisie des facilités de paiement estimées à 1,9 milliard de dollars.

La première responsable du Fonds a révélé que « le FMI et les responsables tunisiens ont débattu de la possibilité de la privatisation de certaines entreprises publiques ».

Cette révélation, bien que la patronne du FMI évoque « une discussion sur une possibilité de privatisation », a suscité une vive réaction des syndicats des entreprises publiques, particulièrement celles qui sont les plus pressenties, depuis des années, à une éventuelle cession.

Les syndicats sur le qui-vive

C’est le cas de la Régie nationale du tabac et des allumettes (RNTA). Le syndicat de cette entreprise a vivement réagi à la déclaration de la directrice générale du FMI en exprimant son inquiétude et en faisant état de sa détermination à s’opposer à ce projet.

En fait, le volet de la privatisation de certaines entreprises publiques n’est qu’une composante du programme proposé au FMI par le gouvernement tunisien pour une restructuration des entreprises publiques.

Ce programme, dont une copie fuitée est parvenue à Webmanagercenter, est articulé autour de quatre axes.

Les propositions du gouvernement

Le premier porte sur la restructuration des entreprises publiques et prévoit, à cet effet, deux actions majeures. Il s’agit d’engager des cabinets externes pour effectuer des missions d’audit des arriérées, de convertir ou d’abandonner des dettes publiques (dettes fiscales/prêt du Trésor ….) échues non remboursées.

Le deuxième a trait au désengagement de l’Etat des activités non stratégiques. L’accent sera mis sur la refonte de la stratégie actionnariale de l’Etat dans les entreprises publiques et sur la mise en œuvre d’une stratégie de partenariat public/privé (PPP).

Toujours au rayon du désengagement de l’Etat, le programme propose une restructuration des filiales des entreprises publiques non stratégiques. Cette restructuration pourrait prendre la forme soit d’une cession totale, soit d’une ouverture de capital.

Le 3ème axe concerne la réduction du risque des entreprises publiques. Cette réforme sera perceptible à travers la cession d’éléments d’actifs non nécessaires à l’activité de l’entreprise.

Le 4ème axe porte sur l’amélioration de la gouvernance. Dans le détail, la démarche consistera à revoir les modalités de nomination et de rémunération des dirigeants des entreprises publiques, à réévaluer les performances des administrateurs représentant les participants publics et des administrateurs indépendants. Il s’agit également de réviser le cadre légal et réglementaire de recrutement dans la fonction publique.

L’UGTT plaide pour une restructuration au cas par cas

Pour sa part, la centrale syndicale, UGTT, qui a toujours vu dans la privatisation des entreprises publiques « une ligne rouge à ne pas dépasser », a assoupli sa position et plaide pour une restructuration (contre « privatisation ») au cas par cas.

A titre indicatif, dans le cas du transporteur public aérien, Tunisair, la centrale a donné son accord, depuis des années, pour le départ d’un millier d’agents sur un total de 6 500 que compte l’entreprise. Seulement, le gouvernement n’a pas vite agi, peut-être par manque de moyens pour indemniser ces départs.

Par ailleurs, le business plan proposé par l’actuelle direction de Tunisair pour la restructuration de la compagnie prévoit, comme le suggère le programme de réformes présenté au FMI, la vente d’actifs non nécessaires (anciens avions, actifs fonciers et immobiliers de l’entreprise…), et un partenariat stratégique. Une fois retenu, le partenaire stratégique pourrait, à travers les fonds qu’il mobilisera pour le rachat d’une partie de la part de l’Etat dans le capital de Tunisair, financer l’augmentation du capital (49% ou moins). Autrement dit, on pourrait lui demander une avance pour permettre à la compagnie de souffler.

Il faudrait admettre, en attendant la validation du prêt du FMI au mois de décembre prochain, que le dossier de restructuration des entreprises publiques a trop traîné, et l’année 2023 sera peut-être la dernière chance  pour le traiter sérieusement.

Abou SARRA