“1976” de la cinéaste chilienne Manuela Martelli figure parmi les sept longs métrages de fiction dans la compétition internationale de la première “Semaine de la critique” des 33èmes Journées Cinématographiques de Carthage (JCC).
Après sa première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs, ce film en lice pour la Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes est dans la course pour le Tanit des JCC organisées du 29 octobre au 5 novembre 2022.
La réalisatrice signe avec ce film, son premier long métrage, après avoir réalisé un premier court-métrage en 2014 (Apnea).
La bande son signée Maria Portugal (compositrice, musicienne et chanteuse brésilienne) renvoie vers une autre époque, au Chili de 1976.
Dans cette fiction (1h35 mn), sous-titrée en anglais, la cinéaste revient sur la dictature sous le régime militaire sanguinaire d’Augusto Pinochet (1915-2006) qui continue de hanter la mémoire des Chiliens.
Près d’un demi-siècle depuis que le pays ait connu le début d’un des pires moments de son histoire, les blessures du passé refusent de se refermer sur un passé que la caméra de Manuela Martelli a su le ressusciter dans ses moindres détails dans “1976” d’après un scénario coécrit avec Alejandra Moffat.
Aline Kuppen heim (Carmen) Nicolos Sepàlveda (Elàas) Hugo Medina (Padre Sanchez) Alejandro Goic (Miguel) forment le casting de “1976” d’un Chili opprimé et qui agonisait sous la dictature dont les séquelles sont toujours présentes.
Dès le départ, le film nous plonge dans les décors des années 70, costumes d’époque, les voitures, les rues, les commerces, l’intérieur des maisons, les meubles, les ustensiles de cuisine … tout est de l’époque.
Les faits tournent, essentiellement, autour de Carmen, une femme, – la cinquantaine, belle et élégante -, de la bourgeoisie chilienne, qui mène une vie tranquille malgré tout le chaos autour d’elle. Par une journée où tout semble ordinaire, elle rentre dans une droguerie à la recherche des nuances de couleurs qui vont avec les décors pour refaire l’intérieur de sa maison de vacances.
Sur le chemin de départ, on entend le cri d’une femme dont on ne voit par la suite qu’une paire de chaussures par terre à côté de sa voiture. Carmen la fixe du regard avant de la pousser sous la voiture et monter comme si de rien ne s’est passé.
Un moment de doute s’installe et on cherche à comprendre un acte d’indifférence extrême vis-à-vis de l’autre qui vient de recevoir la dernière balle.
L’héroïne dans “1976” ne semblait pas vraiment être trop affectée par ce qui se passait dans le pays. Les classes aisées continuaient à mener une vie presque normale en comparaison avec les classes pauvres berceau des dissidents communistes qui étaient la cible principale des autorités.
La discrétion semble être une grande qualité chez cette Dame qui va réaliser un acte héroïque, sans le savoir, en hébergeant un jeune dissident communiste blessé. A la demande du prêtre de la petite ville côtière où elle passe les vacances d’hiver, elle accepte de le recevoir dans le sous-sol de son domicile.
Karmen fait également la lecture pour les enfants non voyants du village où les prêtres qui étaient assez présents dans le pays, venaient au secours des populations démunies.
Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il s’agit d’un jeune ayant commis un simple délit. La vérité elle l’apprendra par la suite mais elle continuera à l’aider pour guérir de ses blessures. Carmen va jusqu’à contacter ses proches qui ne peuvent l’approcher de crainte d’être démasqués par le régime qui n’hésite pas à exterminer ses détracteurs ou les faire disparaître à jamais.
Son mari, un médecin qui travaille dans un hôpital de Santiago est rarement présent. Cette ancienne de la Croix Rouge, trouve les moyens et les médicaments nécessaires pour la guérison de son “invité secret”. Elle demande des médicaments prétendant vouloir soigner son chien.
La réalisatrice offre une toile cinématographique teintée des couleurs de l’époque. “1976” est une immersion assez discrète, violente et poétique à la fois dans le quotidien d’un autre Chili, avec une extrême sensibilité vis-à-vis de l’espace, des personnages et des objets.
Pour rappel, son compatriote Gonzalo Justiniano -qui était présent aux JCC 2019 avec une fiction ” Cabros de Mierda ” (90′, 2017), creuse aussi dans la mémoire du chili sous dictature. L’histoire pèse de tout son poids sur une génération de cinéastes Chiliens qui font une archéologie de l’histoire à travers une vision assez contemporaine.
Sous le régime de Pinochet, de 1973 à 1990, presque tous les cinéastes se sont trouvés contraints à l’exil, d’autres ont trouvé la mort, dans une conjoncture de répression totale ayant touché le secteur culturel et le cinéma en particulier.