“Le retard de paiement n’est pas l’unique raison expliquant le départ prévu d’ici fin 2022, de trois multinationales pharmaceutiques de la Tunisie, de graves dysfonctionnements d’ordre financier, administratif et de gouvernance ont motivé cette décision”, selon le Syndicat des Entreprises Pharmaceutiques Innovantes et de Recherche (SEPHIRE).
Dans un communiqué publié, mardi, le SEPHIRE a prévenu que d’autres laboratoires pourraient prendre la même décision si rien n’est fait pour résoudre ces dysfonctionnements.
Et de préciser que “l’annonce de départ de trois multinationales pharmaceutiques d’ici fin 2022 va fragiliser davantage la situation, déjà extrêmement critique, de l’approvisionnement des médicaments en Tunisie où plusieurs produits sont déjà en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement”.
ar ailleurs, une perte d’investissements directs en Tunisie que ce soit en termes de main d’œuvre, de production, d’expertise, de formation et de transfert technologique”.
Le syndicat a expliqué que 40% du chiffre d’affaires total des laboratoires pharmaceutiques innovants en Tunisie, est généré par la fabrication en Tunisie, que ce soit par leurs propres unités de fabrication, des sous-licences ou des contrats de sous-traitance. Ce partenariat des multinationales avec l’industrie locale qui date des années 90, a largement contribué au transfert technologique en Tunisie et représente pour un nombre important d’industries locales, une part importante de leurs activités.
Chronique d’une crise annoncée depuis 2016
Le SEPHIRE a rappelé avoir prévenu les autorités de santé tunisiennes, depuis plus de six ans, qu’une grave crise du médicament risquerait de se produire si le gouvernement ne prenait pas des mesures courageuses, immédiates et concrètes pour réviser le financement du secteur de la santé et résoudre les graves dysfonctionnements qui le minent.
” Entre promesses non tenues et rendez-vous non respectés, les difficultés se sont amoncelées au point d’arriver à un niveau de pénurie de médicaments sans précédent qui sera sans doute aggravée par le désinvestissement de certains laboratoires innovants qui fournissent en valeur, deux tiers des médicaments dans le secteur hospitalier et un tiers dans le secteur officinal, sachant que 52% des médicaments fournis par ces laboratoires n’ont pas d’équivalent sur le marché local ” a encore déploré le syndicat.
Le SEPHIRE a expliqué que les 750 MD que le gouvernement tunisien doit, à travers la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT), aux laboratoires innovants, est loin d’être la seule raison de cette situation.
“Ces laboratoires ont montré une patience exemplaire depuis plus de sept ans, dans l’espoir que la situation s’arrangerait. Depuis juin 2022, et malgré les promesses non encore tenues par le gouvernement de verser à la PCT un fonds de 200 millions de dinars, préconisé dans la loi de finances complémentaire 2021 afin de sauver cette entreprise publique, la situation n’a fait qu’empirer. La portée de ce geste reste très insuffisante pour améliorer significativement le niveau critique de la situation du crédit quand le délai de paiement est à une moyenne de 14 mois “.
A ces défauts de paiement par la PCT, s’ajoutent d’autres problèmes aussi importants qui ont poussé les laboratoires à se désinvestir de la Tunisie.
D’abord, à l’échelle de l’Afrique du Nord et Moyen Orient, la Tunisie est le dernier pays en termes d’accès aux médicaments innovants, ce qui fait que très peu de médicaments innovants ont pu avoir leur autorisation de mise sur le marché (AMM) et leur remboursement sur les dix dernières années.
Par ailleurs, le délai d’enregistrement de nouveaux médicaments en phase de mise sur le marché est anormalement long. Ce délai peut atteindre plusieurs années en Tunisie (une moyenne de 4 à 6 ans), alors que dans certains pays voisins, ce délai ne dépasse pas les neuf mois et seulement quelques semaines dans certains pays arabes du Moyen Orient.
S’ajoute à cela, une lourdeur administrative qui ne fait que s’aggraver sur les dernières années et le non-respect de la protection de la propriété intellectuelle et des brevets.
Des solutions existent pour un retour à la normale de l’approvisionnement des médicaments
Le SEPHIRE a toutefois, estimé que des solutions existent pour favoriser le retour à la normale de l’approvisionnement des médicaments, à savoir alléger le poids de la crise sur les entreprises du secteur, maintenir et attirer les investisseurs étrangers importants pour le développement de l’industrie pharmaceutique locale, la formation des experts nationaux, les transferts de technologies et la création d’emplois à forte valeur ajoutée.
Il a préconisé de mobiliser des fonds pour réduire la dette de la PCT envers ses fournisseurs avant la fin de l’année 2022 et donner une feuille de route pour absorber toutes les dettes d’ici fin 2023 ; de réduire les délais de l’octroi de l’AMM en réactivant les comités techniques et les commissions spécialisées ; d’implémenter le comité unique de prix ; de séparer l’AMM du prix et le rattacher plutôt au remboursement en attendant la mise en place effective de l’Agence du Médicament.
Il a aussi, proposé de finaliser les projets de digitalisation et la révision en cours des textes de loi dont certains datent des années 70 pour accélérer l’entrée sur le marché des innovations et protéger les brevets et la propriété intellectuelle.
A court et moyen termes, le syndicat a considèré qu’il est indispensable de repenser le financement du système de santé pour ne pas reproduire les mêmes dysfonctionnements.
De telles décisions doivent, toujours selon le SEPHIRE, impliquer un Conseil Ministériel restreint regroupant les ministères concernés tels que la Santé, les Affaires Sociales, le Commerce, l’Industrie et les Finances…
Le SEPHIRE, fondé en 2011 est un syndicat professionnel rassemblant 20 laboratoires pharmaceutiques de recherche et de développement, de droit tunisien, représentant plus de 2000 emplois directs et indirects, œuvrant pour l’accès aux médicaments innovants, et portant la voix du secteur auprès des autorités et du grand public.