La langue n’est pas qu’un moyen d’expression mais aussi un véhicule de communication et d’échanges variés. Partager une langue commune est une voie vers une prospérité partagée.
Entretien avec Mohamed Koubaa, DG de l’UBCI.
WMC: L’UBCI est parmi le pool des dix banques tunisiennes qui ont soutenu le Sommet de la Francophonie. Quelle était votre motivation ?
Mohamed Koubaa: Nous avons participé à l’initiative de support du 18ème Sommet de la Francophonie. Nous considérons que, compte tenu de l’importance du rôle et du poids économique de la profession, il était de notre responsabilité d’y participer.
La profession ne pouvait se tenir à l’écart d’un événement qui réunit près de 90 nations sur notre sol. Et puis cela appuie d’une certaine façon le rôle que ne manqueront pas de jouer les banques dans toutes les économies qui sont secouées par tant de difficultés et qui sont appelées à engager des changements majeurs.
Le Sommet de Djerba a été doublé d’un forum économique. Est-ce un tournant dans la vie de la Francophonie ?
Je crois que la Francophonie ne s’écarte pas de sa voie en s’ouvrant à l’économie. Je considère qu’elle suit une pente qui me semble toute naturelle.
Il faut bien admettre que l’unité des nations se construit autour de leurs intérêts bien compris. Ne dit-on pas que le commerce est le vecteur de la paix ? Travailler à renforcer les échanges entre les membres de la Francophonie est une façon de conforter l’homogénéité de cette communauté avec plus de paix et de prospérité partagées. Ainsi que d’échanges économiques structurants.
L’économie sera, je le pense, un élément important dans la stabilisation et le rapprochement entre les membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Selon vous la greffe d’une composante économique sur une initiative, qui était à l’origine politique et culturelle, peut-elle réussir ?
Ce n’est pas une hérésie ! Des regroupements tels la communauté arabe ou le Commenwealth se sont faits autour d’une langue partagée et ont bien fini par prendre langue pour développer leurs échanges commerciaux et économiques. Il existe beaucoup d’éléments que les peuples peuvent échanger via le canal d’une langue partagée.
D’un certain point de vue, pour bien faire vivre l’économie, on peut échanger autour de solutions à des problèmes qui nous concernent tous. Je pense qu’il faut méditer la prouesse de redressement de l’économie du Rwanda qui a finalement trouvé la voie de la performance.
Le Rwanda est présent au Forum de Djerba et c’est un signal fort pour tirer les enseignements de la trajectoire du come-back de l’économie de ce pays ami.
La Francophonie pourrait-elle nous conduire de l’émulation vers l’intégration économique ?
On peut envisager beaucoup d’objectifs audacieux s’il existe la volonté de les réaliser et que l’on réunisse les éléments déclencheurs qui y conduisent. Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde plaide en faveur de cette initiative.
On a bien vu que les deux postulats sur lesquels étaient bâtis la mondialisation se sont effondrés. La Chine ne peut pas tenir perpétuellement le rôle d’usine du monde, et la Russie n’est pas un allié objectif pour l’Europe occidentale.
Par conséquent, l’Europe doit regarder ailleurs. Et je pense qu’elle serait bien inspirée de s’intéresser à la zone de la Francophonie, en particulier à l’Afrique du Nord et à la région MENA, comme un partenaire stratégique et non comme zone de menace.
La Rome antique a fait de la Tunisie son grenier à blé. Et elle a consenti les investissements nécessaires en hommes et en argent. Pareil, l’Europe pourrait regarder le Nord de l’Afrique comme le prolongement si ce n’est le jardin de l’Europe.
Propos recueillis par notre envoyé spécial à Djerba, Ali Abdessalam