La problématique identitaire des Tunisiens est de nouveau d’actualité. Après avoir failli provoquer, au temps de l’islam politique au pouvoir (Troïka 2011-2014), une guerre civile entre «ayatollahs» hyper-excités et des laïcs surpris par la radicalisation de ces islamistes, cette question vient d’être relancée de plus belle, avec les révélations d’enquêtes et d’études scientifiques menées par des généticiens locaux et internationaux.
Point d’orgue de ces études, leurs révélations se distinguent par de profondes contradictions. Les points de divergence concernent deux éléments identité du Tunisien, à savoir sa “berbérité“ et son “arabité“.
Ainsi, selon deux études, la population tunisienne serait berbère à plus de 80%, tandis que pour la seconde les Berbères ne représenteraient que 5 à 6% de la population. Au regard de l’énormité de l’écart, il semble que cette question ne manque pas d’enjeux pour ses commanditaires.
Zoom sur deux études qui ont suscité des polémiques.
Les Berbères ne représenteraient que 5 à 6% de la population
La plus récente étude a été présentée, ces derniers jours, au public. Il s’agit d’un ouvrage collectif intitulé «Les Tunisiens, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Les révélations de la génétique ». Cette étude, très médiatisée, a été dirigée par Amel Benammar Elgaaïed, spécialiste en immunogénétique (Université Pierre et Marie Curie) qui est chercheure à l’Institut Pasteur de Paris, puis professeure à la Faculté des sciences de Tunis où elle dirige également le Laboratoire de génétique, immunologie et pathologies humaines (LGIPH).
Fruit de travaux effectués durant plus de 20 ans par des membres du LGIPH, cet ouvrage est une étude sur le peuplement ancien et récent de la Tunisie, sous éclairage génétique. Partant de la diversité génétique des communautés tunisiennes actuelles, l’équipe du LGIPH a évalué et daté les apports d’origine subsaharienne, nord-africaine, moyen-orientale et européenne.
Principales révélations de cette étude qui s’est intéressée particulièrement à la femme-matrice : 45% des femmes tunisiennes portent des gènes européens venant d’Espagne et du Portugal, 25% d’Afrique subsaharienne, 21% du Moyen-Orient et 5 à 6% des gènes berbères.
L’ouvrage insiste sur la prédominance en Tunisie de la principale lignée paternelle berbère conjuguée à des lignées maternelles plus diversifiées dont la composante majoritaire est européenne : en moyenne 72% des lignées paternelles sont nord-africaines alors que 45% des lignées maternelles sont européennes.
Sur le plan qualitatif, l’ouvrage a essayé de montrer que l’orientalisation du Nord de l’Afrique et de la Tunisie, voire leur arabité-musulmane, est un processus ancien qui n’est ni un impact principalement culturel ni un remplacement démographique de la population berbère locale par une population arabe.
Autre révélation et non des moindres, l’ouvrage suggère de considérer, bizarrement, la berbérité de la Tunisie comme une culture plutôt qu’une ethnie, et ce au sens génétique du terme, selon ses auteurs.
Les Arabes ne représenteraient que 4% de la population
La seconde étude a été lancée, depuis 2005. Ses conclusions ont été publiées en 2018. Elle a été menée dans le cadre d’une enquête mondiale sur les caractéristiques génétiques des peuples par la chaîne de télévision américaine «National Geographic».
Cette étude a révélé un chiffre qui laisse perplexe. Seulement 4% de la population tunisienne serait d’origine arabe. Elle révèle également que la majorité de la population tunisienne a pour origine les peuples autochtones d’Afrique du Nord, alors qu’une infime partie serait originaire de l’Afrique subsaharienne.
Un regard d’ensemble sur les révélations de la première étude du LGIPH montre que ces dernières confortent, presque sur un pied d’égalité, les convictions assez répandues de deux composantes belligérantes de la population tunisienne : les conservateurs (nationalistes arabes-islamistes) et les modernistes partisans de l’euro-méditerranéité.
Les conclusions de la deuxième étude, notamment celle relative à la forte proportion des berbères dans la composition de la population tunisienne, semble servir certes la cause des Berbères scissionnistes mais surtout des intérêts complotistes sionistes visant à prouver que les Arabes sont également des colonisateurs d’autres peuples.
Certains observateurs font la liaison entre la très sérieuse chaîne «National Geographic» et son propriétaire, le magnat d’obédience juive- sioniste, l’australo-américain, Keith Rupert Murdoch.
Abstraction faite de ces révélations ciblant tel intérêt ou tel autre, nous pensons qu’en se référant à l’histoire de la Tunisie, les Tunisiens doivent constituer, logiquement, un stock diversifié de communautés, voire une mosaïque d’ethnies.
Pour mémoire, la Tunisie a été occupée par les Puniques (Libanais moyen-orientaux), Romains (Méditerranéens), Wisigoths (peuples barbares germains), Vandales (Germains). L’ensemble de ces peuples avait pris pied dans cette terre -qui s’appellera “Tunisie“- bien avant l’arrivée des Arabes, il y a 14 siècles. Les Arabes, qui sont venus arabiser les Berbères de Tunisie par l’islam, ont été relayés par les Siciliens, Génois, Ottomans, Espagnols, et tout récemment Français en 1881.
Conséquence : le Tunisien est une sorte de cocktail de tous genres, une chakchouka où on trouve le Berbère, l’Arabe, l’Africain, l’Ottoman, le Français, l’Italien, le Germain…
A bon entendeur.