Conférer au code de l’environnement un aspect plus contraignant, appuyer le principe de contentieux et la formation des juges en droit de l’environnement et créer des chambres spécialisés dans les affaires environnementales, ce sont là les principales recommandations du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) publiées récemment.
Les recommandations ont été adoptées à l’issue de la rencontre nationale de la justice environnementale sur le thème “Justice environnementale : des parcours de lutte croisés pour un combat unique et climatique”, organisée, début novembre 2022, à Hammamet.
Les participants à cette rencontre ont appelé l’Etat à prêter au dossier environnemental et aux droits environnementaux l’attention nécessaire en se basant sur la corrélation forte entre les droits environnementaux et le reste des droits économiques et sociaux.
Dans le domaine de l’eau, les mouvements environnementaux et les activistes de la société civile participant à cette rencontre, ont exhorté les autorités à définir les priorités de l’utilisation de l’eau tout en se concentrant sur l’eau potable, à revoir les moyens de stockage des eaux de surface notamment, à travers l’implication du citoyen via la petite hydraulique tel que les Majels et Fasquias (réservoir sous terrain et bassin) et tous les ouvrages d’hydraulique urbaine, ainsi qu’à retravailler la carte agricole de manière à orienter la production vers les besoins alimentaires essentiels des citoyens et à remplacer les associations hydrauliques par une SONEDE rurale.
Sur un autre plan, ils ont souligné la nécessité d’instaurer une souveraineté alimentaire, à travers l’orientation de l’usage des ressources en eau vers la garantie de la sécurité alimentaire, l’appui aux initiatives sociales liées à la création d’un marché solidaire de semences locales et l’attribution du droit d’exploitation des terres domaniales aux jeunes créateurs de projets destinés à assurer la souveraineté alimentaire par les cultures céréalières et autres cultures souveraines.
Anticiper sur les évolutions futures des besoins d’assainissement
Les participants ont en outre, recommandé d’augmenter la capacité de stockage des réseaux d’assainissement et d’accroître le nombre des stations de pompage afin de couvrir l’ensemble du territoire national, de mettre à jour les textes législatifs afin d’assurer l’adaptation aux exigences actuelles et d’anticiper sur les évolutions futures notamment, celles démographiques et industrielles, de développer et de généraliser le traitement tertiaire.
Ils ont par ailleurs proposé de séparer le réseau d’assainissement des eaux usées domestiques et celui des eaux industrielles et d’élaborer une cartographie des points noirs où se concentrent les problèmes d’assainissement et ce, afin de réduire les effets de la pollution industrielle, en particulier sur le littoral.
Au sujet de la pollution industrielle, les recommandations formulées au cours de cette rencontre consistent essentiellement à contraindre les entreprises à se doter des équipements permettant la filtration des polluants gazeux et liquides avant de s’en débarrasser, à adopter l’approche de l’écologie industrielle, à appliquer la loi relative à la mesure de la pollution et à installer des équipements de mesure de la pollution aérienne en particulier.
Quant à la pollution par les déchets solides, une unanimité s’est dégagée, lors de cette rencontre, en faveur de l’importance d’adopter des solutions durables pour la gestion des déchets par l’orientation vers une politique de tri et de valorisation et de rompre avec la technique d’enfouissement des déchets, dont les effets sont néfastes sur l’environnement et la santé humaine.
L’accent a aussi été mis sur l’importance de prendre en considération l’aspect social et l’acceptabilité sociale lors de la mise en place des décharges et d’arrêter le transfert de la pollution d’un endroit à un autre, souvent au détriment des groupes les plus démunis et dépourvus de moyens politiques et économiques pour y faire face.
Opérer un changement radical dans les politiques climatiques
Le débat sur la justice climatique a, en outre, permis de s’accorder sur une série de propositions pour améliorer l’adaptation aux changements climatiques. Il s’agit de mettre les petits agriculteurs et pêcheurs au cœur du mapping des acteurs de lutte contre les effets des changements climatiques, d’opérer un changement radical dans les politiques climatiques et d’annoncer l’état d’urgence climatique.
Il s’agit aussi d’assurer une transition écologique juste selon une approche des droits humains globale, intégrée et inclusive et qui prend en considération le phénomène de migration climatique des personnes contraintes de quitter leurs logements et leurs terres à la recherche d’une meilleure condition environnementale préservant leur dignité.