La production de l’hydrogène vert ne doit compromettre ni la stratégie nationale de transition vers les énergies renouvelables ni les objectifs de décarbonation en général. C’est ce que recommande un récent rapport de la fondation allemande Heinrich Böll Stiftung (HBS), intitulé “A qui profite la stratégie tunisienne pour l’hydrogène vert ?”.
Le rapport, qui intègre les remarques soulevées par les experts lors d’un atelier organisé par la fondation le 12 octobre 2022 à la Cité des sciences à Tunis, souligne aussi que la production de l’hydrogène vert doit suivre des normes strictes, en ce qui concerne l’aspect social et la durabilité. Elle doit également être orientée, en priorité, vers la création de valeur locale et l’accès des consommateurs locaux à l’approvisionnement en énergie.
L’auteure de ce rapport, Aïda Delpuech, a rassemblé les recommandations formulées par les participants à cet atelier à l’adresse des décideurs tunisiens.
Consultation des acteurs nationaux…
Parmi ces recommandations figure celle de développer des processus normalisés de consultation des acteurs nationaux et régionaux (communautés, chercheurs indépendants, société civile) consacrant le principe du consentement préalable et éclairé.
Respect des droits des communautés locales…
Il s’agit aussi de garantir aux communautés locales le droit de refuser des projets d’énergies renouvelables sur leurs terres tout en investissant, dès les premières phases, dans la transparence et le partage des informations, de prévoir un scénario qui soit avantageux pour toutes les parties et d’envisager de partager les bénéfices avec les locaux pour obtenir leur soutien et éviter les conflits.
Nécessité d’un cadre national…
Les décideurs doivent également mettre en place un cadre national définissant les paramètres de la participation des communautés locales et les bénéfices (monétaires ou autres) des installations d’énergie renouvelables, veiller à ce que les communautés usant des terres disposent d’un soutien juridique, pour négocier avec les investisseurs, les compagnies d’énergie ou les acteurs concernés, outre l’accès à une médiation indépendante en cas de conflit.
Alternatives au modèle du partenariat public-privé
Ils doivent par ailleurs envisager des alternatives au modèle du partenariat public-privé, en encourageant et en facilitant le financement de projets de coopératives énergétiques décentralisées ou de partenariats public- communautaire (public-public), ainsi que la mise en réseau de ces petites unités pour agrandir leur capacité ; et garantir une meilleure coordination entre les ministères et parties déjà engagés dans l’élaboration de la stratégie afin de renforcer la cohésion des acteurs concernés et de leurs objectifs particuliers.
Informer sur le viabilité des sites…
Cartographier les sites potentiellement concernés par l’implantation des projets de production d’hydrogène vert et fournir des informations sur leur viabilité, dès le départ, est aussi une recommandation à prendre en considération par les décideurs nationaux.
Le rapport rappelle que la Tunisie élabore actuellement une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert, soulignant qu’en pleine réforme du secteur énergétique mondial, l’approche du ” combustible propre ” est souvent présentée comme la meilleure solution pour répondre aux enjeux actuels de déficit énergétique et de décarbonation de l’économie, notamment dans les secteurs de l’industrie et du transport à grande échelle.
Néanmoins, souligne encore le rapport, cette nouvelle stratégie énergétique soulève de nombreuses questions pour la Tunisie, tant au niveau des dynamiques de domination qu’elle perpétue que dans les risques sociaux et écologiques qu’elle présente.
Et d’ajouter ” cette stratégie actuellement en cours d’élaboration et portée par le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie -dans le cadre d’un projet mis en œuvre par la GIZ et financé par le Ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement allemand (BMZ), devrait voir le jour d’ici 2024. Jusqu’à présent, les discussions préliminaires ont eu lieu sans l’implication de la société civile, qui s’inquiète quant à la protection des communautés et des ressources locales concernées par ce grand chantier “.
Le rapport note aussi que ” depuis 2020, Berlin multiplie les partenariats bilatéraux pour le développement de l’hydrogène vert en dehors de ses frontières, portant un intérêt particulier pour l’Afrique et la région MENA.
A l’instar du Maroc, de l’Egypte, de la Namibie, du Chili, des Emirats Arabes Unis et de bien d’autres pays, la Tunisie souhaite se positionner sur ce marché naissant. Ainsi, le pays signe en décembre 2020 un mémorandum d’entente (Memorandum of Understanding – MoU) pour la création d’une alliance tuniso-allemande sur l’hydrogène vert.
Entre 2021 et 2022, quatre dialogues interministériels sur la question ont été organisés. Ce nouveau marché peut représenter une importante entrée de devises, d’où l’intérêt que lui portent les autorités tunisiennes, au détriment de la sécurité écologique et de la souveraineté énergétique “.