La relation de la Chine avec les pays arabes est séculaire. Elle date de l’ère chrétienne. Les Chinois importaient d’Egypte des objets en verre ou en cristal et exportaient de la soie.C’était ce qu’on désignait à l’époque par la « Voie du Verre ». Les relations de la Tunisie et la Chine ne datent pas d’aujourd’hui non plus. Elles remontent loin dans l’histoire lorsque empire punique et empire du milieu se partageant les routes de la soie.
En 2018, le président chinois Xí Jìnpíng a annoncé, de la 8ème réunion ministérielle du Forum de coopération entre la Chine et les Etats arabes, un accord pour l’établissement d’un « partenariat stratégique sino-arabe de coopération globale et de développement commun orienté vers l’avenir ».
Cette réunion a balisé le terrain pour l’organisation, vendredi 9 mars 2022, du premier Sommet Chine-Etats arabes, un choix stratégique pour la Chine et les pays arabes. On s’attend à ce que lors de ce sommet, les Etats participants discutent de la coopération future et de leur vision à propos de questions majeures telles que la gouvernance mondiale, le développement, les partenariats économiques, la sécurité et le dialogue entre les civilisations.
Son excellence Zhang Jianguo, ambassadeur de Chine l’a rappelé dans l’allocution prononcée lors d’un dîner débat organisé par le Conseil des Relations internationales (CRI) sur les relations sino-arabes : « Nous avons été amis sur l’ancienne route de la soie partagé les bonheurs et les malheurs dans la lutte pour notre libération nationale respective…Ces dernières années, le partenariat stratégique sino-arabe a continué à faire de nouveaux progrès et la construction conjointe de l’initiative « La Ceinture et la Route » a franchi une nouvelle étape ».
Les relations tuniso-chinoises doivent, elles aussi, franchir une nouvelle étape car historiquement, elles ne représentaient pas une priorité dans la politique étrangère tunisienne. Contrairement à ses voisins, Maroc et l’Algérie, la Tunisie a réalisé tardivement l’importance du géant asiatique. C’est en 2017 que Khemaies Jihinnaoui, alors ministre des Affaires étrangères a dévoilé, lors d’une visite officielle, l’intention de la Tunisie d’intégrer le projet BRI. La stratégie mondiale « One Belt One Road » lancée en 2013, puis l’Initiative la Ceinture et la Route (BRI), par le président chinois Xi Jinping visait l’amélioration de la connectivité et des échanges commerciaux entre la Chine et les différents pays. Divers
accords avaient été alors signés et sont en cours de réalisation dans le secteur du tourisme et des infrastructures.
La ceinture et la Route, 20 pays arabes signataires et la mise en œuvre de 200 projets de coopération qui bénéficient à 2 milliards de personnes
M.Jihinnaoui, aujourd’hui président du CRI, a insisté dans le mot prononcé devant un parterre de diplomates et d’hommes d’affaires tunisiens et chinois, sur l’importance du Sommet sino-arabe qui constitue une étape importante sur la voie du partenariat stratégique entre les deux parties. Ceci, alors que l’on s’attend à des changements profonds dans un monde caractérisé par des évolutions rapides et en prime, la remise en question des fondements de l’ordre mondial qui a prévalu dans les relations internationales tout au long de la période de l’après-guerre froide. Plus que jamais, le passage d’un monde unipolaire à un monde multipolaire est à l’ordre du jour.
« Pour les pays arabes qui se sont presque tous impliqués dans la coopération arabo- chinoise, à travers la « la ceinture et la route », il existe une volonté indiscutable d’élever le niveau des relations politiques et économiques avec la République de Chine vers une coopération stratégique. Le volume des échanges commerciaux entre les parties arabes et la Chine a atteint 330 milliards de dollars en 2021. En 2004, année du lancement du Forum de coopération sino-arabe, il ne dépassait pas les 37 milliards de dollars. En 2021, les investissements chinois dans les pays arabes s’élevaient à 214 milliards de dollars. Le sommet qu’abrite la capitale saoudienne, Riyad, représente une opportunité importante
pour faire progresser cette coopération et unifier les stratégies et pour des plans de développement conjoints ».
200 projets de coopération bénéficient à 2 milliards de personnes dans le cadre de l’initiative « La ceinture et la Route », un stock d’investissements directs bilatéraux Chine-Arabe de 27 milliards de $ US, soit 2,6% le montant d’il y a 10 ans, ce qui présage de l’importance du partenariat économique stratégique sino-arabe futur.
Ahmed Ounaies, diplomate et ancien ministre des Affaires étrangères a rappelé le poids de la Chine sur la scène internationale. « En Afrique du Nord, nous avons pris la mesure de cette force qui a changé la face du monde. A Tunis même, nous lui devons le siège de l’Académie diplomatique. Ce geste, dans notre famille diplomatique, nous ne l’oublierons jamais…Elle est aujourd’hui un pôle de puissance à l’échelle mondiale. A ce rang, elle est fidèle à elle-même, à l’esprit de solidarité, aux idéaux communs, aux valeurs du socialisme ».
Quatre modernisations ont constitué une percée dans la philosophie politique du Tiers- monde grâce à la Chine, rappelle Ahmed Ounaies car elle a réussi à canaliser son immense force de travail dans un système de production ouvert au marché mondial, en mesure de répondre à l’aspiration au progrès de l’ensemble des acteurs. « La stratégie de redressement, conçue nécessairement sur le long terme, concilie les facteurs de
développement les plus évolués, la faculté de prise de décision sûre et stable et la finalité du progrès social et solidaire. Le grand mérite du processus tient à la vision claire, au long souffle et à l’effort d’affranchissement des dogmes »
Le sommet de Riadh, précise Ahmed Ounaies, s’inscrit dans la logique du sommet sino- africain, le Forum de Coopération entre l’Afrique et la Chine, qui a déjà tenu huit sessions. Il s’inscrit également dans la logique des ensembles sous-régionaux qui structurent l’espace asiatique, l’ASEAN, l’APEC et l’Organisation de Coopération de Shanghai. « Ces conférences sont autant d’expressions de notre volonté d’unir nos efforts pour l’édification d’un monde où nous nous reconnaissons chez nous, dans nos droits et notre dignité, dans la fraternité et la solidarité des justes ».
Le sommet de Riadh représentera, pour la Chine, le cadre idéal pour des propositions concrètes afin de consolider ses échanges avec le monde arabe. La Tunisie saura-t-elle profiter de l’occasion pour renforcer ses relations avec la Chine et bénéficier des énormes opportunités qu’offre cette puissance économique et technologique mondiale pour les pays en développement ?
Il faut attendre la clôture du sommet pour voir ce que Kais Saied, président de la République et Othman Jarandi, ministre des Affaires étrangères ont réalisé lors de ce sommet et ce qu’ils peuvent apporter pour la Tunisie.