“Meaning Making Cocktail” de la Libanaise Jana Bou Matar a apporté, jeudi soir, un nouveau souffle sur la scène du Théâtre Rio à Tunis, dans un spectacle entre théâtre et chant, interprété par de jeunes artistes diplômés de l’Université de Beyrouth.
La pièce est dans la course au Tanit d’Or de la 23ème édition des Journées Théâtrales de Carthage (JTC), qui se déroulent du 3 au 10 décembre. A l’issue du spectacle, la TAP a eu une rencontre avec l’équipe de cette représentation autour d’une collaboration qui a été rendue possible grâce au soutien du Théâtre Zoukak à Beyrouth.
Cette œuvre écrite et mise en scène par Bou Matar a fait sa première arabe et africaine aux JTC après cinq représentations au théâtre de Zoukak. Elle est le récit d’un groupe de trois personnages, deux jeunes filles et un jeune homme. Le trio fait le diagnostic d’une ville qui s’effondre à tous les niveaux et où tout est illusoire : le temps qui coule, les idéologies et le refus de l’autre différent.
Farah Kirdy, Joe Ramia et Antonella Rizk étaient accompagnés par des sonorités d’Ali Sabbah qui atténuent l’ampleur de la crise abordée. Ce choix artistique reflète la nature du Libanais connu par sa volonté de vivre dans un pays pris au piège de la crise économique, de l’instabilité politique et du poids d’un quotidien devenu insupportable.
Les personnages chantent la mélodie d’un pays qui va mal. Tout leur échappe, ils sont vaincus par leurs propres désirs : rester ou quitter, s’aimer ou aller vers l’inconnu pour créer une nouvelle vie. Des gens habités par le désir d’aimer et d’être aimés dans l’espoir de trouver sa place au milieu du chaos qui règne.
L’explosion meurtrière, été 2020, sur le port de Beyrouth et ses conséquences planent toujours sur les esprits. Mais l’absurdité du quotidien n’a jamais empêché ces jeunes de croire en la force de l’Amour.
Ce projet développé sur une période d’un an et demi est le fruit d’un travail de groupe dans lequel chaque acteur a apporté sa propre touche. Les actrices Farah Kirdy et Antonella Rizk ont parlé d’un spectacle qui raconte leur ” histoire et celle de tous les autres qui vivent cette crise, dans une ville qui s’effondre “.
Joe Ramia étudiant en Beaux-arts, est à sa première expérience au théâtre. Il évoque des évènements qui sont ” à l’image du pays où tout est imprévisible “. Les acteurs ont ” essayé de transmettre le vécu de gens qui ont tendance à se laisser emporter dans une vague de sentiments assez contradictoires “, dit-il.
Côté scénographie, Jana Bou Matar a parlé d’un décor ” minimaliste et conceptuel beaucoup que réaliste qui traduit toutes les composantes de l’œuvre dont les personnages et le texte”. Pour Mohammad Swed, metteur en scène-assistant, l’orientation était de trouver ” une structure novatrice au récit dans le théâtre à travers un spectacle expérimental “.
Pour la metteuse en scène, ce spectacle est né d’une volonté de rechercher la notion du sens au niveau de l’individu, du groupe, de la Cité et du Théâtre en général. La scénographie se base sur la trilogie des personnages et de l’espace où la maison représente un cadre privé dans lequel chacun explore le sens par le corps et les sentiments d’amour. L’espace public est un lieu de rencontre et de séparation et la Cité est un personnage qui ne croit plus à la notion du sens.
Le texte est un questionnement autour du sens ” dans une ville effondrée, un pays en crise et une réalité que les Libanais ont vécu durant les dernières années, notamment avec l’ampleur de l’explosion meurtrière du port de Beyrouth “.
L’idée était de présenter un spectacle dans “une structure non classique pour s’exprimer sur cette réalité”. Le travail était surtout orienté vers “le jeu d’acteurs à travers lequel chaque personnage exprime le sens recherché par son corps, guidé par la logique ou la fuite vers un monde imaginaire”.