Annoncée en grande pompe il y a 9 ans, plus exactement le 27 janvier en 2014, pour un coût significatif de 200 MDT auquel devraient participer entreprises et banques de la place, la création d’une université américaine en Tunisie, American University In North Africa (AUINA), va enfin voir le jour.
Elle ne mobilisera, au départ, que quelque 6 MDT sur un coût global révisé à la baisse de 74 MDT. Ce petit montant (6 MDT) servira à financer la mise en œuvre du premier noyau de cette université dont les travaux de construction démarreront, mi-décembre prochain à Utique (gouvernorat de Bizerte).
Un projet révisé à la baisse
Ces informations, relayées par des médias d’expression arabe, ont été fournies le 22 novembre 2022 par Houssein Foudhaili, présenté comme le fondateur et le représentant légal de l’AUINA, et ce à l’issue d’une séance de travail tenue au siège du gouvernorat de Bizerte sous la présidence du gouverneur de la région, Samir Abdellaoui. Cela pour dire que les choses ont l’air d’être officielles.
Ce projet d’université ne semble pas offrir des nouveautés notoires au niveau des disciplines à enseigner. Il aura une capacité de 4 000 étudiants pour 200 enseignants tunisiens et étrangers, et prévoit un campus universitaire composée de 3 facultés spécialisées dans des disciplines classiques dispensées en Tunisie : économie et gestion, ingénierie, paramédical.
Au rayon de la logistique, le projet prévoit un foyer universitaire, des restaurants, un complexe sportif, un hôtel, un centre d’affaires….
Pa contre, on est un peu gênés par la qualification de l’AUINA comme “première université en Afrique et 5ème dans le monde arabe“ alors que, depuis 2012, le technopole de Sfax abrite deux établissements d’enseignement supérieur privés agréés par l’Etat tunisien et adaptés aux normes pédagogiques des universités nord-américaines. Ces deux établissements se présentent dans leurs documents officiels comme deux “universités privées américaines en Tunisie“. Il s’agit de l’Institut International Technologie (IIT) et l’International School Business de Sfax (ISB).
C’est cette raison que nous pensons que cette tendance à fouetter notre égo par ce genre de qualificatifs souvent ridicules tels que « la première en Afrique » ou « première dans le monde arabe » n’est pas, à notre avis, indispensable et serait à la limite contre-productif.
Pour un contrôle strict des universités étrangères
L’essentiel pour les Tunisiens est d’atteindre deux objectifs majeurs avec la création d’universités américaines en Tunisie. Et la stratégie arrêtée, à cette fin par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est claire à ce sujet.
Cette stratégie est articulée autour de quatre axes essentiels :
– renforcement et restructuration des partenariats traditionnels et historiques avec les pays industrialisés,
– établissement de nouveaux partenariats efficaces pour enrichir le système national et pour renforcer l’innovation, exportation de l’expertise,
– positionnement de la Tunisie comme destination universitaire et scientifique pour les pays d’Afrique,
– promotion de l’échange et mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs…
Le message de cette stratégie est clair. C’est aux autorités de tutelle de veiller au grain et de faire en sorte que l’ensemble de ses composantes soient appliquées à la lettre.
L’ultime but est de développer l’investissement dans le savoir et de faire en sorte que les cadres tunisiens, bien formés en Tunisie et désireux de quitter un jour le pays (fuite des cerveaux), deviennent des sources d’enrichissement multiforme pour le pays et non un manque à gagner comme le laissent entendre les discours “victimaires“.
Le principe est simple : l’enseignement supérieur privé étranger doit impérativement générer de l’innovation et de la valeur ajoutée. Rien d’autre.
Connaissant bien le penchant des privés tunisiens pour le gain facile, le risque de transformer ces universités, avec la complicité de fonctionnaires corrompus de l’administration, en affaires lucratives, est un scénario probable et loin d’être exclu.
Donc vigilance !