Le report de la validation par le Conseil d’administration du FMI de l’accord technique conclu avec la Tunisie pour l’obtention de facilités de paiement pour un montant de 1,9 milliard de dollars va mettre la Tunisie dans une situation très difficile. Car sans accord avec le FMI, le pays pourra difficilement contracter de nouveaux crédits sur le double plan multilatéral et bilatéral.
Pis, ce report pourrait impacter drastiquement les réserves en devises du pays qui ne cessent de baisser à un rythme accéléré. C’est l’agence de notation Fitch Ratings qui a été la première à attirer l’attention sur cette tendance.
Impact sur les réserves en devises
Pour citer des chiffres récents, au 16 novembre 2022, les réserves étaient de 21,626 milliards de dinars pouvant couvrir seulement 97 jours d’importation. A titre de comparaison, une année auparavant, elles étaient de 20,842 milliards de dinars, mais couvraient 124 jours d’importation.
Pour calmer les esprits, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane Abassi, avait déclaré, jeudi 17 novembre 2022, que le repli de la réserve en devises à moins de 100 jours d’importations a un rapport direct avec les importations et les exportations tunisiennes.
Il avait, par ailleurs, considéré que cette réserve “est très raisonnable par rapport à la situation économique en Tunisie et dans le monde“, affirmant que la ligne rouge commence à partir de 90 jours de réserves en devises.
Il a, d’autre part, ajouté espérer que cette réserve dépasse les 100 jours d’ici la fin du mois de novembre, surtout avec l’évolution des négociations avec le FMI et l’obtention de la Tunisie de la première tranche du crédit ainsi qu’avec la participation des autres pays à fournir à la Tunisie des devises, ce qui lui permettra d’affronter ses transactions extérieures.
Malheureusement, ce scénario souhaité par le gouverneur de la BCT n’a pas eu lieu. Le Conseil d’administration du FMI a décidé autrement. Il a reporté sine die la validation de l’accord technique conclu avec la Tunisie.
Les raisons d’une déprogrammation
Selon nos informations, le FMI aurait déprogrammé le dossier de la Tunisie pour trois raisons principales : le dossier n’était pas techniquement au point à cause du refus du président de la République, Kaïs Saïed, de signer la loi de finances 2023 et de la révision de la loi sur la privatisation des entreprises publiques ; la non-inclusivité du programme présenté par le gouvernement tunisien ; et enfin l’incapacité de ce dernier à mobiliser, dans les temps, à la faveur de l’accord technique conclu des prêts et dons bilatéraux devant compléter les facilités de paiement du Fonds. Ce dernier ne voulait pas assumer tout seul la résolution de tous les problèmes financiers de la Tunisie.
Morale de l’histoire : le FMI n’est pas convaincu de la capacité de la Tunisie à relancer son économie. Le dossier que lui avait présenté le gouvernement de Najla Bouden privilégiait plus l’approche budgétaire (mesures fiscales, ressources de financement…) que l’approche de reprise économique.
Conséquence : la situation de la Tunisie risque de s’aggraver en raison de ce report. Le pays pourrait rencontrer de sérieux problèmes pour payer le service de sa dette et pour financer des importations dites “incompressibles“ (pétrole, gaz, médicaments et céréales).
L’Algérie, la France et l’UE pourraient aider la Tunisie
Au rayon des perspectives, interpellé par les médias, Hatem Mliki, homme politique, technocrate et ancien député, pense que, « pour éviter que la Tunisie ne tombe pas dans le chaos, l’Union européenne, son principal allié, adopterait une approche de stabilité minimale et ferait des efforts pour satisfaire au minimum les besoins de la Tunisie (céréales entre autres…) ». Il estime qu’« il n’y aura pas d’accords de financements sans accord avec le FMI, mais il y aura des dons ponctuels de la part de l’UE. Des pays comme la France et l’Algérie pourraient adopter la même approche ».
L’Algérie et la France ont déjà fait un premier geste. La France a accordé, en marge du récent Sommet de la Francophonie, un appui budgétaire de 200 millions d’euros, tandis que l’Algérie aurait fourni, selon des sources algériennes et tunisiennes concordantes, un don de 100 millions de dollars et un dépôt de 200 millions de dollars.
Point d’orgue de l’appui algérien, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, a annoncé, dans un entretien accordé le 22 décembre 2022 aux médias, que « la Tunisie ne s’écroulera pas ». En principe, le chef de l’Etat algérien doit savoir ce qu’il dit.
La solution idéale serait toutefois, pour Hatem Mliki, « de mettre entre parenthèses les querelles politiques et d’élaborer une vision inclusive de la relance de l’économie du pays en association avec les acteurs économiques et sociaux (patronat et syndicats). Car toute réforme nécessite un environnement minimum de stabilité », a-t-il-dit.