La loi de finances (LF) 2023, qui vient d’être promulguée, prévoit d’importantes mesures dédiées au développement durable et à la préservation des ressources naturelles. Parmi ces mesures figure l’institution d’avantages en faveur de la construction de citernes domestiques (majels en arabe).
A cette fin, un montant de 2 millions de dinars (MDT) sera consacré au titre de Fonds national d’amélioration du logement pour octroyer des crédits sans intérêt d’un montant de 20 000 dinars remboursable sur 7 ans.
En dépit de son importance, cette mesure, qui va en apparence aider les Tunisiens à contribuer, de manière pérenne, à la lutte contre le stress hydrique, demeure très insuffisante, et ce pour deux raisons.
La première raison concerne sa validité. La LF 2023 nous apprend que cette disposition est valable sur la période qui va du 1er janvier au 31 décembre 2023, c’est-à-dire l’espace d’une année administrative.
Compte tenu de la bureaucratie et de la lenteur administrative qui prévalent dans le pays, cette loi, qui va nécessiter la signature de conventions entre plusieurs départements ministériels et la publication des textes d’application, pourrait prendre beaucoup de temps.
Par conséquent, cette loi peut être considérée, dès le départ, inapplicable en raison de sa validité sur une période très courte. Pourtant, il s’agit d’une réforme qui vient apporter une solution inclusive à un problème structurel hautement stratégique, celui de la récupération de l’eau de pluie.
Ceci étant, le ministère des Finances nous a habitués à promulguer des lois inapplicables ou bien difficilement à mettre en œuvre, et ce depuis 2011. Est-il besoin de rappeler qu’environ un millier de lois ont été promulguées dans le cadre des lois de finances, au cours des dix dernières années, mais n’ont jamais été traduites dans les faits en raison justement de leur inapplicabilité.
Le nouveau texte fait double emploi avec d’autres
Cette nouvelle mesure sur les «majes» pèche, également, par le fait qu’elle fait double emploi avec des mécanismes similaires déjà en vigueur et régis par deux textes réglementaires.
Le premier texte, à savoir le décret 1125 du 22 août 2016, permet aux personnes dont le revenu est inférieur à trois fois le SMIG de bénéficier d’un prêt du Fonds national de l’amélioration de l’habitat (FNAH) d’un montant pouvant aller jusqu’à 10 000 dinars avec un taux d’intérêt de 3,5 % remboursable sur sept ans.
Quant au second décret (n° 171 du 19 février 2018), il oblige les promoteurs des bâtiments civils à construire des bâches de collecte des eaux pluviales. Ce texte réglemente également la construction et le fonctionnement de ces réservoirs de collecte et de stockage des eaux pluviales.
Le FNAH contribue à hauteur de 50% du coût de construction de ces réservoirs destinés à atténuer les pénuries d’eau en période de sécheresse, en particulier avec l’accroissement de la consommation d’eau.
Ce mécanisme, adopté dans plusieurs pays développés, dont l’Italie, l’Espagne, la France et autres, permet aux propriétaires des bâtiments civils de profiter de l’eau pluviale, qui est gaspillée, pour l’utiliser dans le jardinage, le lavage de véhicules et autres.
Cela pour dire, que le nouveau texte fait double emploi avec d’anciens textes qui n’ont jamais été, du reste, appliqués en raison des difficultés financières du FNAH. La seule nouveauté qu’il apporte concerne l’augmentation du montant du crédit, lequel passe de 10 000 à 20 000 dinars. Même cette augmentation demeure fictive dans la mesure où la loi est objectivement inapplicable.