De l’avis de l’ensemble des acteurs économique et socio-professionnels du pays, la loi de finances 2023 (LF2023), en privilégiant le financement du budget de l’Etat principalement par des ressources fiscales (+80% contre 90% en 2022), vient consacrer la préférence du gouvernement beaucoup plus pour la redistribution des richesses que pour la création de nouvelles. En plus clair, en 2023 nous serons, encore une fois, dans la répartition et non dans la création de richesses.
D’un point de vue historique, il y a là une évolution fâcheuse de l’usage de la fiscalité. Et pour cause. Depuis les années 70, la Tunisie a fait de la fiscalité un instrument privilégié pour promouvoir l’emploi et créer des richesses.
Signe de cet usage abusif de la fiscalité pour financer le budget, le taux élevé de la pression fiscale, c’est-à-dire la charge fiscale globale, voire l’ensemble des prélèvements obligatoires par rapport au PIB.
Le document officiel de la LF2023 nous apprend que ce taux devrait se stabiliser cette année à 25% du PIB, contre 24,9% en 2022.
Selon les experts, ce taux officiel serait maquillé. Le véritable taux avoisinerait les 32,5% en ce sens où il est calculé non seulement sur la base de l’impôt prélevé sur les salariés et les entreprises, mais également sur la base de certains prélèvements obligatoires.
Il s’agit, entre autres, des pressions qui proviennent de la fiscalité locale et sociale (contribution aux Caisses de sécurité sociales…). Ce taux avoisinerait celui en vigueur dans les 36 pays membres de l’OCDE (plus de 30%).
Le taux de pression fiscale un des taux les plus élevés d’Afrique
Selon Moncef Bousannouga Zammouri, président du Comité exécutif de KPMG Afrique francophone, spécialisé en audit, expertise comptable et conseil, ce taux est un des plus élevés du continent africain.
Etablissant un benchmarking avec des pays africains, Bousannouga, qui est en même temps le président d’honneur de l’Ordre des experts-comptables, a révélé que ce taux est estimé à 13,3% seulement en Egypte, 16,9% au Rwanda, 13,4% en Côte d’Ivoire, 28,3% au Maroc, 25,2% en Afrique du Sud.
Le taux de pression tunisien serait ainsi très proche de celui des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), organisation internationale d’études économiques, dont les pays membres, pays développés pour la plupart, ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché.
La grande frustration réside dans le fait que ce taux élevé de pression fiscale en Tunisie (32,5%) n’est pas accompagné, comme c’est le cas dans les pays de l’OCDE, de services publics de qualité : éducation, santé, transport…
Tout le monde sait combien les Tunisiens souffrent de la dégradation avancée des prestations publiques dans tous les domaines.
Plus grave encore, toujours d’après Moncef Bousannouga, qui accordait une interview à un magazine de la place, le marché organisé qui représente 50% environ de l’économie du pays et 50% du budget de l’Etat serait le seul à supporter cette pression fiscale. Dans ce cas, le taux de pression fiscale avoisinerait, réellement, les 40-45%. Une situation qu’il qualifie de «très grave».
Le marché parallèle, dont la part dans l’économie est estimée, selon les sources, entre 30 et 50%, évolue dans l’informalité et est donc exclu d’office de la pression fiscale dans la mesure où il n’est pas assujetti à l’impôt.
Au final, il est permis d’avancer que la pression fiscale avec ce taux si élevé (32,5%) est loin d’encourager l’investissement et son corollaire la création d’emplois. Associée à l’instabilité fiscale qui prévaut dans le pays depuis 2011, elle contribue à faire de la Tunisie un site répulsif pour les investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers. Ce même site qui a bâti sa notoriété internationale, des décennies durant, à la faveur des exonérations fiscales.