La gestion de la caisse de compensation a appauvri, affamé et humilié les Tunisiens. La Caisse de compensation a été créée dans les années 1970 afin d’aider les familles nécessiteuses et de réduire les disparités entre les classes sociales et les régions. Elle fonctionnait sur un petit budget qui était de l’ordre de 200 millions de dinars. Mais elle a vite dérapé pour des raisons multiples. Parmi elles, il faut mentionner la non révision pendant plusieurs années des prix des produits compensés. Cette non révision des prix, qui s’explique essentiellement par des raisons de faiblesse du pouvoir politique ou par des politiques populistes, a eu des conséquences désastreuses sur la gestion de la Caisse de compensation.
Parmi ces conséquences nous pouvons citer:
1- L’écart entre le prix du produit subventionné et le prix du même produit non subventionné (exemple l’huile végétale ou le sucre) a engendré de la corruption, du gaspillage et le gonflement démesuré du budget de la caisse.
2- La corruption a entraîné la disparition du produit subventionné du marché, obligeant le citoyen à s’orienter vers l’acquisition du même produit mais au prix non compensé. Le meilleur exemple est celui de l’huile végétale. En effet, l’État, qui détient le monopole, importe des quantités suffisantes d’huile végétale, mais l’huile végétale en bouteille est rarement disponible dans les circuits de distribution ordinaires au prix officiel compensé. Le produit est détourné dans d’autres canaux et le citoyen finit par acquérir le même produit, mais au prix fort non compensé. Le citoyen, qui ne peut pas payer le prix fort non compensé, ne peut tout simplement pas consommer un produit de base tel que l’huile végétale.
3- L’explosion du budget de la Caisse de compensation et donc le financement du déficit de cette Caisse s’est souvent fait aux dépens du budget d’investissement. Et comme nous savons que l’investissement public est un déterminant pour l’investissement privé qui, à son tour, est un déterminant pour l’investissement direct étranger, l’augmentation démesurée du déficit de la Caisse de compensation a été à l’origine du ralentissement de l’investissement public et donc du ralentissement du rythme de la croissance économique.
Le nombre d’emplois créés par l’économie a donc diminué à son tour, provoquant ainsi une augmentation du taux de chômage.
La Caisse de compensation a largement contribué à:
– appauvrir le citoyen tunisien du fait de la faible croissance économique, la faible création d’emplois, et l’importante perte de pouvoir d’achat ;
– affamer le citoyen tunisien du fait de la non disponibilité des produits de base sur le marché local. Il faut rappeler à ce propos que les produits de base sont le monopole des entreprises publiques qui se trouvent aujourd’hui dans l’incapacité de continuer à importer les produits qui font l’objet de compensation. La plupart de ces entreprises publiques sont aujourd’hui financièrement à genoux parce que la Caisse de compensation n’est plus en mesure de couvrir la différence entre le prix de vente du produit compensé et le prix de revient de ce même produit ;
– humilier les Tunisiens qui se trouvent obligés de faire la queue pour pouvoir acquérir certains produits de base. Les Tunisiens sont humiliés aussi par le fait que la Tunisie demande aujourd’hui et obtient des aides alimentaires des pays voisins ;
– amplifier l’injustice sociale dans le pays et détruire la classe moyenne qui a toujours été un important facteur de stabilité économique, sociale et politique dans le pays ;
– mettre en péril l’existence même de secteurs d’activité tels que le lait, les boulangeries, etc.
La Caisse de compensation ne peut pas être supprimée en temps de crise multidimensionnelle comme celle que vit la Tunisie aujourd’hui. Mais les pouvoirs publics semblent ne plus maîtriser la Caisse de compensation. Il faut donc la restructurer en partant d’un diagnostic réaliste. La spéculation existe certes. Mais on ne peut pas tout expliquer par ce phénomène.
Souvent c’est l’État lui-même qui crée la pénurie, malgré lui, et donc la spéculation. La crise aiguë des finances publiques s’explique entre autres par les problèmes de la Caisse compensation. Les relations difficiles entre la Tunisie et les bailleurs de fonds, notamment le FMI, s’expliquent entre autres par le déficit démesuré de la Caisse de compensation.