« Le loup est toujours dans la bergerie ». Cette locution imagée qui signifie que la bergerie représente idéalement le lieu où ce carnassier (loup) peut assouvir son besoin de prédation m’est revenue à l’esprit en décryptant le discours et la composition de l’opposition qui a manifesté, le 14 janvier 2023, au centre de Tunis.
La bergerie étant, ici, la Tunisie en tant qu’Etat qui a plus de 3000 ans d’histoire et qui a pu, pour perdurer, faire face à toutes les invasions extérieures et à toutes les crises intérieures.
Quant au loup, il s’agit du djihadisme islamique, chastement dénommé « Islam politique ». Cette secte, connue pour sa nuisance partout où elle passe, a accédé, en 2011, au pouvoir avec la complicité des puissances occidentales et l’achat des consciences des Tunisiens avec de l’argent pas toujours propre.
Ce mouvement, qui a exploité durant son règne la Tunisie comme un butin, est aujourd’hui pointé du doigt pour avoir été le principal responsable de la déstructuration de tous les rouages de l’Etat et de l’état de faillite que connaît actuellement le pays.
Kaïs Saïed protègerait les islamistes
Avec les manifestations du 25 juillet 2021 pour protester contre les « khwamjia » (djihadistes déguisés) et leurs corollaires, le coup de force constitutionnel ayant permis la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du président Kaïs Saïed, les Tunisiens ont qu’on ne parlera pas de l’islam politique et de ses dérivés.
Malheureusement, sur le terrain c’est loin d’être le cas. Deux indices le prouvent. Kaïs Saïed a refusé de fermer le bureau de l’Union internationale des savants musulmans d’Al-Qaradawi (UISM), classée pourtant dans plusieurs pays comme une organisation terroristes, et la tolérance observée à l’endroit de certains partis islamistes radicaux comme «Hizb Ettahrir» dont le frère du président serait un fervent sympathisant.
Mieux, ces excroissances islamistes ont trouvé avec Kaïs Saïed une grande marge de manœuvre. Pour preuve, la redevabilité du parti islamiste Ennahdha, reconnu responsable de tous les crimes commis depuis une dizaine d’années, au nom de la religion, n’a jamais fait de poursuites judiciaires sérieuses devant aboutir, normalement, à son inculpation et à son écartement du pouvoir.
Pis, la nouvelle Constitution de 2022 n’a pas prévu d’évolution notoire en matière de rapport politique-religion. La suppression du premier article controversé de la Constitution de 2014 – disposant que l’Islam était la religion de l’Etat tunisien – a été remplacée, dans la Constitution de 2022 par l’article 5 qui stipule que « La Tunisie constitue une partie de la nation islamique. Seul l’Etat doit œuvrer, dans un régime démocratique, à la réalisation des vocations de l’Islam authentique qui consistent à préserver la vie, l’honneur, les biens, la religion et la liberté ».
Conséquence : la manière dont est mentionnée la religion dans la nouvelle Constitution, un sujet historiquement clivant en Tunisie, reste ambiguë avec le président conservateur Kaïs Saïed. La séparation de la politique de la religion n’est pas à l’ordre du jour.
Le résultat des tergiversations de la “démocrature“ du chef de l’Etat semblent avoir redonné confiance aux mouvements djihadistes qui ont repris le poil de la bête.
Retour des religieux sur la place publique
D’ailleurs, dans une vidéo diffusée à la veille des manifestations du 14 janvier 2023, le dirigeant nahdhaoui, Noureddine Bhiri, a appelé les Tunisiens à descendre dans la rue, car selon lui, manifester en ces circonstances est « un devoir religieux » – bien « un devoir religieux ». Décryptage : cet ancien ministre de la Justice au temps de la Troïka (2011-2013), poursuivi actuellement en justice dans l’affaire de falsification de passeports et d’embrigadement de jeunes pour le djihad dans des zones de conflits, appelle tout simplement à une guerre civile entre islamistes, d’un côté, et les modernistes-laïcs, de l’autre.
Plus grave, le parti islamiste radical, Hizb Ettahrir, antidémocratique par excellence, a mis à profit la célébration du 14 janvier 2023 pour brandir, en toute liberté, des drapeaux noirs et blancs semblables à ceux de l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech) et pour appeler à la restauration du califat et à l’adoption de la charia (loi islamique).
Cette démonstration ostentatoire a fait réagir l’Observatoire pour la défense du caractère civil de l’Etat. Ce dernier a estimé que “les appels des sympathisants du parti Ettahrir constituent manifestement un complot contre la République”.
Et de poursuivre : “Il est impérieux, aujourd’hui, d’appliquer le décret-loi sur les partis politiques, lequel interdit explicitement la création de formations politiques d’obédience islamique, à l’instar du parti en question, du mouvement Ennahdha et de la Coalition Al Karama”.
L’Observatoire oublie toutefois que le chef de l’Etat Kaïs Saïed serait lui-même, du moins selon certaines sources et au regard de sa tolérance vis-à-vis de ces groupuscules islamistes, « salafiste ».
Il n’est donc pas étonnant que ce soit lui qui a fait rentrer ces loups dans la bergerie.