Il s’agit de la 10ème dégradation de la note souveraine de la Tunisie depuis 2011. Elle est désormais classée « pays à risque très élevé ».
Par cette nouvelle dégradation, Moody’s est en train d’avertir les bailleurs de fonds, les institutions financières, les investisseurs et même les entreprises commerciales fournisseurs de la Tunisie contre le risque de défaillance financière de la Tunisie.
La notation souveraine est une appréciation de la capacité du pays à continuer à honorer ses engagements financiers extérieurs, ou en d’autres termes à continuer à rembourser normalement sa dette extérieure. La notation Caa2 veut dire que le risque de défaut de paiement devient très élevé et que la probabilité de recours au rééchelonnement de la dette extérieure (club de Paris et club de Londres) devient, lui aussi, très élevé.
Il faut rappeler à ce propos que l’État tunisien n’a pas honoré les échéances de la dette intérieure, en Dinars et en devises, pendant toute l’année 2022. Toutes les échéances ont fait l’objet de rééchelonnement sur plusieurs années, allant pour certaines jusqu’à 2033.
1- Pourquoi cette nouvelle révision à la baisse de la notation souveraine:
Les raisons sont multiples. Mais il faut rappeler que la moitié de la notation est basée sur l’appréciation de la situation politique dans le pays, et notamment la capacité des pouvoirs publics à exécuter les réformes nécessaires pour sortir le pays de sa crise.
L’autre moitié est basée sur les indicateurs économiques, financiers et sociaux dont notamment le taux de croissance économique, le taux d’inflation, le déficit de la balance des paiements courants, le déficit budgétaire, le niveau de la dette publique et celui de la dette extérieure, le niveau des réserves de change, etc.
La notation souveraine est aussi basée sur la capacité du pays à mobiliser des ressources extérieures. Et c’est là qu’intervient la question du nouveau crédit du FMI.
2- La Tunisie et le FMI
Il est clair maintenant que le dossier de la Tunisie, qui devait être examiné par le comité exécutif du FMI lors de sa réunion du 19 décembre 2022, avait été rejeté par le FMI et non reporté comme le prétendaient certains.
La raison essentielle étant l’incapacité de la Tunisie à mobiliser les ressources extérieures nécessaires au financement du budget de l’État 2023 et au financement du programme de réformes proposé par le gouvernement et sur la base duquel le « staff level agreement » avait été obtenu le 15 octobre 2022.
La dégradation de la note souveraine de la Tunisie par Moody’s rend la probabilité d’arriver à un accord définitif avec le FMI encore plus faible.
3- À quoi faut-il s’attendre
Cette nouvelle dégradation de la notation souveraine de la Tunisie pourrait avoir de graves conséquences. Il faut en effet s’attendre à :
– une incapacité de l’État à financer ses dépenses courantes;
– une baisse rapide du niveau des réserves de change ;
– une incapacité de l’État à faire face aux échéances de la dette extérieure;
– des pénuries plus fréquentes et plus longues des produits de base;
– des difficultés pour les banques tunisiennes à traiter normalement les opérations de commerce extérieur.
Malgré la gravité de la situation il n’y a eu aucune déclaration, aucune réaction, aucun commentaire de la part des pouvoirs publics. Mutisme total.
Le pays avance à pas accélérés vers l’abîme, et rien ne semble l’arrêter.
Ezzeddine SAIDANE