L’objectif de ces rencontres est d’encadrer le travail mené durant cette décennie étant donné que Tunisian Smart Cities (TSC) est en phase de transition : de la logique d’une association qui produit des supports d’aide à la décision à une association qui monte des projets et qui fédère un écosystème d’investisseurs pour les concrétiser avec les différentes parties prenantes.
Après avoir reçu, durant le mois de décembre, la chargée d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis en Tunisie, Natasha Franceschi, ainsi que son équipe au Smart City Lab, l’association Tunisian Smart Cities a invité, le 24 janvier 2023, l’ancien ministre de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du Développement durable, Hedi Larbi, pour animer sa deuxième rencontre mensuelle.
En donnant le coup d’envoi de cette rencontre, le président de TSC, Borhène Dhaouadi, a présenté l’association, son programme et l’objectif derrière ce rendez-vous mensuel qui cible, à chaque fois, « la personnalité du mois », tout en indiquant qu’en parallèle à ces rencontres plusieurs délégations diplomatiques ont été ciblées en fonction de leurs orientations et leur implication dans un secteur bien déterminé.
Le premier port privé verra bientôt le jour en Tunisie
Dhaouadi précise que TSC n’est pas une association classique. C’est une association qui a adossé un ensemble d’experts et de nouvelles études qui servent l’intérêt du pays et de futures générations. Et depuis sa création, TSC a décidé de partir à la création de supports d’aide à la décision pour des projets importants dans des secteurs prioritaires tels que le transport, la santé, le numérique…
« Ce travail a abouti à la mise en place des catalogues de projets qui devraient être réalisés dans le cadre d’un PPP (partenariat public/privé). Mais comme nous le savons en Tunisie, le PPP est un processus complexe et souvent long. Avancer sur ce chemin et débattre de cette problématique impliquent forcément de multiples acteurs, compétences et volontés.
Heureusement, les avancées ne manquent pas dans ce cadre-là avec notamment tout l’effort accompli par les différentes parties prenantes en ce qui concerne la loi sur les offres spontanées. Citons par exemple, mais sans s’y limiter, l’Instance générale de partenariat public/privé (IGPPP) et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui ont le mérite d’avoir apporté une innovation règlementaire incitative sur la notion d’offre spontanée dans notre pays », souligne-t-il.
Dans ce même cadre, Dhaouadi ajoute que pour TSC, la clé de réussite réside dans la gestion même de la résistance au changement, ce qui nécessite à la fois l’engagement des dirigeants politiques, de responsables stratégiques et opérationnels…, qui devraient s’assurer de la préparation et du suivi du projet dans son entièreté, ainsi que de la gestion de la mobilisation des forces vives, telles que les citoyens, les municipalités, le monde associatif…
« C’est dans ce cadre que ces rencontres ont été organisées. Aujourd’hui chacun de sa place pourrait transmettre le message nécessaire à nos décideurs et aux bailleurs du fond de la meilleure des manières pour faciliter l’arrivée d’autres projets et pour reconfirmer encore une fois que la Tunisie est et restera une terre d’investissement, malgré un contexte économique difficile et incertain ».
Pour atteindre tous ces objectifs, le dialogue et la communication doivent être une vertu et une force morale avec laquelle un être humain tend au bien. C’est pour ce faire qu’il faut communiquer et convaincre pour piloter un projet et avoir les résultats attendus et espérés dans les délais.
« Pour nous, il devient indispensable de passer à l’action pour concrétiser les projets annoncés… Aujourd’hui, TSC est en phase de passer d’une association qui produit des supports d’aide à la décision -une mission déjà bien accomplie- à une association qui monte des projets et qui fédère un écosystème d’investisseurs pour transformer ces rêves en une réalité. Et c’est dans cette logique que ces rencontres se sont tenues tous les mois avec une personnalité qui incarne bien le slogan associatif, qui a des choses à nous apprendre sur le métier et le parcours qu’elle exerce et qui pourrait proposer une réflexion stratégique pour avancer avec des pas solides dans ce chantier énorme », précise M.Dhaouadi.
Dans ce même cadre, le président de TSC n’a pas manqué de rappeler que l’association et ses équipes sont bel et bien sur la bonne voie, étant donné que parmi les projets présentés, un premier commence à prendre forme et à voir le jour.
« L’effort qu’on a mené depuis des années a abouti à la naissance d’un projet avec décision. C’est la décision de l’Office de la Marine Marchande et des Ports “OMMP” qui a donné le premier Accord de principe pour le premier port privé en Tunisie avec un coût d’investissement estimé à 212 millions d’euros… Nous voulons dupliquer ce processus sur l’ensemble des projets proposés. Certes le chemin ne sera pas facile, mais nous avons décidé de nous engager. Tant que le premier pas est franchi, le reste suivra. Il suffit d’y croire pour pouvoir drainer d’autres types d’investissements », souligne-t-il encore.
Une banque de projets…
« L’idée de faire avancer ces projets en mode PPP dans divers secteurs en vue de réaliser les objectifs de développement durable est sans aucun doute un pas pertinent et opportun. Mais le seul point sur lequel il faut réfléchir, c’est la partie “défaillante” dans cette démarche. Même si l’Etat n’a pas des ressources -ce qui est le cas dans cette situation morose-, c’est l’autorisation de l’Etat qui reste l’élément décisif dans cette démarche. Donc, quelle que soit la situation, on doit avoir des réponses et des réactions pour aller à la recherche des projets factibles et productifs qu’on peut présenter aux investisseurs », précise, pour sa part, Hedi Larbi.
Et d’ajouter : « Le difficile a été fait et l’impossible a été tenté. TSC a réussi à élaborer une “banque de projets” qui cible tous les gouvernorats du pays. Un pas énorme à saluer. Mais ces projets devraient être mis sur la table de discussion avec nos décideurs pour réussir à les concrétiser. C’est surtout de trouver le filon pour qu’ils ne restent pas de simples promesses et des lettres mortes dans les casiers des différents responsables. D’où, la nécessité de dépasser cet obstacle pour pouvoir donner un coup de pouce réel à ces efforts. Par ailleurs, il ne faut pas traiter cet aspect d’une manière bureaucratique. Il faut se battre pour qu’il y ait des études de faisabilité, car c’est ne que cette manière-là qu’on peut capter l’attention des investisseurs et des promoteurs privés… Notre banque de projets existe, bel et bien, et doit marcher au-delà des objectifs escomptés pour se transformer en investissements créateurs d’emploi et de valeur ajoutée ».
​Oser le changement
D’après M. Larbi, pour pouvoir bouger et avancer les choses, on a besoin d’un exemple réussi du PPP pour parvenir à convaincre ceux qui persistent encore, qui refusent le changement et surtout ceux qui n’acceptent pas de sortir de leur zone de confort, tout en suivant le modèle “learning by doing” -une méthode de formation par l’action consistant à apprendre par la pratique. C’est aussi un problème ancien et récurrent, lié à une mentalité des orientations désuètes de l’administration. A cet égard, beaucoup de travail devrait être réalisé avec beaucoup de communication pour pouvoir débloquer les orientations publiques.
A une question sur si la Tunisie figure encore sur le radar de grands investisseurs ou non, M. Larbi affirme qu’il est vrai que notre pays a pris beaucoup de retard, notamment durant les dernières années, mais il peut se rattraper et retrouver sa place. Pour ce faire, on a besoin d’un levier immédiat pour pouvoir casser cette mauvaise échéance et rétablir la confiance de ces investisseurs.
« Qu’on le veuille ou pas, il y a toujours de la place, surtout avec cet emplacement stratégique et historique. Ceci reste une réalité valable pour toujours. Mais d’une manière générale, le secteur privé évalue la rentabilité de projet, puis on commence à regarder l’environnement institutionnel et politique pour évaluer le risque… Aujourd’hui, la Tunisie n’est pas sur les radars de grands investisseurs. Ce n’est pas parce que nous sommes un petit pays…, mais parce que l’environnement politique et institutionnel n’est pas stable et donc le risque est élevé. Et dans cette situation, personne ne veut s’aventurer dans des projets énormes », souligne-t-il.
M. Larbi affirme, également, qu’il est indispensable de lutter contre la corruption. Mais en parallèle, il faut arrêter de diaboliser le secteur privé, car c’est très préjudiciable à l’image du pays, étant donné que ce fléau n’est pas plus élevé qu’ailleurs. Mais malheureusement, on est en train de créer l’image d’un pays corrompu, ce qui n’est pas le cas à l’heure où une autre réalité importante s’impose : il n’y a pas de développement économique dans n’importe quel pays sans un secteur privé très dynamique qui investit. Et là , on ne peut pas continuer à reconnaître ce qu’on doit faire et comment on doit le faire. Pour ce faire, il faut laisser les gens promouvoir leurs activités pour créer de l’emploi et créer de la croissance et faire de prospérité dans ce pays. Et là encore, il ne faut jamais compter sur l’Etat et uniquement sur l’Etat. Il faut compter sur soi-même.
A quand le bout du tunnel ?
A cette question, M. Larbi affirme que depuis plus d’une décennie, le pays passe par une situation chaotique, mais qui ne va pas durer. Historiquement, le monde arabo-musulman n’a jamais rien réussi. Mais quand il y a quelque chose énorme comme une “Révolution” dans une Nation, le temps reste le maître des mots. Revenons un peu dans le temps, les pays qui se sont développés et qui ont réussi à l’échelle internationale sont des pays ayant vécu des révolutions à l’instar de l’Angleterre, la France, les Etats-Unis… Ces derniers ont passé entre 30 et 60 ans pour pouvoir faire une véritable réussite. Cela veut dire que les peuples qui se remettent en cause et qui vont jusqu’à la révolution sont des peuples qui veulent s’en sortir.
Ensuite, ils tombent dans cette sphère de marasme parce qu’ils ne savent pas comment gérer ce changement, mais après, ça va émerger. Mais ce qui est intéressant dans tout cela, c’est que les gens vont se reconstruire sur des bases beaucoup plus solides que par le passé… Mais aujourd’hui, on constate l’accélération de l’histoire. Quand on a parlé de 30 et de 60 ans, c’était dans les années 1600 et 1700 alors qu’aujourd’hui, c’est dix à quinze ans. A cet égard, il nous reste deux à cinq ans pour rebondir, mais on ne peut plus rebondir dans le même sens.
C’est seulement en ce moment-là qu’on commence à reconstruire.