Démondialisation et post-globalisation ont été les thèmes les plus discutés par le 53e Forum économique de Davos en Suisse, janvier 2023 sur le thème « Coopérer dans un monde fragmenté ».
Les débats instaurés dans le cadre de cette «ONU du business» ont dégagé une sorte de détermination des Occidentaux à se réindustrialiser. La recette retenue serait de subventionner les entreprises industrielles soit pour les sédentariser, soit pour les rapatrier, soit pour les relocaliser à proximité.
La Tunisie, forte de sa proximité de l’Europe (une heure de vol pour Rome) et de sa position géographique au centre de la Méditerranée – et même du monde -, peut tirer le meilleur profit de cette nouvelle tendance à la réindustrialisation du Vieux continent, si elle prépare le terrain.
Parmi les secteurs qui peuvent exploiter tout de suite cette relocalisation figure l’industrie des médicaments dans laquelle la Tunisie a développé une expertise compétitive et perfectible. Il s’agit principalement des trois composantes de cette activité : l’industrie pharmaceutique, le développement d’unités de fabrication de princeps de médicaments et la bioproduction (vaccins…).
Les Européens, qui ont peur pour leur santé, après découverte de la pandémie de Covid-19, se font maintenant de souci des dégâts occasionnés par leur désindustrialisation.
A titre indicatif, les Français l’ont découverte dramatiquement quand ils ont compris que leur pays n’avait quasiment plus de masques et que certains produits pharmaceutiques n’étaient plus fabriqués sur le sol national. D’où tout l’enjeu de leur option pour la réindustrialisation et la relocalisation.
Le site Tunisie demeure attractif pour les laboratoires mondiaux
Pour revenir à l’industrie du médicament, la question qui se pose est de savoir si l’écosystème industriel médical tunisien est bien préparé pour accueillir des entreprises relocalisées.
Certains observateurs seraient tentés de nous rétorquer que cette industrie n’est plus attractive en Tunisie, évoquant les informations diffusées, dernièrement, à propos de laboratoires qui ont décidé de quitter le site Tunisie de production international.
Sur ce sujet, Adel Mohsen Chaabane, président du Conseil des Chambres mixtes (CMM), temple de l’offshore en Tunisie, a apporté trois rectifications-éclairages fort intéressants.
Premièrement, les entités qui ont décidé de quitter la Tunisie ne sont pas des laboratoires. D’près lui, ce sont des bureaux de représentation qui ferment. Mais les médicaments de ces laboratoires continuent à être commercialisés en Tunisie. Se référant à des gens du secteur, les contrats de paiement sont en principe de six mois. Actuellement, ils dépassent les 15 mois.
Deuxièmement, ces entités ont décidé de partir à cause des délais très longs pour la validation de l’introduction de nouveaux produits en Tunisie.
Troisièmement, la pénurie de médicaments constatée ces derniers temps s’expliquerait par la divergence de gouvernance adoptée par les laboratoires mondiaux privés et la Pharmacie centrale, organe public qui a le monopole d’importation des médicaments et qui est en plus réputé pour être un mauvais payeur.
En effet, pour vendre à la Tunisie, il faut cinq à six signatures qui se succèdent pour autoriser une commande à la Pharmacie centrale). « Il se peut que le directeur financier de la multinationale, à défaut de paiement en devises dans les délais et soucieux de la rentabilité de son entreprise, bloque la transaction », estime Adel Chaabane, dans un entretien accordé à un magazine de la place.
Abstraction faite de ces éclairages, le site Tunisie demeure attractif pour les laboratoires internationaux. Pour preuve, la récente décision de la société jordanienne Hikma d’implémenter à Sidi Thabet (gouvernorat de l’Ariana), une nouvelle usine en Tunisie.
Hikma, qui produit des médicaments génériques destinés au marché local et à l’export vers les pays arabes et africains, compte déjà trois usines en Tunisie.
Perspectives porteuses
Par ailleurs, les préparatifs en cours pour le lancement en Tunisie, en partenariat avec la Banque mondiale, l’OMS et l’Union européenne, d’une véritable industrie de fabrication de vaccins selon les normes internationales militent en faveur du renforcement de l’attractivité du site Tunisie.
Quatre projets méritent d’être signalés, dans ce contexte, le choix de la Tunisie par l’OMS avec cinq autres pays africains (Égypte, Nigeria, Afrique du Sud, Sénégal et Kenya) pour l’implémentation de la technologie à ARN messager (ARNm) et la participation effective de la Tunisie au nouveau programme de recherche européen « Horizon Europe (2021-2027) », un projet de 95,5 milliards d’euros. Ce programme relaye celui de H2020 (2014-2020).
Les deux autres portent sur le renforcement de l’écosystème et la logistique. Le premier concerne l’enjeu de parachever dans les meilleurs délais des travaux de réalisation de la Technopole de biotechnologie de Sidi Thabet, tandis que le second a trait au partenariat établi entre l’Institut Pasteur de Tunis (IPT) et plusieurs laboratoire de renommée mondiale (Moderna entre autres).
Cela pour dire que la Tunisie, adossée à tous ces acquis et projets, a désormais tous les atouts de performer et d’ambitionner d’être un jour un site attractif en matière de biotechnologie et de production de médicaments.