L’évènement : la cheffe du gouvernement italien, la nationaliste conservatrice, Giorgia Meloni, vient d’effectuer deux visites de travail en Algérie et en Libye.
Au regard des résultats fort positifs qui ont couronné ces visites, on peut dire que la présidente du parti de droite «Frères d’Italie» (Fratelli d’Italia), qui a accédé au pouvoir en octobre 2022, a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué. On peut même dire qu’elle a gagné le jackpot. Et pour cause. Elle a conclu avec l’Algérie et la Libye de juteux contrats gaziers qui vont faire de l’Italie un hub gazier pour l’Europe.
L’Italie hub gazier européen
Ces accords ont été conclus dans le cadre du «plan Mattei» en hommage à l’énergéticien tiers-mondiste italien, Enrico Mattei. A travers ces accords, le gouvernement d’extrême droite vient consacrer une évolution spectaculaire et effective de la position de l’Italie vis-à-vis de son flanc sud.
A rappeler que depuis le déclenchement, en 2011, des soulèvements au sud de la Méditerranée, l’Italie, craignant le sabotage des gazoducs par des terroristes djihadistes, s’est toujours préoccupée de son approvisionnement en gaz naturel à partir du sud de la Méditerranée. Le pays étant alimenté en gaz naturel par deux principaux gazoducs : le Transmed à partir de l’Algérie et le Greenstream à partir de Libye.
Dans ce même contexte, l’Italie a fait échouer le projet de construction d’un second gazoduc dénommé “GALSI“ devant relier directement l’Algérie à l’Italie à travers la Sardaigne.
Pis, en avril 2017, le ministre italien du Développement économique de l’époque, Carlo Calenda, avait déclaré aux médias que l’Italie ne renouvellera pas son contrat d’importation de gaz à long terme (par gazoduc) avec l’Algérie. Le responsable italien parlait du Transmed algéro-tuniso-italien « Enrico Mattei ».
On apprendra, après cette déclaration, que l’Italie, pour subvenir à ses besoins en gaz naturel (14 milliards de m3), s’est engagée par des contrats à long terme avec d’autres producteurs de gaz plus sûrs et moins exposés aux risques de sabotage et de terrorisme. Il s’agit, notamment, des Pays-Bas à partir de 2020 et de la Norvège à compter de 2026.
Cela pour dire que l’Italie revient de loin.
Le projet du Gazoduc GALSI sera relancé
Avec la récente tournée de Giorgia Meloni, au sud de la Méditerranée, ces projets ont été dépoussiérés, relancés et enrichis par de nouveaux projets d’énergie verte tels que l’exportation à partir du sud de la Méditerranée de l’hydrogène et de l’électricité produite à partir d’autres énergies vertes.
Cela pour dire qu’un grand marché énergétique d’envergure internationale est sur le point d’être développé au sud de l’Europe.
Dans le détail, Alger et Rome se sont mis d’accord pour relancer le projet du gazoduc reliant Koudiat Edraouech à El Kala (nord-est de l’Algérie) à la Sardaigne, GALSI (acronyme pour « Gazoduc Algérie – Sardaigne – Italie »). Selon des sources algériennes, le projet avait été abandonné en 2012 après l’offensive du Russe Gazprom sur le marché européen.
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé, lors de la signature de l’accord, que « le projet de gazoduc GALSI sera réalisé en peu de temps », pour permettre à l’Algérie d’exporter, outre le gaz, l’électricité, l’ammoniac et l’hydrogène.
L’Algérie, qui s’impose désormais «en tant que fournisseur énergétique historique, sûr et fiable», est également impliquée, parallèlement au GALSI et au gazoduc Transmed, dans la réalisation du gazoduc transsaharien reliant l’Algérie, le Niger et le Nigeria. Un gazoduc qui devrait à terme permettre d’acheminer 30 milliards de m3 de gaz nigérian vers l’Europe via la Méditerranée.
L’Algérie a convenu avec le Niger pour prendre en charge la réalisation du tronçon du gazoduc qui relie le Nigeria à la frontière algérienne.
L’ENI renforce sa place en Libye en tant que premier producteur de gaz
Concernant la Libye, la visite de la cheffe du gouvernement italien, Georgina Meloni, a été marquée par la signature entre le géant italien de l’énergie (ENI), le premier opérateur avec 80% de la production de gaz libyen, et la Compagnie nationale de pétrole (NOC) libyenne, d’un accord “historique” pour l’exploitation de deux gisements gaziers au large de la Libye.
Il s’agit du “premier grand projet développé en Libye depuis 2000” sur deux champs situés au large, capables de produire “dès 2026, entre 750 et 800 millions de mètres cubes de gaz par jour”, a précisé dans un communiqué Eni, présente dans le pays depuis 1959.
Le projet, qui permettra de “répondre à la majorité des besoins libyens et un tiers de la capacité“, prévoit “un investissement de 8 milliards de dollars sur une période de trois ans”, un partenariat que le secteur “n’a pas connu depuis 25 ans”, a indiqué Farhat Bengdara, patron de la NOC.
Quant à la Tunisie, elle est déjà engagée dans un grand projet gazier avec l’Italie. Le transport du gaz est assuré, depuis 1983, par le gazoduc Enrico Mattei ou Transmed qui traverse la Tunisie sur une distance de 400 km, de la frontière algérienne au village côtier d’El Haouaria (Cap Bon en Tunisie) en contrepartie d’une redevance de 6% sur le gaz transporté. Cette redevance est fournie à la Tunisie soit en nature (gaz), soit en dollars.
La Tunisie a également ses atouts
En 2019, Alger, Tunis et Rome ont renouvelé le contrat de vente du gaz algérien acheminé, via ce gazoduc, vers l’Italie, contrat qui date depuis 1977.
Les trois pays se sont engagés à le prolonger, jusqu’en 2027, soit 10 ans de plus avec une option de deux années supplémentaires jusqu’en 2029.
Par ailleurs, un pont électrique Sicile–Tunisie, dénommé officiellement « Electricité Méditerranéenne » (ElMed), interconnexion électrique sous-marine de 230 km de Partanna sur l’île de Sicile jusqu’à El Haouaria (Cap Bon), sera bientôt mis en œuvre. Ce projet devrait s’achever à l’horizon de 2025.
Il sera financé en partie par un prêt de 307,6 millions d’euros accordé par l’Union européenne (UE). Le coût global de ce projet, qui transportera l’électricité produite à partir des énergies vertes (solaire et hydrogène), est estimé à plus de 600 millions d’euros.
Au regard de l’ensemble de ces projets énergétiques, particulièrement gaziers, le gouvernement conservateur italien de Georgia Meloni aura réussi son pari, celui de faire de l’Italie un hub énergétique pour le reste de l’Europe. Elle aura contribué ainsi à ériger le sud de la Méditerranée en zone hautement stratégique.
Elle aura donc vu juste quand elle affirmé, au cours de ses visites, que « les pays de l’UE ne peuvent être prospères que si leurs voisins africains le sont ».