La question du club de Paris a soulevé récemment beaucoup de discussions et parfois de la polémique. La discussion, et le débat de manière générale, peuvent être utiles puisque cela permet aux uns et aux autres de comprendre ce qui se passe et de contribuer à une recherche de solutions de sortie de crise.
La polémique, par contre, ne nous fait pas progresser. Bien au contraire. Certains choisissent de s’attaquer à ma personne et de m’insulter, au lieu de participer au débat et challenger les idées avancées. Mais un tel comportement ne nous fera pas progresser. Et laissez moi vous dire une chose: les insultes et les calomnies de certains ne m’affectent en rien. Je tiens toujours à exprimer une opinion libre, sincère, sans aucune arrière pensée et sans aucune ambition autre que celle de contribuer utilement au débat en faisant le diagnostic le plus proche de la réalité et en proposant toujours des solutions.
Le club de Paris
Le club de Paris n’est évidemment pas une fatalité. Depuis plusieurs années je n’ai pas arrêté d’avertir contre la situation où notre pays aurait besoin de ré-échelonner sa dette extérieure et donc de passer devant le club de Paris. Mais les réformes ont beaucoup tardé et la Tunisie vit aujourd’hui une situation économique, financière et sociale difficile. Cette situation se complique de jour en jour par la dégradation de tous les indicateurs économiques et financiers, et par la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie.
Ces difficultés sont en train de se traduire par une situation d’étouffement financier en ce sens que la Tunisie ne peut pas aboutir à un accord définitif avec le FMI. Ceci fait que l’État ne peut pas mobiliser de ressources extérieures, ne peut plus emprunter aux banques locales du fait de la dégradation de leur notation par l’agence de notation Moody’s et ne peut plus continuer à monétiser le déficit budgétaire (planche à billets que certains continuent à nier).
Cette situation d’étouffement financier fait que le seul moyen de réduire la pression sur les finances publiques et redonner à l’État la possibilité de mobiliser des ressources extérieures réside dans le rééchelonnement de la dette extérieure et donc le passage devant le club de Paris. Mais comment un pays peut-il aller devant le club de Paris.
Aller devant le club de Paris pour ré-échelonner la dette extérieure
Il est évident que le rééchelonnement de la dette extérieure et donc le passage devant le club de Paris ne peut pas se faire sans l’accord du FMI. Mais de quel accord parlons-nous.
Et c’est bien à ce sujet qu’une polémique stérile s’est installée. Et cette polémique a été alimentée par certains qui, malheureusement, ne comprennent pas de quel accord du FMI il s’agit. Précisons d’abord qu’il ne s’agit point de l’accord du FMI sur le prêt de 1,9 milliards de Dollars. Il s’agit d’un accord d’une toute autre nature. En effet le FMI doit procéder à ce qu’on appelle une analyse de la soutenabilité de la dette extérieure de la Tunisie. Cette étude aboutit normalement à une de deux conclusions :
- L’analyse peut montrer que les difficultés du pays sont des difficultés de mobilisation de ressources alors que les fondamentaux de l’économie restent corrects. Il s’agirait dans ce cas de problèmes de liquidités auquel le pays peut faire face au moyen d’un rééchelonnement de sa dette extérieure devant le club de Paris. Et toute l’opération est alors gérée par le FMI. C’est le cas de la Tunisie;
- L’analyse peut par contre aboutir à une conclusion différente lorsque les fondamentaux du pays se trouvent dans une situation tellement grave que le rééchelonnement de la dette extérieure ne suffit pas à arranger les choses. Dans un tel cas le FMI et les membres du club de Paris doivent proposer en plus du rééchelonnement de la dette une réduction de dette ou d’autres mesures plus radicales encore. C’était le cas du Soudan par exemple en 2021.
Préparer le passage devant le club de Paris
Mon propos était de dire que si l’on arrive à la conclusion que le rééchelonnement de la dette devient nécessaire au point de devenir une composante de la solution de sortie de crise, il vaut mieux bien préparer la discussion avec le FMI et le passage devant le club de Paris plutôt que de le faire à la dernière minute et aggraver les difficultés du pays, au lieu de les résoudre. Même pendant les moments difficiles la RAISON doit toujours être là et l’intérêt de la nation doit toujours primer. En effet pour réussir un rééchelonnement de la dette lorsqu’il devient nécessaire il faut préparer:
- Les objectifs à réaliser;
- La stratégie de négociation;
- Une feuille de route aussi précise que possible;
- et surtout l’équipe qui va négocier au nom du pays.
Il n’y a pas une seule manière de ré-échelonner la dette extérieure. Certaines manières peuvent comprendre des contraintes difficiles à accepter. Certaines autres manières peuvent affecter durement la vie quotidienne du citoyen. Et certaines peuvent même toucher à la souveraineté du pays.
À bon entendeur SALUT,
Ezzeddine Saidane