Le crowdfunding ou financement participatif, une réponse aujourd’hui à l’insuffisance des financements pour les projets de création ou de reprise et de développement d’activités sur les marchés traditionnels, existe en Tunisie par la loi depuis le 18 août 2020. Ses textes d’application ont été promulgués en 2022, mais à ce jour, l’activité n’a pas encore démarré.
Mehdi Ben Mustapha, chef du département de la communication et de l’éducation financière au CMF (Conseil du marché financier), a annoncé lors de la toute récente rencontre organisée par la Chambre franco-tunisienne de commerce et d’industrie (CFTCI) que la BCT s’est engagée à achever les travaux pour l’opérationnalisation du crowdfunding et son cadre réglementaire avant la fin du 1er trimestre de 2023.
Ce mode de financement, qui permet aux porteurs de projets d’entrer en contact avec des financeurs composés de business angel ou d’investisseurs qui veulent tirer profit de leurs mises, pourrait devenir «dans un futur proche, la source principale de financement des petites entreprises», assure Duncan L. Niederauer (ancien président de la Bourse de New York), cité par Mehdi Ben Mustapha.
«Le crowdfunding revêt une grande importance car ce financement participatif pallie le coût et la rareté des financements classiques… Depuis quelques temps, l’argent ne coule pas à flots dans notre système bancaire, et même s’il existe, son coût est devenu, à la faveur des révisions successives du taux du marché monétaire, rare et onéreux», a relevé Khalil Chaibi, président de la CFTCI.
Le crowdfunding est un choix stratégique pour les entreprises. Il leur donne un avantage compétitif et leur permet, via des instruments financiers sécurisés, de lever des fonds sans garanties personnelles, et permet aux porteurs de projets de tester une idée à grande échelle et d’obtenir des éléments d’étude de marché, tout en profitant d’une communication intéressante auprès du réseau, ajoute M. Chaibi.
La loi sur le crowdfunding en Tunisie a été la riposte à une croissance économique faible et la réponse à la naissance d’une génération de jeunes promoteurs porteurs de grandes idées et ne disposant pas de moyens financiers et encore moins de garanties réelles à offrir aux banques.
Elle encourage également une croissance économique inclusive et durable qui tient compte des attentes des populations. Au Start Up Act I, succède la loi sur le crowdfunding et le Startup Act II qui sera prochainement annoncé pour un environnement favorable à l’entrepreneuriat et un écosystème propice à la réalisation de projets audacieux et innovants, sachant que la collecte des Fonds pour l’investissement se fait en utilisant Internet et les réseaux sociaux.
Le crowdfunding : une source de financement pour les exclus des services financiers formels
D’après une étude menée par la Banque mondiale (BM), on estime à 96 milliards de dollars de levée de fonds en crowdfunding dans les pays émergents, la Tunisie pourrait en collecter au minimum 2,5 milliards de dinars à l’horizon de 10 ans.
Le rapport Massolution* (2015) sur le crowdfunding en ligne note qu’il existe 12 500 plateformes à travers le monde qui mobilisent un montant global de 145 milliards de dollars américains. A ce jour, les pays en développement ont faiblement adopté le crowdfunding. Selon l’étude publiée sur Cairn Info, le rapport AfrikStart (2015) montre qu’il existait 57 plateformes de crowdfunding en Afrique mobilisant 32,3 millions de dollars américains, soit 0,1 % du montant total mobilisé par le crowdfunding à travers le monde.
Le marché du crowdfunding pourrait toutefois y atteindre les 96 milliards de dollars américains par an vers 2025.
En France, l’année 2022 a été une année record pour le financement participatif avec 2,355 milliards d’euros collectés sur les plateformes, soit une hausse de +25% par rapport à l’année 2021. Depuis 2015, les chiffres ont été multipliés par 14 avec un total cumulé de plus de 7 milliards d’euros, tout modèle transactionnel confondu (don, prêt, investissement).
Les raisons évoquées pour expliquer le bond de ce type de financement est la simplicité de cet outil financier, son importante progression dans le secteur immobilier et la diversification des mécanismes de collecte.
Autant de raisons aussi valables en Tunisie pour y développer le financement participatif et réaliser une croissance économique fiable et répondre à des défis sociaux croissants. Les plateformes de financement participatif étant intéressantes pour les investisseurs et réduisant la pression sur les banques nationales généralement frileuses et exigeant des garanties réelles.
Pour rappel, Thameur Hemdane, jeune tunisien pionnier dans le développement du crowdfunding en Afrique et fondateur de la plateforme E”quity crowdfunding Afrikwity”, a lancé en 2014 une plateforme « Cofundy » de dons / récompenses. La plateforme opérant à partir de la France ne pouvait mobiliser que les diasporas tunisiennes faute de lois permettant la mobilisation des résidents tunisiens.
Résultat des courses : seule une douzaine de projets ont pu être financés. Aujourd’hui que le cadre réglementaire est presqu’achevé, il faut espérer que de nombreuses plateformes semblables à «Cofundy» voient le jour en Tunisie.
Dans l’attente, il va falloir bien communiquer pour réduire tout risque de voir une administration mal informée freiner le développement d’un système de financement qui offre des opportunités inédites aux jeunes pour réaliser projets et rêves.
* https://www.cairn.info/revue-innovations-2018-2-page-187.htm