La Tunisie a choisi d’adopter un nouveau modèle énergétique qui permet de réduire sa précarité énergétique et sa dépendance à l’importation des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici l’an 2050.
La réussite de cette stratégie, a déclaré Neila Gongi, ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, dépendra de l’implication de l’ensemble des acteurs, du secteur public, du secteur privé et des institutions financières.
C’était vendredi 3 mars 2023 lors de la Conférence nationale sur la « Stratégie énergétique de la Tunisie à l’horizon 2035 » organisée en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Quatre objectifs stratégiques déclinés en 17 leviers ont été adoptés lors de la mise en place de la stratégie :
– La sécurité de l’approvisionnement énergétique,
– La décarbonisation de l’économie ;
– Le développement économique inclusif ;
– La transition juste.
Les énergies renouvelables seront le socle de la production de l’électricité avec une part de 30% d’ici 2035 et l’objectif de réduire les émissions de CO2 du secteur de l’énergie d’environ 36% en 2030 et 46% en 2035. L’Etat, assure la ministre de l’Energie, accordera une importance particulière au développement des énergies vertes innovante comme l’hydrogène vert, source potentielle de diversification du Mix et d’exportation d’H2, d’ammoniac et d’engrais verts. La transition énergétique permettra la création de plus de 70 000 postes d’emplois additionnels et une croissance additionnelle du PIB de 2%.
Mieux encore, la politique d’intégration industrielle renforcera les capacités du secteur et rendra plus aisée le transfert technologique sachant que les économies mondiales sont, aujourd’hui, en pleine mutation vers les industries 4.0 et 5.0.
C’est donc une vision globale qui a été adoptée par l’Etat tunisien sur les plans énergétique, climatique, économique et social.
Samir Saied, ministre de l’Economie et de la Planification a, pour sa part, rappelé que dans le Plan de développement économique 2023-2025, la part de l’énergie renouvelable sera, à l’horizon de 2025,de 24 % avec une capacité installée de 2 170 MW et un investissement de 5,390 milliards de dinars avec pour objectif d’honorer les engagements de la Tunisie à réduire l’intensité carbone de 45% d’ici 2030.
Il a précisé à ce propos qu’une attention particulière a été portée aux projets énergétiques à dimension économique et sociale qui contribuent à la réduction de la demande d’énergie, à la création d’emploi et à la maîtrise du coût des subventions. Il a assuré que la stratégie énergétique constitue l’un des piliers principaux des stratégies sectorielles qui ambitionnent de réaliser la Vision Tunisie 2035 et qui seront actées par le Plan de Développement 2023-2025 et les plans quinquennaux qui suivront.
L’un des projets les plus importants à dimension internationale en matière de connectivité électrique est le projet « Elmed » cité, à juste titre, comme exemple par le ministre Saeid de pour l’importance de l’investissement soit 840 millions d’euros (près de 3 milliards de dinars) partagé à parts égales entre la STEG et son homologue italienne TERNA avec un soutien exceptionnel de la part de l’UE de 307,6 millions d’euros sous forme de don.
Samir Saied a aussi parlé des programmes destinés aux ménages à l’instar de « Prosol », « Prosol Elec social » et « Prosol Elec économique ». Recourir aux nouvelles techniques de construction permettant des économies d’énergies, à l’instar du projet de « transition énergétique dans les établissements publics TEEP » financé par la KfW et le FTE pour installer environ 30MW durant la période du Plan 2023-2025, sera désormais un choix stratégique de l’Etat.
Reste qu’en matière de secteur énergivore, il n’y a pas que le secteur du bâtiment, le transport, précise Rabii Majidi, ministre du Transport, est « le secteur des transports est le premier consommateur d’énergie finale (environ 32 % de la consommation nationale totale). La part du lion de cette consommation est enregistrée au niveau du transport terrestre (dépassant les 90% de la consommation globale du secteur). La voiture particulière en consomme environ 49% ».
Promouvoir les modes de transport actifs
Les transports sont aussi l’une des sources de pollution atmosphérique les plus importantes en Tunisie. « Le bilan national établi en 2022 a indiqué que le secteur des transports occupe le second rang en termes d’émission des Gaz à effet de Serre GES (environ 37% du total des émissions).
Les GES émis par le secteur ont atteint 8,2 millions de tonnes équivalent CO2. Sur la période 2010 à 2021, entre 85% et 96% de ces émissions proviennent du transport routier, et Seulement 1% des émissions des GES proviennent du transport ferroviaire et du transport aérien national ».
Pour réduire les dégâts du CO2 sur l’environnement, et dans le cadre de la vision stratégique du Transport et de la Logistique à l’horizon 2040, les orientations sont, entre autres, le développement du transport ferroviaire et des marchandises et la mise en place d’un transport durable.
La politique nationale nationale de mobilité urbaine durable (PNMU), conçu sur la base d’un scénario Climat, prévoit une réduction des émissions des GES de 32% à l’horizon de 2050. Plus d’importance sera donnée aux transports en commun en limitant le recours aux voitures particulières et en promouvant des modes de transport actifs tels la marche à pied et à vélo ainsi que des modes de mobilité urbaines propres et plus sûrs.
La Tunisie vise également, dans le cadre de la transition énergétique, le développement de l’usage de l’énergie solaire dans les ports de commerce par un projet Pilote qui sera généralisé après étude et évaluation. Il s’agit de l’équipement des quais de bornes d’électrification au port de la Goulette (projet Pilote).
Ce projet permettra de renforcer l’intégration du port dans sa ville, à travers l’amélioration de la qualité de vie des riverains par la réduction et le contrôle des sources de pollution de l’air provenant des navires en escale. Cet axe vise à assurer une conformité avec les conventions internationales à l’instar de la convention MARPOL.
On prévoit également la diversification du mix énergétique dont l’hydrogène : étude stratégique pour le développement du mix énergétique, en plus de l’énergie solaire, visant à intégrer des vecteurs énergétiques renouvelables et propre, afin d’augmenter l’indépendance énergétique de manière durable et de contribuer à atteindre la neutralité carbone.
S’agissant du transport aérien, un plan national de réduction des émissions polluantes a été mis en place.
Il s’agit de la réalisation par l’OACA d’une centrale électrique photovoltaïque à l’aéroport de Tozeur d’une capacité de 5 MW qui permettra l’usage d’une énergie propre et renouvelable. L’objectif est la maîtrise des coûts de fonctionnement tout en répondant aux besoins énergétiques des aéroports nationaux.
La réduction du temps de roulage des avions figure également parmi les buts fixés par l’OACEA dans le cadre des politiques de réduction des émissions polluantes «Nous sommes très intéressés par l’enjeu du «green taxing» qui offre la possibilité aux avions de rouler, de leur place de parking à la piste d’atterrissage, c’est une ambition qui nous motive pour réussir le pari de l’innovation aérienne » a précisé le ministre du Transport.
Sur un tout autre volet, des plans ont été mis en place par les compagnies aériennes pour rajeunir leur flottes et c’est dans ce cadre que s’inscrit la concrétisation du programme de l’acquisition des avions A320neo de Tunisair tout récemment.
La vision Tunisie 2035 finalisée depuis le mois de juillet dernier ainsi que le plan 2023-2025 validés par le Conseil des ministres ont permis d’identifier les pistes et de trouver les leviers pour la réduction la dépendance énergétique et la réduction de sa facture devenue trop lourde pour les finances publiques.
Il faut espérer qu’elle sera adoptée par les prochains gouvernements dans un pays ou chaque gouvernement s’évertue à gommer les réalisations de ceux qui le précèdent.