Mounira, Karima, Tahani et Emma, chacune à sa manière, forgent leurs propres voies, en faisant du terroir leur cheval de bataille. Elles sont propriétaires d’une Maison d’hôtes ou d’un atelier de fabrication de produits alimentaires ” sains” ou encore gestionnaires d’association de tourisme solidaire ou de permaculture.
L’Agence TAP a recueilli leurs témoignages sur leurs parcours, lors du premier festival “Je mange tunisien”, tenu le week-end dernier au Centre de formation agricole de la femme rurale à Chbedda (Ben Arous).
Karima Abassi, jeune maman de 33 ans a opté pour la production de produits locaux. Aujourd’hui, elle propose à ses clients , le café à base de noyaux de datte, du beurre de cacahuètes, des tisanes à base de myrte et de verveine….
“Issue d’une famille de paysans de Sejnene, j’ai eu toujours l’idée de créer un projet dans l’agroalimentaire et de faire connaître les produits locaux de ma région”, affirme Karima, titulaire depuis 2016, d’un diplôme de conseillère en développement régional.
Pour elle, dés le début, il ne fallait pas attendre un poste dans la fonction publique. C’est chez elle à Hammam Lif, que Karima a choisi de lancer son projet “Zed El Khir”, après avoir contracté un crédit de 10 mille dinars auprès de la BTS et effectué des formations dans le domaine, telles que les techniques de stérilisation.
Pour cette jeune maman, sa formation en administration des affaires à l’école du Commerce de la Manouba l’a beaucoup aidée dans le lancement de son projet notamment, l’étude de faisabilité, qu’elle a réalisée toute seule ainsi que dans la prospection du marché.
Karima qui rêve de voyager partout dans le monde pour faire connaître ses produits, estime que la consommation des produits de terroir et “healthy” doit faire partie de la culture des Tunisiens. Elle suggère la diffusion par la télévision tunisienne de spots publicitaires pour les promouvoir.
Si Karima fabrique ses produits chez elle pour les vendre ensuite dans les salons et les expositions-ventes, Mounira Ounissi a, quant à elle, choisi de proposer ses produits de terroir dans la maison d’hôte qu’elle a créée à Chenini “Oasis Mounira” (gouvernorat de Gabès).
“Je propose au petit déjeuner les produits de ma région (faits maison), tels que la confiture de grenade avec ou sans pépins, la marmelade de dattes et Bsissa (mélange à base d’orge ou de blé moulu)”.
Dans les festivals et manifestations, même une seule vente parfois, l’enchante. Cette vente peut ouvrir la voie à d’autres commandes grâce aux contacts établis aussi bien dans les manifestations destinées à la promotion des produits locaux que dans sa maison d’hôtes.
Dans l’attente de l’autorisation définitive du ministère du commerce, Mounira propose grâce aux 3 chambres d’une capacité d’accueil de 7 lits, de sa maison d’hôtes, située aux abords de l’Oasis de Chenini (Gabès), gîte et couvert aux touristes notamment, Italiens et français de passage dans le sud tunisien.
Comme elle le fait chez elle, Mounira a proposé aux visiteurs du festival “je mange Tunisien”, ses propres produits ainsi que ceux fabriqués par les adhérents à l’Association du tourisme solidaire, dont elle est membre. Pour cette femme, le créneau qu’elle a choisi, lui offre une source de revenus mais surtout une occasion de faire des rencontres et de tisser des liens aussi bien pour son projet que pour son Association.
Elle cite le vieux dicton tunisien “Le contact humain constitue une richesse ou un trésor”, notant qu’au-delà du produit proposé à l’achat ou à la consommation, il y a un esprit de convivialité et d’hospitalité qui doit l’emporter sur les considérations matérielles. Cet esprit semble avoir charmé un couple de français qui est revenu chez “Mounira Oasis” à son deuxième passage en Tunisie, à l’instar de bien d’autres touristes locaux.
Etablir des relations de confiance aussi bien avec les clients qu’avec les membres de l’Association du tourisme solidaire constitue le credo du travail dans ce domaine, a souligné pour sa part, la présidente de l’Association “Tahani Oun“.
L’association aide ses membres dont la plupart sont des femmes à trouver des clients et un marché pour leurs produits à l’instar des condiments de cuisine ou de produits d’artisanat et à les fidéliser en se basant sur les relations de confiance établies, a-t-elle précisé.
Elle facilite également, à ses membres l’accès à la formation dans certains domaines pour acquérir de nouvelles compétences dans les techniques de vente, ce qui leur permet d’améliorer leurs offres à tous les niveaux.
Première femme a avoir créé une société de commercialisation des produits bio depuis les années 1990 en Tunisie “Napolis”, Emma Bernegger, une suissesse de 71 ans, est passée aujourd’hui, à une nouvelle étape.
Installée depuis plus de 35 ans en Tunisie et après avoir cédé son entreprise à une autre entrepreneure, elle milite actuellement, pour que la recherche et la consommation des produits de terroir et bio soient inscrites dans les habitudes du Tunisien.
Emma a souligné l’importance pour le Tunisien de consommer le produit bio, soit un produit dont “on connaît l’origine et la traçabilité depuis la terre jusqu’à l’assiette”. ” La crise du COVID 19, a montré l’importance de ce genre d’aliment, produit tout près de chez soi “, a-t-elle insisté.
Cette septuagénaire, qui avait pu grâce à “Napolis”, commercialiser 30 produits de terroir, estime que le consommateur tunisien doit adopter un comportement responsable, savoir d’où viennent les produits qu’il consomme et privilégier la qualité sur la quantité, tout en respectant la nature et l’environnement et en étant reconnaissant envers les producteurs, agriculteurs et agricultrices, qui sont en amont de la chaîne alimentaire.
Il s’agit là d’un changement de comportement pour lequel milite Emma avec d’autres activistes de la société civile tunisiens et étrangers.