Les craintes du Parlement européen quant à un effondrement de la Tunisie sont exagérées, estime l’ancien ministre du Commerce et expert économique, Mohsen Hassan. Car, souligne-t-il, en dépit de la situation économique difficile du pays, à l’instar de la plupart des Etats du monde suite à des facteurs extérieurs (COVID-19 et guerre russo-ukrainienne), la situation actuelle en Tunisie n’a pas atteint la phase d’effondrement.
Lundi 20 mars 2023, Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, avait déclaré que “l’Union européenne s’inquiète de la détérioration de la situation économique et politique de la Tunisie et redoute un effondrement du pays”, tout en avertissant que “l’effondrement de la Tunisie entraînerait la recrudescence des flux migratoires.
Borrell assurait que l’Union européenne ne peut pas aider la Tunisie si celle-ci se montre incapable de signer un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).
Dans une déclaration accordée vendredi 24 mars à l’Agence TAP, Hassan a reconnu que ces crises étrangères ont eu un impact sur la Tunisie, étant donné que son économie est ouverte sur le monde et ont causé un ralentissement de la croissance.
Facteurs exogènes…
La crise économique en Europe a contribué à la régression de la demande extérieure du pays, d’autant plus que cette régression d’un point engendre une baisse de la croissance de près de 0,7% de la Tunisie, a-t-il expliqué.
Hassan estime donc que l’économie tunisienne trébuche à cause de facteurs endogènes, dont les plus importants sont l’élargissement du déficit énergétique courant et la dégradation des équilibres de la finance publique, en plus de l’aggravation du déficit commercial alimentaire, à cause de la sécheresse enregistrée ces dernières années.
La Tunisie enregistre une hausse du taux d’inflation qui a atteint 10,4% en février 2023 et du taux de chômage, ce qui a contribué au déséquilibre du budget de l’Etat et a mené au recours aux crédits (intérieur et extérieur), souligne l’économiste.
Le deux poids deux mesures du FMI
L’expert se dit étonné du fait que le FMI, qui n’a pas accordé à la Tunisie les financements conclus (1,9 milliard de dollars sur quatre ans), alors que la Tunisie a accompli les conditions et a respecté les anciens engagements, rappelant à cet égard que l’institution de Bretton Woods a accordé le 23 mars 2023 un crédit de 2,9 milliards de dollars à Sri Lanka en dépit des difficultés financières que traverse le pays, et un autre financement à l’Ukraine de 15,6 milliards de dollars.
Selon Hassan, la Tunisie obtiendra, durant les prochaines semaines, un accord du FMI, vu qu’elle a achevé toutes les conditions techniques relatives à la mise en place d’un programme des réformes, l’adoption de la loi relative aux entreprises publiques, et la mise en œuvre des réformes économiques dans la loi de finances 2023.
L’appui nécessaire de l’Europe et des USA…
Et d’ajouter que l’appui des pays de l’Europe, notamment l’Italie, et des Etats-Unis d’Amérique va renforcer l’opportunité d’obtenir ce crédit, précisant que la conclusion d’un accord avec le FMI ouvrira les portes devant la Tunisie pour conclure de nouveaux accords bilatéraux et multipartites avec d’autres bailleurs de fonds, tels que la Banque islamique, la Banque africaine de développement (BAD) et les pays du Golfe, et pour sortir sur le marché international et améliorer sa notation souveraine.
Il a indiqué que la situation économique difficile ne doit pas entraver l’exécution des réformes structurelles convenues avec le FMI, soulignant l’impératif d’accélérer l’amélioration du climat des affaires, sa compétitivité, d’instaurer l’équité fiscale, de lutter contre l’évasion fiscale, ainsi que la domination du marché parallèle, et de réformer le système de la subvention qui n’a pas encore commencé alors que cette réforme est décrétée dans la loi des finances 2023.
Des alternatives au FMI?
Pour l’expert économique, même si la Tunisie n’a pas obtenu jusqu’à l’heure un crédit du FMI, les solutions alternatives sont toujours là.
Il invite le gouvernement à l’émission d’un crédit obligataire en devise destiné à la diaspora pour qu’elle participe à la mobilisation des ressources de l’Etat, et en les incitant à booster l’économie national, d’autant plus que les transferts en devise de la diaspora vers la Tunisie en 2020 a atteint 9,5 milliards de dollars, représentant près de 20% de la réserve en devise de la Tunisie .
Mohsen Hassan appelle à l’impératif d’exploiter les richesses souterraines de manière efficace, de résoudre le problème de transport de phosphate à travers les moyens traditionnels (les chemins de fer) et de réfléchir à d’autres solutions, notamment à travers les pipelines, de soutenir le secteur agricole, de rationaliser l’importation et de mettre à niveau le secteur touristique, à travers l’investissement dans la qualité et la formation .
l’Etat doit également prendre une décision concernant sa contribution dans les entreprises publiques ,en prenant en considération son rendement économique avec la possibilité de se contenter des secteurs stratégiques vitaux et renoncer aux secteurs compétitifs, l’économiste.