Sans attendre l’accord du FMI, l’UE pourrait via le MES* mécanisme exclusif aux pays membres, apporter une aide financière à la Tunisie. Et ce serait une première vis-à-vis d’un pays tiers. L’UE acceptera-t-elle de passer le ‘’mur du son’’, en faveur de la Tunisie ?
Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’Economie, lors de sa visite éclair de ce lundi 27 mars 2023 dans notre pays, laisse entendre que l’UE apporterait un appoint financier à la Tunisie, si et seulement si celle-ci obtenait l’accord de financement du FMI. Pourquoi ce préalable d’aide conditionnée ? Ne peut-on pas sauter ce verrou ?
Diagnostic financier : éviter l’amalgame
Le commissaire européen a pu constater, de visu, que la Tunisie à l’heure actuelle, souffre d’une impasse de trésorerie. Celle-ci ne doit pas être assimilée à une insolvabilité. Cependant, l’inconfort de cette situation, si particulière, est que cette “illiquidité“ est si aiguë qu’elle pourrait précipiter un risque de défaut. Et là, le pays coulerait financièrement, corps et biens, indument. C’est en toute vraisemblance ce que signifie l’hypothèse de l’effondrement, qui a été évoquée par certains responsables européens, mais aussi américains.
L’UE acceptera-t-elle de passer le ‘’mur du son’’, en faveur de la TUNISIE?
Cette situation n’appelle pas obligatoirement, selon nous, un crédit supplémentaire, de la part de l’UE mais la possibilité de différer le remboursement des tombées de la dette. Et cela peut être obtenu si le Mécanisme européen de stabilité (MES) nous ferait bénéficier d’un swap de notre dette. Cela conduirait le MES à nous reprendre l’encours de notre dette et de nous le réaménager sur une maturité qui nous donnerait le temps de respirer tenant compte de notre capacité de remboursement. Notre profil de risque en serait grandement amélioré.
Enjamber la conditionnalité du FMI
Pourquoi l’UE ne passerait pas à l’acte, s’affranchissant du prérequis de l’accord de financement du FMI ? Tout porte à croire que l’UE ne veut pas porter la responsabilité de dicter les réformes que tous souhaitent mais que tous aimeraient faire endosser par d’autres.
Cette situation n’appelle pas obligatoirement, selon nous, un crédit supplémentaire, de la part de l’UE mais la possibilité de différer le remboursement des tombées de la dette
Autant le démantèlement du mécanisme de subventions, pour faire court on dira l’abandon de la Caisse générale de compensation, est recevable, autant le sort, à réserver, au secteur public peut faire polémique. En un mot comme en cent, certaines pépites du secteur public nourrissent la convoitise des intérêts étrangers. C’est la suspicion qui peut peser sur ce deal qui fait que tous nos partenaires, soit en bilatéral, soit en multilatéral, font voix basse. L’ennui est que ce soupçon de bradage est encore plus persistant que les autorités tunisiennes observent un silence radio sur la question.
L’opinion tunisienne ne pourrait pas accepter que le soulagement financier ponctuel que l’on nous apporterait se fasse au prix d’un asservissement économique qu’on assimilerait à une forme de recolonisation économique. Politiquement, cette passe serait difficilement acceptable.
A situation d’urgence, médication d’exception ?
Jusque-là, les partenaires européens usaient d’une esquive, quelque peu cynique, pour refuser l’extension des concours du MES aux pays associés. Les recours du MES sont réservés aux pays membres, voilà c’est dit. Il y a cependant un élément accessoire qu’il faut rappeler à savoir que la finalité du MES est de protéger l’euro. Et, c’est d’ailleurs ce qui a justifié la mobilisation du pavé de 300 milliards d’euros en faveur de la Grèce, ce qui représente, au passage, 10 fois environ la dette tunisienne.
Il serait plus prudent pour l’UE de braver la clause d’exclusivité des prestations du MES que de laisser la Tunisie face au désastre d’un éventuel refus du FMI
La Tunisie pourrait bâtir son plaidoyer sur cet élément. Un crash financier tunisien aurait pour impact assez probable, une intensification migratoire à destination de l’UE. C’est le levain inespéré qui pourrait conforter l’accès des souverainistes au pouvoir en Europe. Et dans cette perspective, le devenir de l’euro se mettrait en ballotage. Il serait plus prudent pour l’UE de braver la clause d’exclusivité des prestations du MES que de laisser la Tunisie face au désastre d’un éventuel refus du FMI.
A prendre ou à laisser ! Nous sommes en présence certes, d’une situation épique. Ne faut-il pas songer, par intérêt comme de raison à ses conséquences incalculables ?