Confrontée, par l’effet du réchauffement climatique, à un stress hydrique sans précédent, la Tunisie, connue pour être un pays aride et semi-aride, pour continuer à développer son agriculture et à réaliser un tant soit peu son autosuffisance alimentaire, n’a désormais d’autres choix que d’investir gros dans les technologies qui favorisent l’économie d’eau.
Parmi celles-ci figure ce qu’on appelle l’aquaponie, une méthode de production économe en eau, qui s’adapte à tous les sols et surfaces avec zéro pesticide.
Zoom sur une technologie respectueuse de l’environnement qui est encore à ses débuts en Tunisie.
Très développée dans les pays du sud-est asiatique, l’aquaponie, méthode d’élevage en cycle fermé de poissons et de légumes, permet de produire de façon écologique des poissons et des légumes biologiques.
Concrètement, l’eau où vivent les poissons est très riche en nutriments (aliments) qui sont bons pour les légumes qui les absorbent et filtrent l’eau qui retourne propre aux poissons.
Une technologie simple
Le processus est simple, du moins tel qu’il est décrit dans les manuels scientifiques. Les poissons élevés rejettent dans l’eau leurs déjections dont l’ammoniaque, lequel est ensuite naturellement transformé par des bactéries en nitrite puis en nitrate. Or le nitrate est un élément essentiel pour la croissance des légumes et des végétaux en général.
Cette méthode remet à l’esprit la fameuse citation du chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794): «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
L’aquaponie, qui s’adapte à tous les sols et toutes les surfaces (montagnes, plaines), peut être développée sur des petites comme sur de grandes superficies qui peuvent atteindre des centaines voire des milliers d’hectares pour les grandes cultures. C’est le cas des cultures rizières en Asie.
Les avantages
Les avantages de cette méthode écologique sont nombreux. Elle permet d’économiser jusqu’à 90% d’eau, puisque l’eau des poissons est en système fermé. Elle est utilisée
pour arroser les plantes et pour retourner ensuite aux poissons.
Elle se substitue à l’engrais utilisé dans l’agriculture classique pour fertiliser le sol en ce sens où l’aquaponie utilise les déjections des poissons pour fertiliser l’eau de culture.
Autres avantages, l’aquaponie ne tolère aucun pesticide dans la mesure où toute utilisation de ce type de substance peut perturber l’équilibre des poissons et les tuer. Elle présente, ainsi, l’avantage commercial de produire des produits agricoles biologiques à haute valeur marchande à l’export.
En Tunisie, l’aquaponie est à ses débuts. Elle est lancée, actuellement, par « Tunisie aquaponie » une entreprise innovante, voire une startup, fondée en 2018 par Sofiene Rouis, diplômé de l’Institut national agronomique de Tunisie (INAT), spécialité génie halieutique de l’environnement.
Selon des déclarations faites par le premier responsable de Tunisie aquaponie, l’entreprise a à son actif une quinzaine de projets pilotes à Tunis, Sousse, Sfax et Djerba. Elle projette de créer une unité pilote de démonstration commerciale d’aquaponie, d’une superficie de 500 m 2.
Objectifs recherchés : faire connaître l’aquaponie comme solution innovante aux nombreux maux rencontrés par l’agriculture conventionnelle (consommation excessive d’eau et utilisation excessive des engrais chimiques…) et convaincre l’agriculteur tunisien du bienfondé de cette technique et de sa rentabilité.
La Tunisie peut s’inspirer de l’expertise coréenne
Par ailleurs, pour développer l’aquaponie en Tunisie, le gouvernement peut compter sur le partenariat avec la Corée du Sud et s’inspirer de la forte expertise qui y est développée.
Dans un article publié le 1er mars 2023 dans le magazine L’Economiste Maghrébin par Sun Nahmkook, ambassadeur de Corée du Sud en Tunisie, a évoqué ce créneau de partenariat et fait état de la disposition de son pays à accompagner toute stratégie développée en Tunisie en matière d’aquaponie.
«En effet, dit-il, pour le stress hydrique sévère jusqu’au problème récurrent de la sécurité alimentaire, dû au changement climatique et à la mauvaise gestion des ressources naturelles (cas de la Tunisie NDLR), les solutions techniques et technologiques innovantes telles que l’aquaponie s’avèrent plus que cruciales… ».
Autant dire que l’aquaponie offre une piste heureuse à explorer pour garantir l’autosuffisance alimentaire, que ce soit à l’échelle individuelle ou à l’échelle collective.
Personnellement, en visite en Chine en 2006, j’ai visité des fermettes utilisant justement l’aquaponie sur des superficies de moins d’un hectare. La production de poissons et de légumes y est simplement spectaculaire.