L’un des journaux emblématiques et qui risque de disparaître si les autorités publiques ne réagissent pas est le quotidien « La Presse de Tunisie ». Les dettes cumulées de ce journal s’élèvent à plus de cinquante millions de dinars (impôts et CNSS), le poids de la masse salariale à cause d’un personnel pléthorique est trop lourd, sans oublier l’augmentation du prix du papier et des intrants ainsi que la vétusté du matériel d’impression.
Le gouvernement, actionnaire principal du journal, ne compte pas investir à perte, comme ce fut le cas pendant plus d’une décennie. Un responsable du journal, qui préfère taire son nom, nous a précisé qu’un plan de redressement a déjà été soumis à la présidence du gouvernement et attend son approbation. « La remise à flot de l’entreprise reste possible si une volonté politique existe pour sauver La Presse ».
Le développement de la presse numérique a, outre les problèmes de management et l’absence de gouvernance du journal, a été l’un des principaux facteurs de sa régression.
Les journaux imprimés quotidiens sont au nombre de six (La Presse, Assahafa, le Quotidien, Alchourouk, Assabah et Le Temps). La distribution est de 180.000 exemplaires, soit un taux d’audience de 2.700.000. Pour le journal « La Presse de Tunisie », la version arabe Assahafa est un boulet car ne pouvant pas concurrencer Assabah et Alchourouk; il est vendu à perte.
La remise à flot de l’entreprise reste possible si une volonté politique existe pour sauver La Presse
La Presse, quotidien dans lequel écrivaient et écrivent encore les plus belles plumes de Tunisie, pensait anticiper les avancées technologiques lorsqu’en 1994 il avait été le premier journal à lancer un site web. Il a malheureusement raté tous les virages de la transformation digitale.
Le modèle économique des journaux électronique se base sur les recettes publicitaires. Ils fournissent un contenu gratuit accessible via les réseaux sociaux en utilisant la technologie du «push» et de l’engagement par un contenu à choc ou le buzz, ce qui a fini par détourner une grande partie du lectorat du print.
L’information en flux tendu appuyé par la sponsorisation des publications est en train de tuer les journaux écrits qui n’ont pas de stratégie de digitalisation.
Le développement de la presse numérique a été l’un des principaux facteurs de la régression de La Presse
Mais pas seulement. Les médias écrits souffrent aussi de la rareté des opérateurs dans la distribution des journaux devenue de nos jours peu rentables. Ainsi, le distributeur de La Presse de Tunisie, Riza, a fait faillite, ce qui a poussé le journal à s’orienter vers l’unique société de distribution qui résiste encore : Daadaa.
Reste que la distribution est classique et opaque. Il n’y a aucun contrôle sur le réseau et beaucoup de difficultés dans le recouvrement. Aujourd’hui, La Presse présente des chèques de Daadaa à l’escompte avec ce que cela entraîne comme perte de marges bénéficiaires.
La distribution est très classique surtout au niveau des régions puisque les journaux arrivent aux points de vente à des heures tardives (via des louages).
La Presse de Tunisie doit changer de modèle économique et diversifier ses sources de revenus
Mais pour le journal La Presse, le potentiel de développement est encore possible et pourrait permettre un redéploiement du journal sur le marché et un meilleur positionnement.
« Une nouvelle stratégie de transition digitale a été élaborée mais attend sa mise en œuvre faute de moyens financiers et humains. Le projet a été soumis à la présidence du gouvernement “.
” La Presse de Tunisie est encore un journal phare qui dispose d’un legs historique et jouit d’un capital confiance auprès des lecteurs et des annonceurs. Il doit changer de modèle économique basé uniquement sur les ventes au numéro et la publicité et diversifier ses sources de revenus. Il peut jouer un rôle régulateur en termes de service public. Nous espérons que les pouvoirs publics prendront les mesures qui s’imposent », confie notre source.
Amel Belhadj Ali