Les économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) devraient enregistrer une croissance plus lente en 2023, alors que la hausse à deux chiffres des prix des produits alimentaires exerce une pression supplémentaire sur les ménages pauvres, et que l’insécurité alimentaire pourrait se répercuter sur plusieurs générations, selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur la région, publié jeudi 6 avril 2023.
D’après le rapport, le taux de croissance en Tunisie se situera au niveau de 2,3% en 2023 et 3% en 2024, contre 2,5% au cours de 2022.
Intitulé “Destins bouleversés : Effets à long terme de la hausse des prix et de l’insécurité alimentaire dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord”, le Bulletin d’information économique de la région MENA prévoit un fléchissement du PIB régional de 5,8 % en 2022 à 3 % en 2023.
D’après le rapport, le taux de croissance en Tunisie se situera au niveau de 2,3% en 2023 et 3% en 2024, contre 2,5% au cours de l’année écoulée.
S’agissant du taux de croissance du PIB par habitant, il passera de 1,8% en 2022, à 1,4% en 2023, pour grimper à 2,1% en 2024.
Par ailleurs, la Banque mondiale s’attend à une amélioration au niveau du déficit budgétaire pour la Tunisie, durant les exercices 2023 et 2024, respectivement à -4,6% et -3,4% du PIB, alors qu’il a atteint, en 2022, -6,6% du PIB.
En ce qui concerne le déficit courant, il se maintiendrait à des niveaux élevés, soit -8% du PIB en 2023 et -8,4% du PIB en 2024, contre -8,5% du PIB en 2022.
Egypte, Maroc et Tunisie: Des niveaux d’inflation plus élevés, dus à la dépréciation des monnaies
D’après la BM, des pays comme l’Egypte, le Maroc et la Tunisie ont connu des niveaux d’inflation plus élevés, dus en grande partie à la dépréciation de leurs monnaies par rapport au dollar (entre mars et décembre 2022, la monnaie nationale de l’Egypte s’est dépréciée de 32,2 %, celle du Maroc de 7,4 % et celle de la Tunisie de 5,8 %).
“C’est surtout dans les pays importateurs de pétrole, tels l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, que les dépréciations des monnaies par rapport au dollar ont entraîné une hausse des niveaux d’inflation… Les comptes courants de ces pays ont été malmenés par la hausse du prix des produits alimentaires et du pétrole, dont l’essentiel est importé. Ce choc a coïncidé avec des niveaux d’endettement élevés et une détérioration de la situation financière mondiale”.
Selon les données issues des enquêtes sur le revenu et les dépenses des ménages
en Cisjordanie et à Gaza, à Djibouti, en Egypte, en Irak, en Jordanie, au Maroc et en Tunisie, les ménages du quintile le plus pauvre comptent chacun presque deux fois plus de personnes que les ménages du quintile le plus riche. Il s’ensuit que les répercussions de l’insécurité alimentaire sont profondes et de longue durée. L’insécurité alimentaire peut nuire non seulement à la génération actuelle, mais aussi à la génération suivante. Certains de ses effets sont irréversibles.
Les pays exportateurs de pétrole, qui ont bénéficié d’une manne pétrolière en 2022, verront leur croissance ralentir, bien qu’il subsiste un écart important entre les pays à revenu élevé et le reste de la région. La croissance du PIB réel par habitant, une meilleure mesure du niveau de vie, devrait freiner à 1,6 % en 2023, partant de 4,4 % en 2022.
Le rapport révèle que l’inflation moyenne des produits alimentaires dans 16 économies de la région MENA entre mars et décembre 2022 était de 29 % en glissement annuel
L’inflation a augmenté de façon spectaculaire dans la région en 2022, particulièrement dans les pays dont la monnaie s’est dépréciée. Ayant analysé particulièrement l’incidence de la hausse des prix des produits alimentaires sur l’insécurité alimentaire, le rapport constate que 8 pays sur 16 ont enregistré une inflation à deux chiffres ou plus, laquelle frappe le plus durement les ménages pauvres, car ceux-ci consacrent une plus grande part de leur budget à l’alimentation que les ménages mieux nantis.
L’insécurité alimentaire aura des conséquences à long terme sur plusieurs générations
“L’insécurité alimentaire aura des conséquences à long terme sur plusieurs générations qui limiteront malheureusement les perspectives de beaucoup, beaucoup de jeunes, déclare Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA. Le coût humain et économique de l’inaction est énorme, et des politiques audacieuses sont nécessaires dans une région où les jeunes représentent plus de la moitié de la population”, ajoute-t-il.
Le rapport semestriel révèle que l’inflation moyenne des produits alimentaires dans 16 économies de la région MENA entre mars et décembre 2022 était de 29 % en glissement annuel. Celle-ci était supérieure à l’inflation globale, qui a progressé en moyenne à 19,4 % en glissement annuel pendant la même période, contre 14,8 % entre octobre 2021 et février 2022, le mois de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Dans les quatre sous-groupes de la région MENA couverts par le rapport – pays en développement importateurs de pétrole, pays en développement exportateurs de pétrole, pays en conflit et pays du CCG – l’inflation contribue de 24 % à 33 % à l’insécurité alimentaire prévue pour 2023.
la hausse des prix alimentaires de mars à juin 2022 pourrait avoir aggravé de 17 % à 24 % le risque de retard de croissance infantile dans les pays en développement de la région MENA
“Le rapport estime que près d’une personne sur cinq vivant dans les pays en développement de la région MENA est susceptible de souffrir de l’insécurité alimentaire durant cette année, et qu’environ 8 millions d’enfants de moins de 5 ans font partie de la cohorte qui sera confrontée à la faim. L’inflation des prix alimentaires, même temporaire, peut causer des dommages à long terme et souvent irréversibles?”, affirme Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA.
Selon le rapport, la hausse des prix alimentaires de mars à juin 2022 pourrait avoir aggravé de 17 % à 24 % le risque de retard de croissance infantile dans les pays en développement de la région MENA, ce qui représente environ 200000 à 285000 nouveau-nés supplémentaires. Plus généralement, les études montrent que la malnutrition infantile peut donner lieu à de mauvais résultats scolaires, à des revenus plus faibles et à des problèmes de santé plus tard.
“La recherche apporte la preuve manifeste qu’une alimentation inadéquate in utero et dans la petite enfance peut perturber le destin des enfants et limiter leurs perspectives de prospérité”, ajoute Gatti.
Les mères de famille pourraient bénéficier de mesures tendant à améliorer les dispositions relatives au congé parental
Les besoins de financement prévus pour lutter contre l’insécurité alimentaire grave se chiffrent en milliards de dollars par an, mais le rapport démontre que l’argent seul ne suffit pas. Il propose donc des moyens d’action qui pourraient aider à atténuer l’insécurité alimentaire avant qu’elle ne dégénère en une véritable crise, parmi lesquels des transferts ciblés en espèces et en nature qui pourraient être mis en place sans tarder pour endiguer les situations d’insécurité alimentaire aiguë. Les mères, qui jouent un rôle vital à la fois in utero et dans la petite enfance, pourraient bénéficier de mesures tendant à améliorer les dispositions relatives au congé parental, la garde d’enfants et les soins médicaux, lesquels sont importants pour le développement de l’enfant.
Le rapport souligne la nécessité de disposer de données plus récentes et de meilleure qualité sur la situation sanitaire et nutritionnelle des enfants, ainsi que d’un meilleur accès à l’information administrative qui aiderait à cibler les priorités et à atteindre plus facilement les populations vulnérables. Et de conclure qu’il est essentiel d’accroître la résilience des systèmes alimentaires et de renforcer les chaînes d’approvisionnement, en particulier face aux chocs climatiques et aux futures perturbations des marchés.