Dans le cadre de son cycle de conférences intitulé “Les Jeudis de l’Afrique“, la South Mediterranean University (SMU : MSB/MedTech/LCI), dont le campus se situe aux Berges du Lac 2 à Tunis, vient d’organiser, en partenariat avec l’association le “Forum tunisien des politiques publiques“ (FTPP), sa 6e conférence-débat ayant porté sur le thème de «La logistique tunisienne et le marché africain : réalités et challenges».
Organisée en mode hybride, la conférence a réuni nombre d’experts et d’acteurs de la logistique en Afrique, mais aussi de représentants gouvernementaux de haut niveau, à l’instar de Hatem Landolsi, ambassadeur de Tunisie au Kenya ; Maimounatou Ndiaye Diop, spécialiste en infrastructures et coordinatrice du secteur du transport pour l’Afrique du Nord à la Banque africaine de développement ; Houssem Arfaoui, chef de service de la Prospective à la Direction générale de la logistique du transport multimodal au ministère du Transport ; Karim Nouira, directeur du port de Radès et administrateur délégué de la STAM ; Chakib Ben Mustapha, représentant de l’organisation patronale CONACT ; avec le concours de Ridha Mahjoub, EMBA Alumni et expert en développement commercial pour la zone Afrique.
Des défis…
A l’ouverture des débats, Hela Chaari, directrice du Centre de Carrière et des Alumni à la SMU, a rappelé l’importance et la réalité de la logistique pour stimuler la croissance économique, promouvoir le commerce et faciliter l’intégration du produit et du service tunisiens en Afrique qui compte près de 1,2 milliard de consommateurs.
«La logistique intra-Afrique est confrontée à de nombreux défis comme la médiocrité des infrastructures, les systèmes de transport inadéquats, les obstacles bureaucratiques au commerce tels que les procédures douanières et exigences réglementaires», dit-elle. «Malgré ces défis, il existe de nombreuses opportunités de croissance dans l’industrie de la logistique en Afrique qui représente un vaste marché de consommation en croissance», ajoutera Mme Chaari.
En Tunisie, les services logistiques oscillent entre leviers et obstacles pour la compétitivité des entreprises tunisiennes. Il n’en demeure pas moins que le pays doit entamer sa transition vers une nouvelle conduite logistique, c’est-à-dire améliorer les délais, principalement à l’export.
Selon les données avancées lors de la rencontre, un chef d’entreprise déclare consacrer 26,58% de son temps de travail pour effectuer les formalités administratives englobant les douanes.
… mais aussi des solutions
L’une des solutions préconisées est donc de digitaliser les procédures afin de permettre à l’entreprise de se recentrer sur son activité et ainsi gagner en compétitivité.
«Les procédures administratives douanières et des facteurs tels que l’enclavement et la multiplicité des pays de transit sont à l’origine des blocages récurrents des échanges du continent africain, d’autant que le transport y coûte plus cher que dans d’autres pays du monde et prend beaucoup de temps», estime, de son côté, Maha Trabelsi, vice-présidente du Forum tunisien des politiques publiques (FTPP).
A ce propos, il a été souligné que la Direction générale des douanes accorde nombre de facilitations et travaille à contribuer à la simplification des procédures.
Plusieurs régimes sont déployés au profit des opérateurs économiques agréés dont, par exemple, le « Couloir vert ». Ce statut leur permet de bénéficier de plusieurs avantages comme l’établissement des déclarations de manière anticipée, l’enlèvement immédiat au niveau des ports et aéroports ainsi qu’un seul bureau de rattachement pour toutes les entreprises douanières, outre un interlocuteur unique affecté.
Lors des débats, le cas du Kenya a été cité en exemple de marché sur lequel la Tunisie a réussi ces dernières années à enregistrer une croissance exceptionnelle en termes d’export, et notamment pour son huile d’olive (avec près d’une dizaine de marques aujourd’hui disponibles dans les rayons des commerces dans ce pays).
Hatem Landolsi, ambassadeur de Tunisie à Nairobi, a confirmé, lors de son intervention, les chiffres réalisés, à savoir qu’ils sont passés de moins de 1 million de dinars en 2014 à 59,6 millions de dinars en 2021, avant de baisser à 57,5 millions de dinars en 2022.
Il a par ailleurs rappelé que l’ouverture, en 2018, de l’ambassade de Tunisie dans la capitale kenyane s’était également accompagnée par l’ouverture d’un bureau du CEPEX. « Ce qui a donné de la visibilité à la Tunisie et également grâce notamment à notre adhésion au COMESA -Common Market for Eastern and Southern Africa», a-t-il ajouté.
Commentant ces réalisations, Ridha Mahjoub a indiqué que le port de Mombasa, fief des grossistes et du regroupage, a permis justement de toucher ce marché en dépit des coûts du transport terrestre pour l’acheminement des containers vers l’intérieur du pays par voie routière qui revient à 50% du coût global du transport. « L’idéal pour les exportateurs tunisiens serait de pouvoir disposer de nos propres plateformes logistiques et de dépôts sur nos principaux marchés pour nous rapprocher de nos clients ».
Le port de Radès et ses réalisations
La question du fonctionnement du port de Radès et l’importance de sa chaîne logistique dans l’économie du pays de manière générale a également été au cœur des débats de la conférence de la SMU dans la mesure où il est considéré par les opérateurs privés comme constituant un frein au développement de leurs procédures d’export.
A ce sujet, son directeur, M. Karim Nouira, a tenu à fournir certaines indications. Il a en effet annoncé que le port détient 30% du volume des échanges commerciaux de la Tunisie par voie maritime avec environ 270 000 containers par an.
L’activité RoRo totalise 126 000 containers (export/import). Actuellement, le rendement du terminal est de 17 containers à l’heure, selon Nouira (70% de manutention horizontale et 30% verticale).
De son côté, Houssem Arfaoui, représentant du ministère du Transport, a annoncé l’achèvement d’une copie 0 d’un nouveau cadre juridique qui sera présenté en conseil des ministres dans environ 3 mois. Il s’agit de la loi de logistique multimodale qui a été communiquée aux opérateurs privés concernés pour connaître leur avis sur la question.
De plus, le responsable a annoncé la création d’une nouvelle structure exécutive pour la logistique du transport multimodal avec une participation à 60% publique et 40% privée et destinée à appliquer la stratégie et les politiques publiques dans le cadre d’un PPP.
Quant à la représentante de la Banque africaine de développement, elle estime que l’on ne pouvait parler de logistique sans parler de transport. Elle a indiqué que la BAD travaillait sur les corridors qui sont au nombre de 9 dans le réseau transafricain. Actuellement, la BAD est en train de financer une étude pour la navigation entre le Lac Victoria (le plus grand lac en Afrique et le 3ème au monde par sa superficie –68 100 Km2-, est situé en Afrique de l’Est – Kenya, Ouganda, Tanzanie) et la Méditerranée. «Notre objectif est d’intégrer l’Afrique du Nord à l’Afrique sub-saharienne », a annoncé Mme Diop…