Le tourisme médical représente un marché mondial de 50 milliards de dollars pour 14 millions de patients. C’est un secteur à forte croissance indique Ghazi Mejbri, président de la Chambre Syndicale Nationale de Soutien aux activités de Services de Santé. « Le tourisme médical progresse de 15 à 25% par an, il impacte positivement les autres secteurs car on évalue les dépenses à entre 3000 et 6000 $ par visiteur ».
Une étude publiée sur Cairn.Info parle des soins, de la santé et des analyses médicales, des plus simples aux plus complexes qui s’exportent et se délocalisent au gré de la recherche de profits ou d’économies financières substantielles. « Dorénavant, c’est dans les pays émergents que certains patients voient des perspectives plus encourageantes que dans leur propre pays.
Pour les défenseurs du tourisme médical, cette globalisation du marché de la santé revêt des perspectives favorables pour l’ensemble des parties prenantes. D’une part, ce développement stratégique contribue à l’essor économique des pays exportateurs de soins de santé (Tunisie, Inde ou encore Thaïlande), en favorisant les retombées financières sur l’ensemble de la chaîne de valeur, tant au niveau du développement d’offres médicales, de soins et de chirurgies que de l’externalisation du processus de fabrication de médicaments, de tests ou d’analyses biomédicales »
La Tunisie accorde-t-elle l’importance due à ce secteur ? Loin de là ! Au dernier classement du MTI (Tourisme médical index 2022) Tunisie est placée au 38ème rang des destinations du tourisme médical sur 46 destinations au total. Trois critères ont déterminé ce classement. L’environnement général de la destination où la Tunisie occupe la 40ème place, soit un nouveau recul déplore Ghazi Mejbri, les plateaux techniques, le professionnalisme et la qualité ainsi que les facilités, deux critères qui la mettent respectivement au 34ème et au 36ème rangs.
Qui n’avance pas, recule et M. Mejbri cite les exemples d’une Tunisie qui en 2005 drainait 200 000 touristes médicaux pour stagner en 2014 et 2017 à 500 000 alors que la Turquie et l’Inde qui recevaient en 2005 chacune 150 000 touristes sont passées à 750 000, 850 000 en 2014/2017 pour la Turquie et 600 000, 800 000 pour l’Inde.
No comment !
Et pourtant investir dans le tourisme médical, promouvoir ses activités permettrait indéniablement une montée en compétence, la création d’un nombre considérable d’emplois et plus de ressources en devises.
Le tourisme médical mobilise plus de savoir et de main d’œuvre qualifié que le tourisme traditionnel
L’accueil des patients étrangers pour soins en Tunisie représente un segment important de recettes touristiques. Les estimations citant 2500 MD en 2017 en recettes directes (face à des recettes touristiques générale de 5000 MD). Le tourisme de santé a également permis d’engager et de rentabiliser des investissements en équipements et en savoir-faire, mis au service du secteur, que n’aurait pas pu rentabiliser le seul marché local des soins.
« Le tourisme médical mobilise plus de savoir et de main d’œuvre qualifié que le tourisme traditionnel, assure Ghazi Mejbri. Il dispose en Tunisie d’un avantage comparatif important. Il est indiscutablement une niche touristique porteuse d’une transformation structurelle. Pour précision, Les TIC et le tourisme médical capitalisent plus d’atouts que d’autres activités dans les services et ont un meilleur score en termes de valeurs export attendue et d’effet induits ».
Rappelons que la Tunisie est la 1ère destination en Afrique (en nombre de patients étrangers accueillis) et deuxième pour ce qui est des indicateurs de santé en Afrique où 200 millions de patients sont à la demande d’une médecine dont le rapport qualité prix est celui qui y est offert. Selon l’étude présentée par Ghazi Mejbri : « Le tourisme médical mobilise plus de savoir et de main d’œuvre qualifié que le tourisme traditionnel. Il capitalise avec les TIC plus d’atouts avec en particulier un meilleur score en termes de valeurs export attendue et d’effet induits. Il a également permis d’engager et de rentabiliser des investissements en équipements et en savoir-faire, mis au service du secteur, que n’aurait pas pu rentabiliser le seul marché local des soins ».
Paradoxalement alors que le poids du secteur privé à la rentabilisation de l’investissement médical dans le secteur de la santé est de 20% face à une part du public de 80%, la part du privé dans les équipements lourds est de 67% et celle du public est de 33% !
Le secteur privé de la santé compte aujourd’hui 12 000 lits, 115 cliniques et on estime le nombre de patients en 2022 à 300 000. Une baisse de moitié presque, leur nombre en 2014 et 2017, étant de 500 000 chaque année.
Reste que le tourisme médical est en forte dépendance à deux marchés, le Libyen et l’Algérien qui représentent 80% de ses parts et souffre de carences telles l’accessibilité s’agissant surtout des lignes aériennes et de la langue. « Il y a des marchés potentiels en Afrique Subsaharienne, indique M. Mejbri tels le Gabon, la RDC, le Nigeria, le Soudan ou encore le Cameroun. Le succès du secteur a longtemps été assis sur nos marchés traditionnels (Lybie et Algérie). Mais la pandémie, la régression de l’attractivité de la Tunisie et une certaine inertie ont fait que de nouveaux acteurs internationaux, se positionnent de plus en plus sur nos marchés traditionnels et commencent à y occuper des parts en progression ».
Aujourd’hui, si la Tunisie veut conforter sa place et se maintenir en tant que destination privilégiée dans le tourisme médical, il va falloir encadrer l’arrivée de patients étrangers sur son territoire depuis l’obtention de visas jusqu’à l’accueil à l’aéroport sans oublier l’optimisation de la qualité des soins et des séjours.
La compagnie battant pavillon national dessert seulement 7 destinations en Afrique, la RAM en dessert 27 et la Turkish Airlines 45. Conjuguées à cela, il y a la faiblesse des représentations diplomatiques et l’absence de financements et de lobbying.
Être ou ne pas être dans le tourisme médical à l’échelle africaine et internationale, c’est à cette question que devront répondre les décideurs du pays.
Amel Belhadj Ali