Sous la pression du stress hydrique qui s’est manifesté, de manière sévère, cet hiver dans le pays, des responsables de la société civile, craignant le rationnement de l’eau, ont demandé au gouvernement tunisien d’intensifier l’exploitation d’une grande nappe d’eau souterraine qui serait disponible au sud du pays.
Selon eux, cette nappe contiendrait d’importantes quantités d’eau à même de résoudre tous les problèmes d’eau que connaît l’agriculture tunisienne.
Lors d’une récente table ronde sur le « Stress hydrique et souveraineté alimentaire : état des lieux et solutions alternatives », Hamadi Boubaker, membre du bureau exécutif de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), a évoqué cette nappe. « Nous avons des eaux profondes sur les frontières avec la Libye et l’Algérie. Il faut une répartition équitable de ces nappes ».
Il a ajouté que les Algériens exploitent cette nappe pour assurer, en grande partie, leur autosuffisance en légumes (pommes de terre…) et en céréales. « Nous devons faire autant », a-t-il dit.
Pour sa part, Abdessalem Loued, président de la Chambre syndicale nationale des exportateurs d’huile d’olive (UTICA) qui est en même temps président de l’organisme onusien, le Conseil oléicole international (COI), est revenu sur l’existence de cette fameuse nappe au sud du pays, lors d’une interview accordée à un magazine de la place.
Il a déclaré en substance : « nous avons de l’eau dans le sud du pays à travers le Système aquifère saharien (SAS) partagé par l’Algérie, la Tunisie et la Libye ». Dans ce contexte, il a rendu hommage aux agriculteurs de Remada qui sont en train de planter des oliviers en plein désert en utilisant l’eau puisée dans cette nappe, à seulement 70 mètres de profondeur.
Réaction des autorités hydrauliques
Interpellé sur la cette question, Abdallah Rabhi, ancien secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche au ministère de l’Agriculture, actuellement consultant indépendant, a indiqué que « tout ce qu’on raconte sur cette nappe, c’est du bluff. En fait, Il y a deux nappes : le complexe terminal et le continental intercalaire. Elles sont (les eaux) bien réparties entre les trois pays et régies par le biais du Système aquifère du Sahara Septentrional (SAS), gestion commune d’un bassin transfrontière. En Tunisie, on l’a exploitée pour créer les palmeraies de Rejim Maatoug».
Selon lui, si cette nappe était aussi importante, la Tunisie l’aurait exploitée depuis longtemps pour laver le phosphate.
De son côté, la scientifique, Raoudha Gafrej, docteur en sciences de la Terre, universitaire et consultante, a fait remarquer que la nappe dont on parle beaucoup n’est autre que la nappe connue sous le nom de la nappe de l’Albien. Elle est à cheval sur trois pays : Algérie, Tunisie et Libye. Cette nappe se trouve majoritairement dans le Sahara algérien (70%), 20% en Libye et seulement 10% en Tunisie.
D’après Wikipédia, la nappe est composée en grande partie d’eau saumâtre, donc impropre à la consommation humaine sans dessalement. Elle contient plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, l’équivalent de 50 000 fois le barrage algérien Beni Haroun (900 millions de mètres cubes).
Pour une solidarité tuniso-algérienne en matière d’eau
Raoudha Gafrej estime que la seule manière pour la Tunisie d’augmenter sa part dans cette nappe est de conclure une convention avec l’Algérie et de profiter à cette fin de l’évolution de la réglementation internationale.
Elle rappelle à ce propos que la Conférence de l’ONU sur l’eau (22-24 mars 2023, à New York) s’est engagée à considérer l’eau comme un patrimoine mondial et à promouvoir la solidarité régionale entre pays voisins.
Concrètement, la Conférence a plaidé pour la complémentarité entre pays voisins et suggéré des spécialisations agricoles et des productions agricoles complémentaires.
Cela pour dire au final que tout dépendra de la bonne volonté de l’Algérie et de la solidité de sa foi dans les relations géostratégiques de bon voisinage avec la Tunisie.
A bon entendeur …