Constitution d’un réseau d’ambassadeurs à l’international, représentant les élites tunisiennes opérant dans des domaines hautement technologiques tel le développement de logiciels, l’expertise en IT, en AI, en finances, en data, en recherches médicales et pharmaceutiques, organisation d’évènements importants autour des fintechs et de l’intelligence artificielle, ce sont là les œuvre de l’Association RECONNECTT. Une association fondée par des élites sises à l’international, qui se bat pour mettre en avant les compétences d’origine tunisienne à l’international et faire profiter le pays de leurs talents.
« Nous gardons espoir et nous croyons en la Tunisie. Le défunt président Bourguiba avait la foi en sa capacité à transformer le pays, il a réussi. Aujourd’hui, il est de notre devoir de faire de même, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir changer le visage de la Tunisie, nous réussirons à rendre espoir au peuple et à récupérer la confiance des compétences qui veulent participer et aider à sa reconstruction ».
La citation est de Sami Ayari, président de RECONNECTT qui nous parle dans l’entretien ci-après de la dernière réalisation de RECONNECTT, à savoir le lancement de la Société tunisienne de l’Intelligence artificielle et de la deuxième Conférence des femmes expertes en data qui aura lieu à Tunis les 4 et 5 mai 2023.
WMC : Pourquoi créer une Tunisian AI Society ?
Sami Ayari : L’association RECONNECTT, le réseau de l’élite tunisienne à l’étranger, vient de lancer la Société tunisienne de l’intelligence artificielle ou en anglais Tunisian Artificial Intelligence Society. Comme vous le savez, les talents tunisiens orientés vers l’IA brillent et multiplient les réalisations dans de nombreux secteurs et disciplines en Tunisie et dans le monde.
Avec ce projet, nous envisageons de construire une communauté tunisienne de l’IA qui rassemblera ces talents. Au sein du Tunisian AI Society, des universitaires tunisiens, des praticiens de l’IA, des investisseurs ou simplement des passionnés d’intelligence artificielle se réuniront pour promouvoir ce domaine et nos talents en Tunisie et à l’international.
Nous voulons faire de la Tunisie un pôle de premier plan en matière d’IA. Pour cela, il fallait démarrer par la promotion de la culture de l’intelligence artificielle en Tunisie, donner l’exemple à nos jeunes et inciter nos entreprises publiques et privées à utiliser les nouvelles technologies Data et IA.
Pensez-vous que le potentiel tunisien en expertise AI à l’international peut être développé grâce à cette initiative ?
Evidemment, à travers cette communauté et RECONNECTT, nous serons un hub pour attirer les meilleurs experts tunisiens du monde, l’échange et le partage d’expertises sera notre devise, et ne peut qu’améliorer ce potentiel dans tous les domaines.
Ce que nous projetons est de pousser vers des ouvertures et créer des passerelles entre les laboratoires de recherche, les startups et les entreprises.
Combien de personnes avez-vous pu rassembler autour de cette initiative ?
La Société tunisienne de l’IA est un forum de discussion et de réflexion autour de l’intelligence artificielle qui regroupe plus d’une vingtaine d’experts tunisiens en intelligence artificielle avec des profils variés, mais complémentaires. Dans le panel figurent des chercheurs des universités les plus réputées dans le monde, mais également des dirigeants et des experts dans des postes clés dans les grandes entreprises du GAFAM (Google, Apple, Amazon, Microsoft, ndlr) et dans le secteur financier.
En outre, le réseau de la Tunisian AI Society s’étend sur l’Europe et les pays nord-américains, en plus des experts tunisiens résidents en Tunisie.
Vous aurez plus de détails à travers le communiqué de presse rédigé par Mme Wissem Ajili, maître de conférences en finance à l’Eslsca Business School France et membre de cette communauté et de RECONNECTT qui sera publié officiellement. Vous y trouverez plus de détails et de noms.
La réunion inaugurale de la Tunisian AI Societya eu lieu le 15 avril 2023 à distance. J’ai modéré la session conjointement avec Dr. Salma Jamoussi, maître de conférences à l’université de Sfax et lauréate du prix Tunisian Women in Tech 2022 et membre de Reconnect.
Vous organisez la deuxième session de la conférence Femmes et intelligence artificielle, pourquoi uniquement des expertes en Data, alors que la conférence aurait pu rassembler les experts des deux sexes ?
Tout d’abord, la promotion de la femme tunisienne est un objectif dans notre association, et je dirais même le premier. Les Tunisiennes excellent en STEM (sciences, tech, ingénierie et mathématiques) avec des statistiques qui dépassent largement des pays du G7. Nous voulons consolider cette position et la faire progresser.
Je réutilise la phrase de Mme Nahla Ben Amor, professeure en informatique de gestion à l’ISG, publiée sur le journal « La Presse de Tunisie » : « Le progrès technologique en Tunisie se fait avec les femmes beaucoup plus qu’en Europe ».
Je corrobore et je rajoute que l’avenir technologique de la Tunisie se fera avec ses femmes.
Autre chose, cet événement est organisé avec l’ONG américaine de l’université Stanford mondialement connue “WiDS” ou Women in Data science, présente dans plus de 50 pays et partenaire de 200 conférences en IA/Data dans le monde, exige une présence seulement féminine.
Pensez-vous que les femmes sont sous-représentées dans l’AI ?
En Tunisie, une analyse plus fine des chiffres concernant les chercheurs universitaires potentiels en IA et Data montre que 74% des doctorants en TIC (cumul des spécialités Informatique, Informatique de gestion et Réseaux informatiques) durant l’année universitaire 2019-2020 sont des femmes, et c’est une tendance qui est observée depuis plusieurs années.
Actuellement, à l’échelle mondiale, les femmes sont minoritaires dans l’IA, 12 à 22 % des professionnels de l’IA sont des femmes, selon une étude menée sur les écarts entre les sexes par le Forum économique mondial en collaboration avec LinkedIn.
Pour répondre à votre question, selon un rapport de 2019 de l’UNESCO, les femmes ne représentent que 29% des postes de R&D scientifique dans le monde. Et c’est un grand défi pour le développement futur de l’IA et ses applications.
Pensez-vous que les femmes doivent être plus présentes dans les métiers IA pour éviter une vision exclusivement masculine et pour que les algorithmes ne soient pas producteurs de discrimination ?
Evidemment, si les modèles et les algorithmes ne sont pas développés par des équipes diversifiées, il est peu probable qu’ils répondent aux besoins d’utilisateurs diversifiés, et là je fais allusion non seulement à la parité homme-femme, mais aussi aux droits de l’Homme d’une façon générale.
Pour détailler un peu, l’apprentissage des systèmes se basent sur les données essentiellement, et c’est là le facteur clé et l’origine de la partialité ou non.
Les femmes peuvent passer à côté des avantages de l’IA et de la révolution digitale, car elles sont généralement sous-représentées dans les emplois qui nécessitent une formation en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, y compris les emplois en IA elle-même.
En Tunisie, le nombre des femmes ingénieurs augmente de plus en plus, estimez-vous qu’elles pourraient jouer un rôle plus important dans le développement des métiers en rapport avec l’AI ?
C’est une aubaine et une opportunité, car selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Mme Samia Charfi-Kaddour directrice de la recherche scientifique-2017), jusqu’à 7 diplômés universitaires sur 10 sont de la gent féminine. Cette tendance est confirmée à travers les différents niveaux de l’enseignement supérieur où 68% des étudiants en master et 67% des doctorants sont des femmes.
Mieux encore, les branches dites STEM désignant les Sciences, les Technologies, l’Ingénierie et les Mathématiques sont à 58% occupées par nos concitoyennes et 55 % dans le domaine de la recherche scientifique selon (UNESCO).
En faisant un zoom et en s’appuyant sur la même source de l’UNESCO 2018, la proportion des femmes diplômées du supérieur par domaine (en %) Agriculture : 73,9 Ingénierie : 44,2 Santé et services sociaux : 75,3 Sciences naturelles : 77,2 et TIC : 55,6 (UNESCO).
En Tunisie, si on prend comme hypothèse ces statistiques mondiales, un couplage ou un mariage entre les compétences STEM et les compétences DATA et IA peut certainement être la solution pour le chômage des femmes aujourd’hui et demain.
De nombreuses femmes sont déjà expertes dans ces domaines. La reconversion et le perfectionnement peuvent donc renverser la vapeur et offrir des opportunités importantes aux femmes.
Les femmes, d’après vous, pourraient-elles rendre l’usage de l’AI plus éthique ?
Une IA éthique et inclusive est pensée par les femmes, dans un domaine dominé depuis sa naissance par les hommes.
L’exemple même est ChatGPT et son éthique, Mira Murati, l’ingénieure et directrice de la technologie d’OpenAI, n’arrête pas d’insister sur la régulation et l’éthique en travaillant avec les gouvernements, les régulateurs et les organisations.
La nouvelle version GPT4 qui vient de sortir est une traduction de ces aspects.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali