L’IA poursuit inexorablement son bonhomme de chemin. Elle prend du champ et pénètre toutes les filières. Elle appelle une stratégie transverse.
Voilà ‘’WIDS’’, de retour. ‘’Women in Data Sciences’’ à sa deuxième édition s’est tenu à Tunis les 3 et 4, courant. L’UBCI sponsor originel du Forum, a été rejoint cette année, par la BTE. C’est dire que le secteur financier, des plus sensibles, est bel et bien dans la course. Ce fut l’occasion pour Samy Ayari, président de RECONNECTT, initiateur de l’évènement d’introniser les chercheures de l’IA en projetant via vidéo un message encourageant de Caroline Bertozzi, Prix Nobel de l’IA en 2022.
Dans la foulée, il a appelé à un bilan de notre stratégie nationale en matière d’IA, amorcée depuis 4 ans. RECONNECTT mobilise autour de ce thème un contingent d’expertes tunisiennes opérant dans les meilleurs écosystèmes, en Tunisie et par le monde.
Cette association a le mérite de mettre la High Mind-Diaspora sur orbite nationale. Toutes reconnaissent que des réalisations ont bien eu lieu, cependant elles pointent une carence dans la démarche. L’on est dans l’expectative d’une dynamique motrice. Lobna Karoui, panéliste, intervenue en duplex ajoute que c’est cela qui marquera l’effet de rupture. En effet cela matérialiserait le basculement de tout le système vers l’IA.
Les banques réceptives à l’IA
Les nombreuses panélistes et modératrices, ont pointé un paradoxe, bien fâcheux, dans l’univers de l’IA. En Tunisie, pays dans le peloton de tête, à l’échelle du monde, en matière de formation de femmes dans les sciences, les expertes en IA ne dominent pas. Elles ne représentent que 10 % des effectifs dans l’IA.
Shoking ! Cependant comme on le verra elles sont incisives et manifestent un mordant impressionnant. Yossr Achich, directeur à l’UBCI, banque au demeurant trois fois couronnée pour ses engagements RSE soutient que la banque compense cette carence par un engagement prononcé, en matière de développement durable.
Pour sa part Feriel Chabrak, DG de la BTE, reconnait que l’IA est au cœur de la stratégie de développement du métier. Car l’IA permet de concilier entre l’analyse du risque et la solvabilité des clients ce qui est le cœur du métier. Feriel Chabrak dit que les algorithmes sont améliorés en fonction des critères professionnels pour permettre de relever les résultats de l’activité, en bout de course.
Nadia Metoui, s’empare de cette inflexion pour faire embrayer, de manière magistrale, le débat sur la méthodologie de migration de la place, vers l’IA. Nadia Metoui, révélation du Forum, ‘’cette’’ oracle de Delft, ville hollandaise où elle enseigne, devenue plus flamande que les néerlandais, appelle à référer, sur ce qui manque, ce qui peut s’améliorer et enfin, ce qui se fait ailleurs.
L’état de l’art sur la place
Au commencement on trouve la formation. Dr Nahla Ben Amor, Professeur à l’ISG, titulaire de la chaire la plus ancienne de Tunisie, de gestion informatique, qui est aussi L’informatique de la gestion, appelle à un ajustement dédié. Elle s’acharne à intégrer une formation full process. Le but est que l’apprenant sache maitriser la philosophie du système, dans sa globalité. De sorte que la complexité de l’algorithme puisse renseigner sur l’étendue de sa finalité. Un apprenant doit être capable de surfer du fondamental vers l’appliqué et non se nicher sur l’un de ces extrêmes.
Thèse reprise par Farah Barika Katata, Professeur à l’ISSAT de Sousse et présidente de l’Association Tunisienne de l’IA (ATIA). Elle ira jusqu’à solliciter la mise au point d’un plan d’action national qui servirait de planning opérationnel servant à évaluer les réalisations de notre stratégie nationale de l’IA.
Dans la foulée, elle appelle à Re-skiller et Up-Skiller la formation universitaire et la rapprocher du monde de l’entreprise permettant aux étudiants de scalabiliser et d’expérimenter leurs algorithmes. Elle a appelé à un mapping territorial de la recherche et de l’innovation et pour couronner le tout, propose la création d’une cellule ad hoc, ouverte à tous les ministères et logée à la présidence du gouvernement.
Elargir les perspectives de la stratégie nationale
Ourida Chalouati, Directeur au ministère de l’industrie, des mines et de l’énergie, a rappelé que la progression de la stratégie est conforme au timing fixé. Quatre labos d’expérimentation, entre autres grandes réalisations, ont été installés dans des sites différents à travers le territoire. Et last but not least, une Smart Manufactory est en cours de montage à ‘’Novation City’’ à Sousse. Elle ajoute que l’administration admet que la stratégie doit être transverse et qu’elle est réceptive à toutes les propositions constructives.
La ‘’discorde/querelle’’ méthodologique
Pourquoi le ministère doit-il se mêler du renouveau d’une stratégie qui semble ‘’tâtonner’’ se demande, haut et fort, Nadia Metoui ? Si tant est qu’il doit s’en mêler, ajoutera de Paris, Lobna Karoui, autant qu’il s’aligne sur les référentiels qui ont réussi. Et à titre d’exemple elle a cité le cas de SINGAPOUR qui a cadré sa stratégie sur une centaine d’expérimentations clés. Et pour ce faire, il convient dans une logique de partage des responsabilités, de rapprocher l’université et les entreprises.
La finalité est que des talents s’engagent dans des recherches fondamentales afin de déboucher sur des solutions de produits intelligents. La synergie fluide du mix université-entreprises, évite les redondances et exploite les forces. De ces regards croisés nait une optimisation fructueuse, soutient-elle.
Un moment d’apothéose
En fin de cette première journée les organisateurs ont couronné deux têtes assurément, bien faites. Abdelaziz Dargouth maitre de cérémonies a présenté à l’assistance Pr Leila Azouz Saidane, Pr à l’ENSI, Prima Donna de la recherche en IA, dans notre pays.
Pr L. Azzouz Saidane, a encadré 40 thèses. Elle soutient avoir décliné une bourse de formation aux USA et une autre en France. Pur produit de l’école publique, comme elle se plait à le rappeler, son crédo est qu’à partir de la Tunisie on doit faire jaillir la lumière. Elle a promu et préside encore un Forum international (PEM. WN) auquel participent des scientifiques de divers pays dont la RFA, la France et l’Italie. Et dont l’audience se confirme d’une année sur l’autre.
Pari gagné ! Pr Nahla Ben Amor est la seconde tête couronnée. Cette passionnée de l’IA s’est vu retoquer plusieurs fois avant de mériter de la 1ère chaire de gestion informatique de l’université tunisienne. Les jurés partagés entre informaticiens puristes et matheux puristes ne la trouvaient ni matheuse pur produit, ni informaticienne à 100%. Elle a, envers et contre tout, soutenu que cette discipline est un Mix de trois à savoir les maths, les Stats et l’informatique ce que le Jury a fini par reconnaitre, lui octroyant le Job.
Elle aussi a dit non aux bourses étrangères et s’acharne à sortir de l’intelligence des cervelles locales pour avoir encadré 17 thèses. Toutes deux ont gagné leur pari. Nous étions trois à les féliciter. Samy Ayari leur a offert des ouvrages d’histoire. Abdelaziz Dargouth et votre serviteur leurs avons offert des compliments. Nous avons retouché, pour la circonstance deux titres de chansons éternelles. Nous les trouvons ‘’Unforgettables’’ et que ‘’We can’t get our minds off her’’*.
*Modification du ‘’tube’’ de Whitney Houston ‘’Can’t Get my eyes off you’’.