De retour après un an d’absence, la 37ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (FILT, 28 avril-7mai 2023) a été marquée, selon des statistiques obtenues par l’agence TAP auprès du chargé du comité des exposants, Mourad Ben Khlifa, par l’affluence de près de 110.000 visiteurs au palais des expositions du Kram durant toute la période du FILT où 150.000 titres et 7.500.000 copies ont été exposés par 311 exposants de 26 pays, selon un bilan actualisé.
Ce grand rendez-vous littéraire annuel, -dont le démarrage a été marqué par un certain remous suite à l’affaire de retrait de certaines publications et toute la polémique qui s’est installée avec une multitude de réactions-, a offert l’occasion cette année, outre la programmation culturelle habituelle, de vivre au rythme des cultures du monde à travers les journées internationales mettant en lumière les cultures et les littératures de l’Algérie, de la Libye, de la Syrie, de Venezuela, de la Russie présente pour la première fois à travers entre autres la participation de la Maison Russe à Tunis et de l’Italie qui a signé son retour après 15 ans d’absence.
En cette année qui fête le 120ème anniversaire de l’un des fondateurs de la francophonie feu Habib Bourguiba, a été également célébrée en grande pompe à la FILT la Journée de la Francophonie.
Placée sous le signe “Volez … par les ailes du livre”, l’édition 2023 a rendu un hommage posthume à Béchir Ben Slama (1931-2023), ancien ministre des affaires culturelles qui, pendant son passage à la tête du ministère de la Culture (1981-1986), s’est attelé, avec la collaboration d’éminents Hommes de Culture, à la création de plusieurs institutions culturelles dont la foire internationale du livre.
Regards croisés
Au terme de dix jours, des exposants de Tunisie et de pays hôtes ont dans des témoignages recueillis par l’agence TAP qualifié cette édition de bon augure en termes d’affluence, de ventes, d’ouverture et de perspectives de coopération et d’échange, au moment où le secteur du livre et de l’édition connaît une certaine crise liée au cout élevé du papier et de l’impression ce qui le rend hors de portée de la bourse du Tunisien moyen.
D’après ces témoignages, l’optimisme est de mise au vu de certaines prémices témoignant d’un large engouement vers le livre quelque soient les préférences de lecture dans le contexte de l’émergence du sonore.
Bien qu’un bon nombre d’exposants parle de régression de ventes, d’absence de grandes maisons d’édition arabes et européennes, liée notamment au cout élevé des pavillons et du transport des livres, l’éditeur tunisien Hassen Jaied, fondateur des librairies ” Culturel ” présentes dans plusieurs villes tunisiennes, a mentionné, en comparant l’édition 2023 avec celle de 2019, qu’en dépit des difficultés ayant entouré cette 37ème édition, en ce qui concerne le manque entre autres de publicité suffisante pour la foire, cette édition a connu une bonne affluence.
Selon le patron de ” Culturel “, les ventes cette année dénotent des tendances chez le lectorat tunisien principalement orienté selon lui vers ” la littérature en format poche qui constitue le grand axe des ventes avec en tête de liste les mangas notamment auprès des jeunes qui semblent s’intéresser de plus en plus à ce genre littéraire qu’il qualifie de ” phénomène impressionnant “. Viennent ensuite les coéditions avec des auteurs étrangers comme l’Algérien Yasmina Khadra, avec 5000 exemplaires vendus.
Henry Conway, responsable du pavillon de l’Irak, invité d’honneur de cette édition, -avec plus de 1500 titres dans plusieurs genres comme la linguistique, la poésie, le roman, la traduction et les études-, a constaté un grand intérêt du lecteur tunisien pour le livre irakien qui ” privilégie surtout les recueils de poésie ainsi que les livres d’histoire qui ont la part du lion “. Le roman qui est au cœur de la culture irakienne est également très prisé.
“Toutes les copies irakiennes exposées seront offertes au ministère des Affaires culturelles tunisien en vue de les distribuer gratuitement aux institutions spécialisées, à l’instar des Universités, des librairies et de la BNT ” -t-il déclaré. La foire a constitué ” une occasion importante pour remédier à la fracture dans les relations de l’Irak avec son environnement arabe qui s’était produite après la guerre au début des années 90. ”
La participation de l’Irak constitue un retour du pays sur la scène maghrébine à travers la Tunisie. Un programme de coopération, a-t-il avancé, est “programmé en matière d’édition de publications irakiennes dans une édition tunisienne et de diffusion de publications et de périodiques tunisiens à Bagdad “.
Ce projet ambitionne de ” simplifier le temps de livraison, de l’édition et de transport dans l’ultime but de promouvoir la culture des deux pays et de créer ainsi un pont d’échange entre intellectuels et écrivains des deux pays “, a déclaré le responsable du pavillon disant que ” Tunis sera un centre pour la culture irakienne au Maghreb et Bagdad pour la culture tunisienne au Moyen Orient “.
Ouverture vers de nouvelles expressions et de nouveaux supports
Au pavillon Saoudien, Ayman Fakihi, représentant de la direction de communication au Complexe du Roi Abdelaziz pour les bibliothèques waqf a mentionné que pour ” cette première participation internationale, en dehors de l’Arabie Saoudite, le Complexe a exposé ses dernières publications notamment des encyclopédies avec aussi trois copies conformes de manuscrits originaux qui se trouvent à Médine. La catégorie d’intellectuels, de chercheurs et d’académiciens a été en tête de liste des visiteurs du pavillon installé au cœur de la foire.
Et d’ajouter, ” cette participation ne sera pas la première ni la dernière à Tunis surtout avec le grand intérêt constaté chez les tunisiens, jeunes et moins jeunes, pour le livre et le patrimoine ce qui nous motivera à programmer notre participation aux prochaines éditions “.
Ahmad Bartawi, correspondant de la chaîne de Télé ” Alekhbariya “, et membre de la délégation officielle saoudienne, a qualifié cette participation “d’enrichissante et distinguée dans une édition réussie avec près d’un demi-million de livres en provenance de pays de différentes contrées”.
Les Nations Unies Tunisie ont participé pour la deuxième fois à la Foire internationale du livre de Tunis avec 16 agences, programmes et fonds et plus de 60 activités destinées aux catégories, toutes tranches d’âge confondues, et autour de différentes thématiques.
Le coordonnateur résident des Nations Unies en Tunisie, Arnaud Peral, a déclaré à la TAP que ” La culture est au centre de nos préoccupations et de notre esprit aux Nations Unies qui œuvre sur divers volets et intervient en particulier à travers le travail de l’Unesco, sur les différentes formes de patrimoine, matériel et immatériel. ”
La promotion de la notion inclusive de la culture est aussi parmi les autres dimensions sur lesquelles travaille la représentation onusienne. La Déclaration internationale des droits de l’Homme qui fête cette année son 75ème anniversaire, a constitué le fil conducteur de toutes les conférences et activités proposées autour de thèmes comme les droits humains, la santé, l’éducation, l’environnement et le développement économique.
La responsable du Centre d’information des Nations Unies-Tunisie, Dorra Loudhaief Midani, a ajouté ” nous sommes très satisfaits de cette deuxième participation surtout avec la présence massive d’enfants et de jeunes”. Une bonne affluence a été enregistrée auprès d’un public essentiellement de chercheurs à l’affût des dernières publications et des rapports qui les aident à compléter leurs thèses ou recherches académiques. Avec plus de 1500 publications sur différentes thématiques distribuées gratuitement, les nations Unies ambitionnent dans les prochaines éditions, de promouvoir davantage leurs activités dans le secteur culturel et de sensibiliser le public quant aux moyens de préserver la culture et le patrimoine et ce, à travers les agences spécialisées à l’instar de l’UNESCO.
Parmi les grands événements phares figure la “Bibliothèque Humaine”, en partenariat avec l’association Inno-PEACE qui en reprenant l’univers et le champ lexical de la bibliothèque, a offert de véritables rencontres humaines sensibilisant sur les stéréotypes et les discriminations, qu’ils soient fondés sur l’origine, la couleur de peau, l’apparence physique, la religion, les croyances, le handicap, etc. à travers l’expérience humaine un lecteur/une lectrice et un livre, devenu en fait une personne qui s’exprime sur son parcours et les discriminations qu’elle a vécues.
Récompensant chaque année les nouvelles éditions et les éditeurs tunisiens, la FILT qui a démarré en mettant à l’honneur huit auteurs, dont deux francophones et deux éditeurs, s’est terminée en apothéose notamment au pavillon de l’Institut Français de Tunisie (IFT) présent par une large programmation littéraire et couronnée à la clôture de la Foire par l’annonce des trois gagnants du concours de lecture “A Voix Haute” organisé par l’IFT, Livox Audiobooks et Oreadz autour du livre audio “le Petit Prince” d’Antoine de Saint-Exupéry qui vient d’être traduit en dialectal tunisien par Dhia Bousselmi avec Pop Libris Editions.
Un événement qui cadre avec le festival du livre audio en ligne organisé par l’Institut français et où le tunisien Samy Mokaddem a été nominé au prix du public du livre audio francophone pour “Dix Neuf” réalisé dans le cadre du projet “Livres des deux rives” (2021-2023), issu du Sommet des deux rives de la Méditerranée (23-24 juin 2019), et porté par quatre pays -France, Maroc Algérie et la Tunisie- pour un dialogue méditerranéen par le livre.