En l’espace de moins d’une année, deux chercheuses scientifiques tunisiennes se sont distinguées par leur inventivité et créativité en remportant des prix à l’international. Il s’agit d’Erij Messadi, chercheuse au laboratoire de Biomolécules, Venins et Applications Théranostiques de l’Institut Pasteur de Tunis (IPT) et de  Basma Hadj Kacem, chercheuse au centre de biotechnologie de Sfax.

La plus récente distinction est à l’actif d’Erij Messadi. Elle a obtenu la Médaille d’Or au 48ème Salon International des Inventions de Genève-2023, organisé du 26 au 30 avril 2023. Ce salon est réputé pour être la plus importante manifestation annuelle au monde consacrée exclusivement à l’invention.

Une molécule pour traiter les maladies oculaires

Intitulée « Lebecetine, lectine de type C, comme inhibiteur de néovascularisation », son invention concerne la lebecetine, un variant fonctionnel ou un fragment de celle-ci, destiné à être utilisé en tant qu’inhibiteur de néovascularisation, en particulier dans le traitement de maladies néo-vasculaires telles que des maladies oculaires, des cancers ou des troubles inflammatoires avec un composant néo-vasculaire.

Plus simplement, il s’agit d’une molécule à potentiel thérapeutique pour le traitement des maladies oculaires telles que la dégénérescence maculaire liée à l’âge, dégradation d’une partie de la rétine (la macula), pouvant mener à la perte de la vision centrale. Cette maladie d’origine multifactorielle concerne les plus de 50 ans.

Elle est prescrite également pour le traitement des rétinopathies ischémiques et notamment les rétinopathies diabétiques, qui, sans traitement peuvent entrainer la cécité.

L’enjeu est de taille lorsqu’on sait qu’actuellement 30% des patients touchées par ces maladies, sont résistants aux traitements et il est nécessaire de développer de nouvelles pistes thérapeutiques. En Tunisie, la prévalence de ces maladies dépasse la moyenne mondiale, en raison de l’augmentation du nombre de citoyens tunisiens touchés par le diabète, aggravé par le diagnostic tardif de cette maladie.

La deuxième distinction, celle de la chercheuse Basma Haj Kacem. Cette dernière a remporté au début du mois de septembre 2022, le premier prix de “Tunisia Ticad Innovation 2022”, événement parallèle qui s’est tenu en marge de la Huitième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8).

La chercheuse a remporté ce prix pour son invention d’une préparation pharmaceutique aux fortes propriétés antihémorragiques.

Par-delà ces éclairages, ces distinctions viennent confirmer de la plus belle manière que la Tunisie était bien inspirée d’avoir développé depuis les années 80 un écosystème de fabrication de vaccins et de médicaments.

Renforcer la logistique de l’industrie du médicament et des vaccins

Ces inventions, qui ont duré des années et des années, gagneraient à être industrialisées dans les meilleurs délais. Elles viennent renforcer les performances accomplies, ces deux dernières années, par des structures privées et publiques opérant dans la bio-production et l’industrie pharmaceutique.

Il s’agit notamment du groupe privé Médis qui a lancé, il y a une année, le premier biosimilaire de l’insuline Glargine –c’est-à-dire non générique-destiné au traitement du diabète.

Il y a aussi l’Institut Pasteur de Tunis (IPT). Cet établissement public de santé (EPS) a performé en établissant un partenariat avec le laboratoire américain Moderna. Ce partenariat porte sur un projet de recherche et de développement.

L’objectif consiste à produire le vaccin contre deux pathologies :  la rage pour laquelle il y a, certes, un vaccin mais on pense que le nouveau vaccin va avoir une supériorité à l’antécédent et la leishmaniose, une maladie pour laquelle il n’y a pas encore de vaccin.

Point d’orgue du contrat signé avec Moderna : si jamais les recherches aboutissent sur des résultats positifs, ce qui est probable compte du fait que l’IPT a beaucoup travaillé sur cette pathologie auparavant, leurs revenus seront répartis fifti fifti entre la Tunisie et Moderna.

Cela pour dire, in fine, que les conditions sont réunies pour booster l’industrie du médicament et des vaccins en Tunisie s’agissant particulièrement de la bonne qualité de l’écosystème en vigueur et de la crédibilité du savoir-faire des chercheurs.

Le défi à relever, de nos jours, réside dans l’effort à fournir pour renforcer la logistique en place et surtout pour accélérer, l’achèvement des travaux de réalisation de la technopole de biotechnologie de Sidi Thabet.