En mai 2023, l’inflation s’est repliée à 9,6% en Tunisie, elle était de 10,1% au mois d’avril. Ce recul est dû à la décélération du rythme d’augmentation des prix entre mai et avril en raison principalement d’un fléchissement relevé dans le rythme d’augmentation des prix du groupe « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » passant de 2,5% à 0,4%, des prix des services de transport de 1% à 0,3% et des prix du groupe « meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer » de 1,2% à 0,5%.
Le gouverneur de la BCT, avait annoncé, il y a plus d’une année, que les résultats des décisions de la banque centrale d’augmenter le taux directeur pour juguler le phénomène inflationniste se verront au bout de 6 mois et plus. Il faut attendre les prochains mois pour savoir si les tendances baissières de l’inflation vont se maintenir.
Pour certains experts économiques, le recul léger de l’inflation en Tunisie « s’inscrit dans une trajectoire tendancielle plutôt internationale. Partout dans les principaux pays partenaires de la Tunisie, l’inflation se contracte (même en Turquie). Les marchés internationaux se redressent progressivement et se rétablissent du COVID-19. C’est le contexte du marché international, la hausse des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales de ces grands pays industriels ont eu un impact sur l’inflation, mais aussi sur la croissance. Dans ces pays, Les taux directeurs sont passés en quelques mois de zéro (même du négatif) à plus de 5% » estime Mokhtar Lamari, économiste tunisien établi au Canada.
L’inflation en Tunisie s’inscrit dans une trajectoire tendancielle plutôt internationale
A relever toutefois, que les prix des produits alimentaires ne décélèrent pas, affichant une augmentation de 15,9% sur une année. Cette hausse provient principalement de l’augmentation des prix des viandes ovines de 31,2%, des viandes des volailles de 28,2%, des œufs de 25,6%, des huiles alimentaires de 23,4% et des viandes bovines de 21,1%.
Problèmes d’approvisionnement du marché ?
A fin avril 2023, la balance commerciale alimentaire a enregistré sur les quatre premiers mois, un déficit de 240,7 MD contre un déficit de 411,9 MD l’année précédente enregistrant un taux de couverture de 90,6% contre 84,4% en avril 2022. En termes de valeur, les exportations alimentaires ont enregistré une hausse de 4,2% alors que les importations ont baissé de 3,0%.
En l’absence de véritables stratégies pour une relance pensée, réfléchie et rassurante, l’économie tunisienne a tout l’air de s’orienter vers les marchés parallèles
La régression du déficit est dû essentiellement à la hausse des exportations de l’huile d’olive (+18,9%) et la régression des importations des céréales (-13,4%), et ceci malgré l’accroissement du rythme des importations du maïs (+51,8%) et du sucre (+65,3%). Le prix moyen de l’huile d’olive (15,13 DT/kg) a enregistré une croissance de 49,0% par rapport à l’année précédente.
A l’exception du maïs dont le prix a augmenté de 1,9% par rapport aux quatre premiers mois de l’année 2022, les produits céréaliers (blé dur, blé tendre et orge) affichent des baisses de prix variant entre 7% et 20%.
Est-ce à dire qu’ils sont disponibles sur le marché ? Depuis plus d’une année, il ne se passe pas un mois sans que le consommateur tunisien ne se plaigne pas de la pénurie des dérivés des produits céréaliers et notamment le pain, lequel, si disponible, est vendu plus cher dans nombre d’endroits surtout à Tunis. Le riz est introuvable et il n’est pas sûr de trouver du café et du sucre lorsqu’on entre dans une grande surface.
Serait-ce le fait des spéculateurs ? Les campagnes féroces menées par le gouvernement ont plus brimé les distributeurs et commerçants évoluant dans le circuit formel que ceux exerçant dans l’informel jouissant de tous les avantages inhérents à leurs activités : fixation des prix, vente libre partout et sans avoir à s’acquitter d’impôts ou de charges fiscales.
La surtaxe des nantis ne résoudra pas les problèmes de la pauvreté dans un pays où les politiques économiques sont défaillantes
En l’absence de véritables stratégies pour une relance pensée, réfléchie et rassurante, l’économie tunisienne a tout l’air de s’orienter vers les marchés parallèles ayant aujourd’hui pignon sur rue sous le regard indulgent des pouvoirs publics qui préfèrent surtaxer les « nantis ». A ce propos, le président de la République, citant Ibnou Il Khattab, lors de sa rencontre avec la cheffe de Gouvernement le 31 mai, « Si je le pouvais, je prendrais le surplus d’argent chez les riches et le distribuerais aux pauvres », devrait peut-être voir de plus près ce qui se passe dans le marché parallèle qui recèle d’énormes quantités d’argent que l’Etat ne peut pas approcher, ce qui lui épargnerait de faire des riches « formels » des pauvres sans pour autant résoudre les problèmes de la pauvreté dans un pays où les politiques économiques sont défaillantes y compris sous son noble règne.
La championne des taxes veut de nouveau taxer !
Il est quand même triste pour un Président qui a fait de son fer de lance lors des campagnes électorales la lutte contre la corruption et qui ne passe pas une semaine sans en parler depuis qu’il est chef d’Etat de ne pas mener tambour battant une guerre contre un marché parallèle qui pullule de pratiques mafieuses et qui détruit l’économie nationale !
Le président, lequel, rappelons-le, est un enseignant de droit constitutionnel, parle aussi de surtaxer les nantis pour approvisionner la caisse de compensation, au lieu de proposer des solutions aux déficits structurels des finances de l’Etat, d’engager des réformes structurelles sérieuses et de suggérer un plan de relance économique réaliste qui ne s’inspire pas de l’ère d’Omar Ibnou Il khattab !
La Tunisie est déjà championne d’Afrique de la taxation. Le pays a besoin d’une révision de la fiscalité pour encourager l’initiative, l’investissement et la production de richesses.” – Hachemi Alaya
La meilleure réponse en la matière est celle de Hachemi Alaya : « La Tunisie est déjà championne d’Afrique de la taxation. L’investissement -on devrait plutôt parler de sous-investissement- est le grand oublié de la réflexion que K. Saïed voudrait engager avec les économistes tunisiens.
Une réflexion qui ne semble pas réaliser que le surcroît de taxation qu’il se propose d’infliger aux « riches » et le Niet catégorique opposé à l’ouverture du capital des entreprises publiques, sont précisément ce qu’il faut éviter de faire pour assainir le climat des affaires et relancer l’investissement.
En matière de mobilisation des ressources intérieures pour financer les biens & services publics, la Tunisie est déjà championne d’Afrique et n’a rien à envier aux pays riches. Selon les plus récentes statistiques des recettes publiques en Afrique de l’OCDE de 2022, le ratio impôts/PIB s’établit à 32,5% en Tunisie soit au niveau le plus élevé en Afrique ; un niveau proche de la moyenne des pays riches de l’OCDE : 33,5%.
Une donnée qui témoigne que le pays a besoin d’une révision de la fiscalité pour encourager l’initiative, l’investissement et la production de richesses plutôt que d’une fiscalité destinée à subventionner la consommation. Le meilleur moyen d’assurer la dignité des pauvres n’est pas de leur donner à manger mais de leur offrir des emplois. La Tunisie regorge (peut-être) de richesses mais manque (sûrement)de devises ».
Mais les Hachemi Alaya et beaucoup de ses pairs ne semblent pas intéresser un Président qui s’arroge le droit de décider de l’avenir du pays en adoptant des postures populistes qui ne peuvent pas assurer au peuple, pauvres compris, un minimum de bien-être et de sécurité tant l’avenir d’une Tunisie sans vision est incertain.