L’évènement tuniso-européen, en ce début du mois de juin 2023, sera de toute évidence la visite qu’effectuera, demain dimanche, en Tunisie, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Cette visite, programmée depuis longtemps aurait pu être qualifiée de normale si Ursula von der Leyen, n’était pas accompagnée par deux dirigeants de deux pays européens influents : l’Italie et les pays Bas.
La présidente du Conseil italien Giorgia Meloni qui, depuis son accès au pouvoir, défend, la cause tunisienne et le droit de la Tunisie de Kaïes Saëd de bénéficier en urgence d’aides conséquentes pour préserver sa stabilité géostratégique multiforme (politique, économique, sociale et sanitaire…), était déjà, mardi dernier, en Tunisie.
Tout semble indiquer, que Giorgia Meloni jouait au cours de cette première visite le rôle d’éclaireuse. Elle avait pour tâche de préparer le terrain de cette visite et de se fixer sur les prédispositions du locataire de Carthage pour conclure un accord global avec l’Union européenne (UE).
Le second dirigeant, Mark Rutt, premier ministre néerlandais dont le pays représente avec l’Allemagne, les pays européens qui ont des réserves sur l’autocrate Kaïes Said et sur ce qu’ils appellent le rétrécissement des espaces des libertés et de justice en Tunisie.
Un accord de coopération dans les domaines de l’économie, de l’énergie et de la migration sera au centre des discussions
Objectif officiel de la visite
A l’ordre du jour de cette visite : la question migratoire et l’économie. Selon Eric Mamer, Porte-parole en chef de la Commission européenne, a révélé qu’« un accord de coopération dans les domaines de l’économie, de l’énergie et de la migration sera au centre des discussions”.
Sur les enjeux de cette visite, il a fait remarquer que “Le fait que la présidente se rende en Tunisie accompagnée des dirigeants néerlandais Mark Rutte et italien Giorgia Meloni est en soi un signe qu’un dialogue constructif est en cours avec les autorités tunisiennes”.
Néanmoins, Eric Mamer a tenu à nuancer ses propos “Je n’ai pas dit qu’un accord sera conclu, mais il sera au centre des discussions. Le but de ce voyage est d’aborder toutes les facettes de la relation avec la Tunisie dans le cadre structuré de cet accord”, a-t-il-dit.
Lors de son premier voyage la présidente du Conseil des ministres italien a parlé d’un programme englobant des financements, notamment des aides à la réinstallation des migrants renvoyés. Elle a parlé tantôt d’un montant de 700 millions d’euros et tantôt de 900 millions d’euros.
L’UE donne l’impression qu’elle est persuadée de l’impératif de faire preuve de pragmatisme et de souplesse en apportant une aide urgente conséquente à la Tunisie
L’union pourrait remplacer le FMI
Par l’effet du refus du Président de la République tunisienne, Kaïes Saïed de certaines conditionnalités exigées par le FMI dans l’accord technique conclu avec la Tunisie, le 15 octobre 2022, notamment, en ce qui concerne la suppression des subventions sur une courte période et la cession d’une centaine d’entreprises publiques surendettées, la Tunisie connaît de sérieuses difficultés pour obtenir du Fonds un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars. Ce prêt étant le sésame pour obtenir d’autres financements bilatéraux, régionaux et multilatéraux.
L’union européenne, à la faveur du lobbysme italien en faveur de la Tunisie, semble avoir été convaincue de l’ampleur des difficultés économiques dans lesquelles se débat la Tunisie et de la nécessité de la faire bénéficier d’une plus longue période pour relancer son économie. L’UE donne l’impression qu’elle est persuadée de l’impératif de faire preuve de pragmatisme et de souplesse en apportant, en dehors du FMI et en partenariat avec l’Institution de Bretton wood’s, une aide urgente conséquente à la Tunisie de peur de voir ce pays se déstabiliser et générer de nouveaux flux migratoires vers l’Europe.
Au regard de la gravité de la situation socio-économique du pays et du risque d’être en défaut de paiement, même les pays européens comme les Pays Bas et l’Allemagne qui ont dénoncé un recul des droits et des libertés depuis que le président Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, donnent l’air de s’aligner, du moins provisoirement sur la position italienne. Celle-là même qui consiste à apporter une aide financière urgente à la Tunisie et à reporter les réformes politiques.
Les partisans de Kaïs Saïed jubilent
En Tunisie, cette visite est perçue comme une victoire personnelle de la diplomatie de Kaïs Saïed qui repose sur la primauté de la souveraineté nationale, sur la non- acceptabilité des conditionnalités abusives du FMI et sur les risques qu’elles font encourir à la paix sociale dans le pays et sur l’enjeu d’examiner les problèmes géostratégiques comme la question migratoire dans un cadre plus global à l’instar d’une conférence ou d’un sommet.
A bon entendeur.
Abou SARRA