Au commencement cette déclaration, faite le 18 juin 2023, sur les chèques sans provisions par le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Brahim Bouderbala. Interpellé sur cette question par la radio privée Diwan Fm, le président de l’ARP a indiqué que « le parlement, n’a pas reçu, jusqu’à ce jour, ni de la présidence de la république, ni de la présidence du gouvernement, aucun projet de loi amendant le controversé article 411 du code du commerce relatif au chèque sans provision ».
En vertu de cet article,«l’’émission d’un chèque sans provision constitue un grave délit punissable des peines de l’escroquerie : 5 ans d’emprisonnement, plus une lourde amende (40%), plus diverses peines »
Entendre par là que la législation régissant les chèques impayés est très répressive en Tunisie. Elle s’appuie essentiellement sur l’argument de protection de l’ordre économique.
Le chèque en bois, une préoccupation présidentielle
Conscient des graves problèmes que les chèques en bois génèrent, le président de la République Kaïes Saïed a fait de la solution de cette problématique son dada. Au cours d’un récent entretien (23 mai 2023) avec la ministre de la Justice Leila Jafel, il a évoqué l’urgence d’amender l’article 411. Le chef de l’Etat a estimé que « l’esprit de cet article ne garantit pas la restitution de l’argent du plaignant. De même que la peine carcérale ne permet pas à l’accusé d’œuvrer à rembourser l’argent ».
Il y a une année, plus exactement au mois de février 2022, le président de la République avait décrété une amnistie, l’espace d’une année, des chèques sans provision. En dépit de cette amnistie, la problématique est restée entière. Au contraire, les chiffres des chèques en bois ont continué d’augmenter.
C’est ce qui explique la décision du parlement (ARP) de reprendre à zéro l’examen du problème. D’après Bouderbala, la commission parlementaire de la législation générale tiendra, dès la réception du projet de loi, des réunions avec la BCT, le ministère des finances, l’organisation patronale, l’association des PME et PMI, l’ordre des avocats et toutes les autres parties concernées.
Objectif : les auditionner pour avoir le maximum de points de vue sur cette problématique et prendre ainsi en considération, dans le cadre du futur projet de loi, les intérêts de tous les intervenants (tireur, émetteur, banque).
La Tunisie en retard
Par-delà cet engagement à résoudre le problème, même s’il arrive tardivement, il faut reconnaître que la Tunisie fait partie des rares pays dans le monde à pénaliser l’émission de chèques sans provision par des peines de prison illimitées.
La plupart des pays ont dépénalisé le chèque sans provision, dont l’Angleterre (pays inventeur du chèque) depuis 1980, la France en 1991, le Maroc, la Mauritanie, les Emirats arabes unis, le Qatar, la Jordanie…
A un certain moment, les parties concernées dont les banques et les PME ont proposé deux solutions : le chèque électronique et la peine conservatoire.
Utilisé dans plusieurs pays dans le monde, le chèque électronique a été suggéré par l’Association nationale des petites et moyennes entreprises (ANPME) dont les adhérents sont les principales victimes.
Le principe est simple : le receveur du chèque vérifie auprès d’une plateforme digitale le solde de l’émetteur. S’il est bon, il se réserve le montant inscrit sur le chèque. S’il ne l’est pas, il annule la transaction et retourne le chèque à son propriétaire.
La saisie conservatoire est proposée par les projets d’amendement non aboutis de la loi régissant les chèques sans provision. La saisie conservatoire comme peine alternative, est une procédure qui permet à un créancier, non encore pourvu d’un titre exécutoire, de saisir à titre préventif des biens de son débiteur en cas de menace dans le recouvrement.
Les deux propositions n’ont pas été du goût du secteur bancaire qui y voit de nouveaux investissements en matière de logistique et de ressources humaines.
Le chèque sans provision, un problème d’éducation
En dépit de ces réserves et autres blocages la Tunisie sera amenée, un jour ou l’autre, à se conformer aux conventions internationales qui décriminalisent le chèque en bois. Le gouvernement tunisien sera obligé, conformément à l’article 11 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU, article ratifié par la Tunisie et entré en vigueur en 1976, de dépénaliser le chèque sans provision.
Cet article stipule que : “Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle. Autrement dit, le garant de l’argent est l’argent ou les biens du débiteur et non pas sa liberté“.
Néanmoins, nous pensons que la problématique des chèques sans provision est avant tout un problème d’éducation, voire un déficit moral et culturel général. Pour y remédier, il est urgent d’apprendre aux tunisiens par la communication et la sensibilisation, que le chèque est un mode de paiement à vue et non à terme. Le tunisien doit apprendre, également, à vivre et à avoir des ambitions entrepreneuriales selon les limites de ses moyens et de ses capacités financières. C’est la seule façon d’éviter le lot des drames que génèrent les chèques en bois.
A bon entendeur.