Le plan de restructuration du transporteur national a été présenté, le 30 juin 2023, au Chef de l’Etat Kaïes Saïed par le ministre du Transport, Rabii Mejidi et le Président Directeur Général de la compagnie, Khaled Chelli. Concocté par l’actuelle direction générale de la compagnie nationale, ce plan était en fait, fin prêt depuis au moins une année. Il n’a pas pu être concrétisé en raison des tergiversations du gouvernement. Ce dernier était partagé entre l’option de garder l’entreprise dans le giron de l’Etat, c’est à dire en tant que service public déficitaire et celle de faire du transporteur public une entreprise économique opérant dans le secteur concurrentiel.
Malheureusement, le communiqué insipide, laconique et dés-informatif, publié à l’issue de cette réunion présidée par le Président de la République ne nous éclaire pas beaucoup sur cette question.
Ce qui va changer selon le plan de restructuration
Conséquence : le flou demeure total sur le statut public ou privé de la compagnie, à l’exception de cette remarque du chef de l’Etat quand il dit : « les parties qui souhaitent aujourd’hui céder cette entreprise publique ou la pousser à la faillite doivent assumer leurs responsabilités ». Entendre par là, peut-être, que le statut d’entreprise publique sera maintenu
Cependant, nous croyons savoir assez d’éléments sur le plan de restructuration du moins, sur ces principales orientations. Selon nos informations, ce plan s’articule autour de quatre principaux axes.
La première porte sur l’augmentation de 2 milliards de dinars du capital de la compagnie, ce qui permettrait de résorber un endettement estimé à 1,4 Milliard de dinars.
La compagnie envisage de travailler plus avec moins d’avions pour améliorer son efficacité opérationnelle
Un partenaire stratégique résoudrait une partie des difficultés du transporteur
Selon les scénarios proposés, une partie de cette augmentation pourrait être prise en charge par un éventuel partenaire stratégique auquel l’Etat céderait 35% à 40% du capital de la compagnie.
Le second axe porte sur l’assainissement financier de la Compagnie. Il s’agit de réévaluer les actifs de la compagnie : vente d’anciens avions (totalement ou en pièces détachées) et d’actifs fonciers et immobiliers de la compagnie…
La stratégie commerciale met l’accent sur les marchés rentables et l’ouverture de nouvelles lignes
Parallèlement, une stratégie a été déjà mise en place pour renouveler la flotte, soit par le canal d’achat de nouveaux avions ou par le biais de la technique du leasing (location d’avions). La compagnie a acquis l’espace de deux ans (2021,2022, 2023) 5 avions Airbus 320 et va louer, en 2023, 3 à 4 avions.
Travailler plus avec peu d’avions
Objectif : disposer d’une flotte de 17 avions dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les dix ans. La règle étant de travailler plus avec peu d’avions. Il s’agit également d’agir sur la moyenne d’utilisation des avions. Le but est de la porter de 7 à 8 heures par jour actuellement à 12 heures par jour. La moyenne dans le monde étant entre 12 et 14 heures par jour.
Le 3ème axe consiste en la mise au point d’une nouvelle stratégie commerciale axée sur l’abandon des lignes déficitaires, la focalisation sur les marchés et lignes rentables, l’exploration de nouvelles lignes, l’homogénéisation de la flotte (option pour l’Airbus et abandon de Boeing), et la digitalisation de tous les services de la compagnie.
Le segment qui intéressera le plus la compagnie, sera, d’après le plan, les Tunisiens qui partent à l’étranger, les hommes d’affaires, les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) plus les flux touristiques là où des possibilités existent.
La stratégie est claire : la compagnie va augmenter les fréquences là où il y a la rentabilité et le marché avec la possibilité d’ouverture de nouvelles lignes.
Un plan social en vue
Le 4ème axe a trait au plan social qui projette de licencier, sur trois ans et avec l’accord de la centrale syndicale (UGTT), 1.200 personnes sur un total de 3.200 que compte la compagnie et de 6 500 employés pour tout le groupe. Le problème, c’est qu’on parle de ce plan depuis longtemps. La question est de savoir s’il s’agit du même plan social ou d’un nouveau.
Parallèlement, la compagnie procédera à un recrutement ciblé adapté à la nouvelle stratégie et le contexte de la digitalisation et de la technologie. La démarche est la suivante. Il s’agit de faire partir une main d’œuvre non spécialisée pour recruter des ingénieurs, des informaticiens et des gestionnaires.
Le plan de restructuration vise à renforcer l’autonomie de gestion de la compagnie et accélérer la prise de décision
Au niveau de la gouvernance, un nouveau mode gouvernance est proposé. Ce dernier contourne définitivement la lourdeur de la loi du 1er février 1989, relative aux participations et entreprises publiques et à la lenteur des appels d’offres. Une refonte de l’organisation est également envisagée. Objectif principal du nouveau processus : favoriser la célérité de prise de décision.
Mention spéciale pour le rapport avec l’autorité de tutelle. Le plan insiste sur l’autonomie de gestion de la compagnie et sur la dissuasion, par le biais d’engagement fermes, de tout interventionnisme de sa part.
Par-delà ces éclairages, espérons que ce plan de restructuration verra, enfin le jour, et que la compagnie retrouvera sa gloire d’antan, même si d’autres défis pointent à l’horizon, en bonne place la déréglementation aérienne Open Sky, convention paraphée mais non encore activée.