Le célèbre mythe de Prometheus (Prométhée) a été ressuscité, samedi soir, sur la scène du théâtre de plein air de Hammamet, dans une œuvre théâtrale italo-tunisienne, ” PROMETHEUS – The Blue kangaroo” de Simone Mannino qui renvoie aux grands enseignements universels de la mythologie grecque.
Après son avant-première tunisienne aux Journées théâtrales de Carthage (JTC) 2022, cette pièce a fait l’ouverture de la 57ème édition du Festival international de Hammamet (FIH) placée sous le thème ” Colorons le Monde “. Le théâtre est au cœur de ce rendez-vous annuel multidisciplinaire qu’abrite la Maison de la Méditerranée pour la Culture et les Arts, Centre Culturel International de Hammamet (CCIH), du 8 juillet au 12 août 2023.
Une adaptation futuriste de la tragédie d’Eschyle qui se situe en l’an 2072
Le Palermitain Simone Mannino qui est à la mise en scène, la conception et la scénographie revisite l’héritage philosophique méditerranéen à travers une œuvre futuriste qui prédit l’apocalyspe et le destin de l’humanité victime de sa vanité.
Cette création en italien, en arabe et en français, avec sur un titrage en français, Mannino a réunit un casting mixte composé des Tunisiens Jamel Madani (Prométhée), Aymen Mabrouk et Mariem Sayeh et les Italiens Giorgio Coppone, Paolo Mannina et Chiara Muscato. L’équipe technique majoritairement italienne compte également un technicien de l’éclairage, Sabri Atrous.
Les questionnements philosophiques dans le théâtre d’Eschyle se placent dans un registre tragique futuriste qui se situe en l’an 2072 et en choisissant un titre provocateur “Prometheus /The Blue kangaroo”, dit-il . Prométhée est réduit à sa valeur humaine, à la puissance limitée, dans un monde victime de ses politiques qui ne tiennent pas en compte l’exigence écologique.
Dans ” Prometheus / The Blue kangaroo”, le metteur en scène propose une adaptation théâtrale inspirée de la tragédie d’Eschyle dont il a écrit avec l’écrivain Lorenzo Marsili. L’intensité et la splendeur de l’aspect tragique toujours présent dans la mythologie grecque a été exceptionnellement mise en avant à travers la conception sonore et une musique originale de son compatriote le compositeur et pianiste Gaetano Dragotta.
A l’issue du spectacle, Mannino a présente ” une création théâtrale assez particulière évoquant l’importante collaboration entre les artistes “. Pour lui ” PROMETHEUS – The Blue kangaroo” est la première étape d’une collaboration entre Palerme et Tunis qui se poursuivra pour créer quelque chose d’exceptionnel “.
Il demeure convaincu du ” pouvoir de l’art et la possibilité qu’il offre pour s’adresser au public “. Cette orientation a ” toujours inspiré ” le metteur en scène et qui s’est notamment traduite dans cette production qui revisite un classique du théâtre en racontant une tragédie grecque aux allures modernes inspirée de Prométhée la tragédie d’Eschyle.
” Le public est la chose la plus importante ” pour cet artiste parfaitement conscient de sa responsabilité en tant que metteur en scène et qui prend très au sérieux son rôle au niveau de la direction d’artistes, la conception graphique, le choix des costumes, la musique et tous les aspects techniques de l’œuvre. Pour Mannino, le théâtre est un travail d’équipe dans lequel la notion de groupe prime car ” nous sommes un ensemble “, dit-il.
Côté création, l’artiste se montre débarrassé de tout individualisme, un aspect qui prévaut dans notre époque, et pointe du doigt un monde où règne une sorte ” d’égoïsme qui frôle le terrible “. Pour lui, l’art nous offre la possibilité de surmonter cet obstacle et se projeter à travers l’autre qui est une sorte de reflet et un miroir à travers lequel se dessinent les contours de l’œuvre théâtrale.
En plus des éléments visuels entre les lumières et les décors ainsi que les costumes en bleu en référence à la mer, Mannino admet que ” la musique est un monde immense et incroyable qui constitue le poumon du spectacle. “. Selon lui, tous ces éléments forment ” un tout “, qui va de pair avec ” les comédiens qui constituent l’esprit du spectacle “.
Autour de sa présence en Tunisie, il a décrit ” une expérience incroyable ” après des répétitions ayant commencé une semaine avant le spectacle. Cette dernière soirée à Hammamet n’est effectivement pas la dernière pour Mannnino qui compte revenir pour de nouvelles représentations de ” PROMETHEUS – The Blue kangaroo”.
Jamel Madani en Prometheus moderne et universel
Jamel Madani interprète le rôle d’un ” PROMETHEUS ” moderne et futuriste mais dont l’esprit et la sagesse versent dans un référentiel philosophique grec. Pour cette coproduction italo-tunisienne, le choix a été ainsi fait sur un acteur tunisien pour interpréter le rôle en dialecte tunisien et en italien, une langue qu’il ne maîtrise pourtant pas mais qu’il a parfaitement réussi à interpréter.
” Ma connaissance de la Langue italienne se limitait à quelques mots “, a déclaré l’acteur au point de presse tenu après le spectacle. Soucieux d’honorer ses engagements envers le metteur en scène italien, il dit avoir passé plus de deux mois enfermé chez lui pour apprendre le texte en Italien.
Il a adressé ses remerciements pour le festival de Hammamet les JTC sans lesquels il n’a pas été possible de faire connaitre cette production en Tunisie. Il a encore déclaré avoir été proposé pour ce rôle ” sur proposition de Aymen Mabrouk, acteur installé en Italie qui l’avait précédé dans cette pièce, – et qui s’est fait connaitre auprès du public tunisien à travers la série Harga.”.
A cet égard, Aymen Mabrouk – qui est à sa deuxième participation à cette pièce présentée auparavant à Palermo- , a évoqué un texte écrit dans un style philosophique ce qui n’est pas évident, tout en saluant l’exploit de Jamel Mdani qui a réussi à l’interpréter merveilleusement bien. Il a encore exprimé sa joie de se produire à Hammamet et dans le cadre d’une œuvre tuniso-italienne et aux côté d’un grand artiste comme Jamel Madani.
L’acteur Paolo Mannina a présenté une pièce adaptée à ” une thématique actuelle, d’ordre politique et écologique, qui est assez importante “. S’exprimant dans une déclaration à la TAP, il estime que ” ce spectacle a permis de construire une sorte de métaphore et une communion entre les peuples pour un monde débarrassé de la notion géographique et des barrières, renforçant ainsi le principe de fraternité perdu en notre époque.”
Cette collaboration théâtrale qui, selon lui, ” va au-delà des barrières humaines ou politiques “, a notamment permis ” une connaissance mutuelle, artistiquement et humaine, entre tunisiens et italiens “.
Par rapport au mythe grec, ce Promethéus universel se place dans ” une logique moderne et d’une humanité qui n’a pas bien profité du cadeau de la sagesse et de la connaissance “. Paolo Mannina évoque ” des mythologies classique et moderne qui se rejoignent pour dénoncer l’usage de la connaissance qui était allé contre l’évolution humaine dans une planète qui risque d’être engloutie par les déchets en pastique. “