Il y a une prise de conscience assez large sur l’urgence de la transition écologique. Le baromètre EY 2023 en témoigne. L’activation du cadre réglementaire aiderait à acter la question.
Jeudi 6 juillet, EY a procédé à la présentation publique de son Baromètre 2023. L’enquête a comporté, comme de coutume chez EY l’examen d’une question de grande actualité et à puissant impact socio-économique. En l’occurrence on a traité de la transition écologique. Le sondage a eu lieu entre le 28 mars et le 6 juin 2023. Le contingent concerné est composé de 255 chefs d’entreprises, de statuts, de taille et de secteurs variés. Les auteurs de l’enquête les présentent, comme des ’’Répondants de taille’’, statut valorisant, qui confère un certain crédit à leurs opinions et autres recommandations.
Des préoccupations réelles
Le sujet est largement partagé à l’échelle mondiale. Il y a, d’un côté la réalité du moment à savoir l’urgence de parer à la dégradation de l’environnement. De l’autre, on trouve le souci de rebond économique lequel prendrait appui sur la transition écologique. D’ailleurs certains éléments matériels nouveaux nous y renvoient tel l’instauration de la taxe carbone aux frontières de notre premier partenaire commercial, l’UE.
L’enquête montre qu’il y a une conviction assez largement partagée sur la nécessité de produire autrement et d’aller vers l’entreprise durable. Les chefs d’entreprises tunisiens auraient ainsi pris la vague ? Le Baromètre EY 2023 révèle qu’ils sont 26 % à souhaiter réduire leur consommation d’énergie, motivation économique légitime.
Autre aspect rassurant, ils sont 20 % à vouloir se comporter en entreprise citoyenne, choix éthique, valorisant. Déjà 17 %, ont pris le taureau par les cornes et se sont essayés à des énergies renouvelables. Ils sont 9 % à souhaiter utiliser des technologies propres. Et 5 % entendent réduire leurs émissions de gaz.
C’est là un large spectre de motivations qui montre bien que la problématique du basculement vers la transition écologique est intériorisée par les chefs d’entreprise. Et cela pour des raisons autant économiques, de défense, qu’éthiques, donc de choix de société.
Par ailleurs le Baromètre va plus loin et sonde les chefs d’entreprises sur les moyens financiers engagés ou à aligner, pour la cause. Et l’on relève que 64 % des entreprises optent pour des budgets parfois consistants. Et on peut voir sur le tableau suivant que 20 % des effectifs prévoient ou mobilisent des budgets compris entre 1 et 3 millions de TND.
Quel est le budget prévu pour les investissements liés à la transition écologique pour les trois prochaines années’
La SFI appuie la transition écologique
Intervenant en qualité de Guest Speaker, Georges Joseph Ghorra, représentant résident de la SFI (Groupe BM) précise que la transition écologique, sous la pression de l’emballement du changement climatique et par nécessité de rationalité économique, ne se présente plus comme une option, au choix, mais bien comme une ardente obligation.
Le vent a tourné et le monde entier s’y convertit. Nous avons en mémoire les appels du club de Rome et notamment du fameux ‘’Rapport Meadows’’ qu’il a édité en 1972. Ce document rappelait que ‘’nous entrons dans une période d’explosion des crises’’. Désormais nous y voilà, le cataclysme est acté. Et G.J. Ghorra d’observer que pour les entreprises, l’accès au financement sera désormais discriminant.
La SFI, à titre d’exemple, dés 2025 ne financera que les entreprises qui planifient une mutation de leur business model en conformité avec le protocole de l’équateur. Cette charte créée en 2023, vise à faire prendre en compte les risques sociaux et environnementaux dans le cadre du financement des projets. Le Baromètre EY 2023 montre bien que la problématique du basculement suivie par les chefs d’entreprises tunisiens se nourrit des fondamentaux de la transition.
Et ce qui rassure davantage est leur manière d’accomplir la transition écologique. En l’occurrence elle est assortie d’une dynamique de partenariat qui est bien un choix de raison et de compétitivité. Et c’est bien ce que révèle la lecture du tableau suivant.
Des choix et des contraintes
Si le basculement écologique et énergétique parait inévitable, il faut se rappeler qu’il s’accompagne de certaines contraintes. Et comme l’indiquera, avec persuasion, Ines Gharbi, EY consulting, le Reporting ESG est complexe. Une entreprise qui s’engage sur la voie ESG (Critères Environnementaux, sociaux et de Gouvernance) doit le faire savoir publiquement. Elle peut soit l’intégrer à ses états financiers ou le faire publier dans un document séparé.
Une première tentative a été faite par la Bourse de Tunis qui a appelé les valeurs de la cote à se conformer à un guide ESG. Et, Bilel Sahnoun a souligné que ce guide s’inspire de la directive européenne en restreignant le champ des KPI retenus. La Bourse a opté, dans un premier temps, pour un assortiment de 32 KPI, afin de ne pas inhiber les entreprises cotées sachant que la directive européenne en contient 1144 ! Par prudence il a fallu simplifier au maximum les critères afin de familiariser les entreprises avec la démarche et à partir de là on peut envisager une montée en charge. Du reste cela n’a pas exclu quelques écarts. En effet Bilel Sahnoun relate que certaines entreprises pensent faire de la RSE alors qu’elles financent simplement des actions de mécénat.
L’appel pour les Fonds Verts
La transition écologique appelle des financements conséquents. En Tunisie, une batterie d’incitations a été initiées mais le financement vert attend toujours un cadre réglementaire. Sana Farhat, EY consulting, insistait sur la formalisation de la stratégie de transformation écologique. Cela nécessite une certaine expertise. Elle s’organiserait au fur et à mesure de la mise en place des fonds dédiés notamment les fonds verts.
Najia Gharbi, DG de la CDC, Guest Speaker, a exposé la problématique nationale en la matière laissant entendre que la réglementation serait rapidement finalisée. Karim Trad, Africinvest, Guest Speaker, considère que les choses avanceraient rapidement. Sur le Continent africain il soutient que la finance verte a progressé de 10 fois sur les 5 dernières années.
L’une des sources de financement qui pourrait répondre aux attentes des entreprises tunisiennes serait le croundfunding. Quoiqu’il en soit rappel Bilel Sahnoun, il ne faut pas négliger les financements de marché des quotas carbone. Les cours sur ce marché pourraient évoluer entre 7 et…80 euros, pas moins. Le jour même la bourse organisait une consultation internationale en ce sens.
Rappelons, au plan anecdotique que Hela Cheikhrouhou a été la première présidente du Green Fund de l’ONU. Et cela serait de bon augure. Les auteurs du Baromètre EY 2023 auront-ils la main verte pour inciter les pouvoirs publics à activer les fonds verts ?