« Sans conclusion d’un accord avec le FMI, la Tunisie encourt une situation financière tendue avec des remboursements relativement lourds de dette extérieure fin 2023 (…). La résorption progressive du déficit budgétaire et la restauration d’une trajectoire d’endettement soutenable dépend largement de mesures prévues dans le programme négocié avec le FMI », estime une note de conjoncture publiée en mai 2023, par le service économique de l’ambassade de France en Tunisie.
La note fait remarquer qu’« en dépit d’une accalmie début 2023 grâce à la relative décrue des cours internationaux et la poursuite de bons résultats du tourisme et des transferts, les inquiétudes persistent sur les capacités de la Tunisie à financer son déficit courant et les risques pour les équilibres externes restent élevés : la perte d’attractivité du pays et l’absence de programme FMI freinent les entrées de capitaux – prêts étrangers et IDE. Les réserves en devises baissent régulièrement, depuis le pic de 162 jours d’importation fin 2020 à actuellement 93 jours (7,3 Md$) ».
Cette note, une sorte de feuille de route, publiée chaque année, à la même période, n’apporte en fait rien de nouveau. Elle reprend l’approche officielle maintes fois exprimée par la France, 2ème partenaire commercial de la Tunisie après l’Italie.
Le document a le mérite de revenir succinctement, sur les causes de la crise multiforme qui sévit en Tunisie, de rappeler les faiblesses structurelles de l’économie tunisienne et de faire ressortir, timidement, les facteurs qui lui ont permis de résister, ces trois dernières années. A ce propos, mention spéciale a été faite à la part de la consommation dans le PIB, à l’apport des subventions et au recours intensif à l’emprunt domestique. En voici les détails.
Origines de la crise
« Alors que ses fondamentaux sont faibles, l’économie tunisienne pâtit de l’impact de chocs exogènes », note le document.
Les causes endogènes de la crise sont dues au fait que la Tunisie présente de nombreuses défaillances structurelles : taux de croissance faible, 1,7% durant la décennie 2010 contre 4,3% pendant les années 2000, augmentation au cours de la même période du déficit courant d’une fourchette de 2 à 6% du PIB à une fourchette de 8-11% et recul de l’investissement passé de 25,4 à 17,8% du PIB entre 2010 et 2019.
Autres faiblesses citées par le document : augmentation de la part de la consommation des ménages (73% du PIB) et administration non performante.
La note relève que « l’instabilité politique depuis la révolution n’a pas permis de lever ces faiblesses ». A noter, au passage, que le document ne souffle pas un mot sur la responsabilité de l’Islam politique dans cette crise et sur le soutien que l’occident néolibéral dont fait partie la France a apporté à ce mouvement.
Au rayon des causes exogènes, le document cite la sécheresse qui a sévi ces dernières années dans le pays, la pandémie du corona virus, l’inflation importée et la guerre russo-ukrainienne.
« Les conséquences de la guerre en Ukraine ont ébranlé la timide reprise post-crise sanitaire. Après -8,7% en 2020, +3,1% en 2021 et +2,5%, la croissance n’est plus prévue que de 1,3% (FMI) à 1,6% (loi de finance) pour 2023, contre 2,9% pour l’ensemble de la région MENA selon le FMI », lit –on dans la note.
Cette guerre a impacté négativement en 2022, les prix des hydrocarbures et des denrées alimentaires et a aggravé les tensions financières déjà élevées du pays. « Leur évolution, en dépit d’une relative accalmie actuelle, précise la note, reste une menace pour les approvisionnements du pays ».
« La croissance, estime la note, pâtit désormais de la résurgence de l’inflation qui érode le pouvoir d’achat des ménages (…). Les pressions inflationnistes affichent une tendance haussière jamais vue depuis les années 1990 tandis que les tensions sociales sont élevées.
De 4,9% fin 2020, l’inflation est remontée à 10,3 % en mars 2023, alimentée principalement par la hausse en 2022 des cours internationaux de l’énergie et de produits agricoles largement importés ».
S’ajoutent à cette inflation importée, « la hausse des taux d’intérêt, les tensions sur les comptes publics (éviction du financement du secteur privé, limitation des dépenses publiques, pressions fiscales), mais également des faibles perspectives de croissance européenne, principal débouché de la Tunisie, en dépit du redressement du tourisme constaté depuis l’an dernier ».
Vient enfin un autre facteur exogène, la sécheresse qui sévit dans le pays depuis cinq années successives. La note fait remarquer que « les perspectives 2023 sont menacées par les conséquences dans le secteur agricole d’une sécheresse aigüe : rationnement de l’eau, effondrement déjà prévu de la récolte céréalière ».
Résilience de l’économie tunisienne
En filigrane, la note cite trois facteurs qui ont permis à l’économie tunisienne de résister en l’absence de nouveaux endettements. Il s’agit des subventions, des emprunts domestiques et de l’augmentation de la part de la consommation dans le PIB.
S’agissant des subventions, la note relève que « la différence entre l’évolution des prix libres (+11,2%) et encadrés (+7,4%) en particulier dans le domaine alimentaire (+18,2% contre +0,6%) témoigne du rôle d’amortisseur du système de subvention des prix”.
Concernant le rôle des emprunts domestiques dans le financement du budget, le document précise que « limité dans l’accès aux financements extérieurs par la dégradation de sa note souveraine et l’absence de programme FMI, la Tunisie sur-sollicite le marché domestique : les emprunts domestiques ont couvert les 2/3 des besoins en 2021 contre 1/3 initialement prévu, les autorités ont fait appel à un grand emprunt national complémentaire cette année (2,1 Md TND ».
Et pour ne rien oublier, la note indique que la part de la consommation en tant que moteur de croissance, aux côtés de l’investissement et des exportations a grimpé à 73%.
Pourtant, ce sont principalement ces trois facteurs de résilience (emprunts domestiques, subvention et trend haussier de la part de la consommation dans le PIB), qui ont permis à la population tunisienne de survivre, en cette période de crise aigüe, que les réformes du FMI se proposent, justement, de réduire à la baisse.
Il s’agit de la baisse de la masse des salaires, de la réduction du rôle des emprunts domestiques dans le financement du budget et partant de la baisse de la consommation qui fait tourner bien que mal l’économie du pays.
Sans commentaire.