L’Etat tunisien, qui a traîné, jusqu’à ce jour, la sinistre réputation d’avoir été un très mauvais gestionnaire du dossier controversé du bassin minier, vient, enfin, d’opter pour une solution technologique radicale visant à contourner, définitivement, les mouvements sociaux récurrents qui ont plombé, des années durant, la production et son corollaire les exportations du phosphate et dérivés.
Dans cette perspective, l’international Finance Corporation (IFC), ex- Société financière internationale (SFI), membre du Groupe de la Banque mondiale a accordé, le 8 août aux termes d’un accord, à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) un don de 7 MDT. Ce don est destiné à financer une étude relative à un projet intégré porteur comportant le transport hydraulique du phosphate commercial, son alimentation en énergie propre (solaire) et son approvisionnement en eau dessalée.
Mettre fin à la discontinuité de la production
Objectif : approvisionner régulièrement –bien régulièrement- les usines de la CPG en phosphate commercial et des laveries actuelles de la compagnie, ainsi que des laveries programmées à l’avenir, en eau industrielle.
Concrètement, il s’agit de mettre fin à l’alimentation des usines de la CPG en eau souterraine et à la discontinuité d’approvisionnement des usines de transformation du Groupe chimique tunisien à Skhira, Gabès et Gafsa ainsi que de l’usine Tifert en phosphate marchand, par les moyens conventionnels (transport ferroviaire et routier).
Est-il besoin de rappeler, à ce propos, comment les insurgés du bassin minier avaient bloqué pendant de longs mois, la ligne ferroviaire numéro 13 reliant Sfax, Gafsa et Tozeur, une ligne vitale pour le transport du phosphate. Tous les Tunisiens ont encore à l’esprit cette terrible image d’insurgés qui ont osé braver l’Etat en érigeant un muret sur cette ligne.
Le trafic sur cette ligne a connu, effectivement, des perturbations depuis 2012, entraînant des difficultés financières pour la CPG et la Sncft à cause des mouvements sociaux et a suscité une grande polémique à la suite du transport du phosphate par le biais des camions.
Le recours à la ligne 21 a entraîné la hausse des coûts et des dépenses pour la compagnie, cette ligne étant la plus longue ligne reliant Métlaoui à Gabès. L’acheminement du phosphate sur cette dernière ligne peut durer jusqu’à trois jours (aller et retour) en raison de la dégradation de l’infrastructure, et ce, contrairement à la ligne 13 qui est plus rapide (un jour).
Les composantes du projet
Dans le détail, le nouveau projet intégré dont le coût global est estimé à 1100 MDT, aura pour principales composantes :
– un pipe-line (slurry pipeline), une conduite enterrée d’une longueur d’environ 180km. La capacité annuelle de cette installation est de 10 à 12 millions de phosphate traité compté sur sec.
La technologie du Slurry pipeline ou pipeline à lisier, technologie spécialement conçue pour déplacer, entre autres, le minerai de phosphate sur de longues distances est parfaitement adaptée au contexte tunisien, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, en raison de sa conception éco-responsable, le Slurry Pipeline est adapté au réchauffement climatique. Il contribuera à l’élimination des émissions de CO2 et à satisfaire la demande environnementale largement exprimée par les communautés du bassin minier.
Deuxièmement, elle répond au besoin de la CPG d’augmenter sa production à des seuils compétitifs en quantité et qualité qui lui permettent de conquérir de nouveaux marchés.
-Le projet prévoit aussi une station de dessalement des eaux de mer qui sera implantée à Skhira, des canalisations pour le transfert des eaux produites aux bassins miniers avec une capacité de production d’environ 100 mille mètres cubes d’eau par jour.
-Autre composante du projet : la mise en place d’une ou de plusieurs fermes solaires (photovoltaïque) pour couvrir les besoins spécifiques du transport hydraulique et de l’unité de dessalement de l’eau de mer. Ces besoins en énergie sont estimés à 30 MW. Mieux, le projet prévoit la mise en place d’une unité de production d’hydrogène vert dont une partie servira à la production d’ammoniaque vert et la production d’engrais verts.
Un mégaprojet hautement stratégique
Par-delà ces éclairages, nous pensons que cette option technologique pour le transport hydraulique du phosphate est une option non seulement stratégique mais également et surtout pertinente et perspicace. La raison est évidente. C’est un des rares mégaprojets qui permet au pays et au bassin minier de profiter dans des conditions durables et sans intermittence d’une ressource naturelle disponible en grande quantité, allusion, ici, aux réserves du pays en la matière. Des réserves qui peuvent perdurer jusqu’au siècle prochain, à raison d’une moyenne de 10 Millions de tonnes par an.
L’enjeu réside dans la priorité à accorder à la mise en œuvre de ce projet et à son extension au gisement de Sra ouertane au nord-ouest.
Avec la décroissance démographique prévue en Tunisie, de tels projets, fort du quadruplement du cours du phosphate à l’international, sont de nature à solidifier l’économie nationale et à améliorer la compétitivité de la CPG et du groupe chimique.
Quant à nous, notre souhait c’est qu’on étende ces solutions technologiques salutaires à d’autres secteurs et domaines d’activités bloqués par des mouvements et revendications syndicales extrêmes. Nous pensons, ici, à tout le bien que pourrait faire la digitalisation si jamais elle est généralisée dans toute l’administration du pays.
A bon entendeur.