Pour justifier leur incompétence et leur immobilisme, les ministres qui se sont succédé durant la décennie noire, ont constamment prétendu qu’ils n’ont pas eu le temps requis pour entreprendre les réformes. Leurs successeurs, c’est-à- dire, les ministres de Kaïes Saied ont très vite compris que si jamais ils utiliseraient le même argumentaire, ils seraient, tout de suite, décrédibilisés à leur tour. Pour se débarrasser de l’éventuelle étiquette d’être traités d’incapables, ils ont inventé autre chose, celle de la planification et de la projection en avant.
En conséquence, toutes les stratégies sectorielles élaborées par les 4 gouvernements de Kaïes Saied ont été programmées sur une longue période, sur 15 et 30 ans, une trouvaille, voire une tactique pour ne pas rendre compte sur deux ans et trois ans.
Dans les faits, le résultat est, toutefois, le même, et ce durant quatre ans. La situation générale du pays est globalement au point mort. Le pays vit toujours une crise multiforme presque dans tous les domaines en dépit de quelques avancées sur la moralisation politique.
Stratégie céréalière hypothétique pour 2035
L’exemple de la stratégie céréalière élaborée à l’horizon de l’an 2035 et annoncée avec fracas, ces derniers jours, est édifiant sur ce sujet.
Quand on sait que par l’effet d’une sécheresse hivernale inédite, le pays aurait pu connaître, en 2023, une catastrophe n’eussent été les pluies providentielles des mois de mai et de juin de la même année.
D’ailleurs, contrairement aux prophéties catastrophiques des responsables nahdhaouis de l’UTAP, la récolte a été, officiellement, de l’ordre de 5,5 millions de quintaux, soit une moyenne de production normale en période sécheresse.
L’enjeu réside, néanmoins, dans les préparatifs de la prochaine saison agricole et dans l’effort à déployer pour qu’on ne soit pas pris de court comme cela a été le cas en 2023.
En principe, le bon sens implique que face à une telle grave situation et dans le souci de tirer les enseignements de cette année de disette, les bureaucrates du ministère de l’agriculture, au lieu de nous annoncer une stratégie céréalière insipide avec des objectifs hypothétiques et spéculatifs, auraient mieux fait, du moins à notre avis, de nous proposer des mesures urgentes devant aider, durant la saison 2023-2024, les céréaliers à améliorer au maximum la productivité de leurs cultures et à éviter les gaspillages et pertes traditionnelles.
Assurer en priorité l’encadrement des céréaliers
En clair, l’enjeu ici est d’assurer un encadrement de proximité aux agriculteurs et de réhabiliter à cette fin les cellules administratives de vulgarisation agricole, des structures supprimées pour des raisons criminelles inconnues.
En amont, l’accent doit être mis sur l’approvisionnement, dans les temps –bien dans les temps-, des quantités de semences requises et d’opter pour des variétés résistantes à la sécheresse. L’actuel ministre de l’Agriculture s’est engagé à mettre à la disposition des céréaliers 700 mille quintaux dont 200 mille de semences sélectionnées. Espérons qu’il honorera son engagement. Car dans ce pays rien n’est sûr.
Il s’agit également d’orienter les céréaliers vers les best practices, voire les meilleures techniques devant garantir les meilleurs rendements.
Les experts agricoles recommandent, à ce propos, la pratique des techniques économes en eau. Au nombre de celles-ci, figure le semis direct, technique qui ne nécessite pas de travailler le sol.
Ils recommandent, aussi, l’irrigation en raison du haut rendement qu’elle génère, 35 quintaux à l’hectare contre 12 à 15 qx en sec.
Dans cette perspective, les autorités agricoles se doivent de consacrer, en priorité, des quantités significatives d’eaux de barrages à la céréaliculture. Faut-il pour cela sacrifier d’autres cultures ? Les céréales étant un produit hautement stratégique en matière de sécurité alimentaire du pays. L’année dernière, c’est-à-dire, en pleine période de sécheresse, le ministère de l’agriculture avait promis d’irriguer 100 mille hectares de céréales mais apparemment, il n’a pas tenu sa promesse, du moins d’après un responsable de l’UTAP de l’époque, Hamadi Boubaker.
Il s’agit aussi d’être auprès des céréaliers pour leur conseiller les meilleurs moments où ils doivent utiliser les intrants : azote, ammonitre…
Cela pour dire in fine, le ministère de l’agriculture, au lieu de pavoiser et d’annoncer, à gorge déployée, des stratégies de long terme dont on sait d’avance qu’elles sont sans lendemain, a intérêt à mobiliser l’ensemble de ses cadres et structures pour épauler, sur le terrain et tout de suite, les céréaliers et les aider à optimiser les moyens dont ils disposent, et ce, à un moment où le réchauffement climatique commence à s’installer de manière durable dans le pays.
Stratégie pour atteindre un taux de couverture de 80% en 2035
Et pour ne rien oublier, un mot sur la nouvelle stratégie de développement de la filière céréalière en Tunisie à l’horizon 2035.
Officiellement, cette stratégie a pour but de cultiver environ 1200 mille hectares dont 550 mille ha en blé dur, 500 mille ha en orge, 100 mille ha en blé tendre et 50 mille ha en triticale.
Objectifs : assurer un développement durable de la capacité de production des céréales, financer les acteurs et développer les chaines de valeur de la filière céréalière et développer l’environnement économique et social de la filière.
Elaborée par le ministère de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche, la stratégie ambitionne de développer la production nationale de la filière céréalière et d’améliorer le taux de couverture pour atteindre, au minimum, 8 millions de quintaux (Mqx) et au maximum, un niveau de 25 millions de quintaux (Mqx).