Il est aujourd’hui essentiel de traiter avec sérieux les disparités d’accès aux espaces verts qui entraînent des inégalités sociales et environnementales croissantes, et d’accorder à ces espaces une plus grande importance au sein des zones urbaines qui ne cessent de s’étendre à leurs dépens, selon un rapport sur “la dégradation du parc urbain Ennahli. Le reflet de la crise de la stratégie environnementale”, publié au mois d’août courant, par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
Ce rapport souligne que 52,6% des parcs dans la région du Nord-est se trouvent dans le gouvernorat de Tunis, et 65% des parcs et jardins urbains de ce gouvernorat sont concentrés dans les centres-villes et les quartiers aisés. En revanche, les quartiers périphériques et populaires présentent un taux beaucoup plus faible d’espaces verts malgré leur forte densité démographique.
A cet égard, le rapport met l’accent sur la nécessité de demander une répartition équitable et une politique de gestion juste garantissant la qualité de tous les parcs, ainsi que la consécration du droit de tous les citoyens, indépendamment de leur lieu de résidence ou de leur situation sociale et économique, à un environnement sain et sûr, avec un accès à des espaces récréatifs naturels proches de leur lieu de vie.Ainsi, le rapport publié dans la revue semestrielle de la justice environnementale, montre que la dégradation des parcs urbains, dont fait partie Ennahli, est l’un des aspects révélateurs de la crise que traverse la stratégie environnementale du pays et des obstacles rencontrés par le programme national des parcs urbains.
“Il témoigne de problèmes liés à une urbanisation marquée par son incapacité à préserver et à valoriser les espaces verts, empêchant, ainsi, l’amélioration du cadre de vie des citoyens. Le pouvoir politique ne considère pas l’accès à un espace naturel au sein de la ville comme un droit civique primordial, bien que cela découle directement du droit à la ville”, selon le rapport.
Détérioration notable des parcs
“Après la révolution de 2011, la situation des espaces verts en Tunisie s’est considérablement détériorée, même pour ceux qui bénéficiaient de conditions favorables. Des parcs tels qu’Ennahli à l’Ariana, Farhat Hached à Radés, El Mourouj, et d’autres, ont subi une détérioration notable. Cette détérioration se caractérise par une baisse significative de la qualité des installations et des équipements, ainsi qu’une dégradation de la propreté et de l’entretien. Ce constat suggère que la Tunisie a perdu sa stratégie environnementale dont la façade est les parcs urbains, qui était autrefois considérée comme une priorité nationale”, souligne le rapport.
Pour le parc Ennahli, les principaux facteurs ayant contribué à sa dégradation sont relatifs au statut juridique de l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE) en tant qu’organisme chargé de la gestion des parcs. En effet, sa tutelle actuelle est temporaire et non officielle, car elle n’a pas été mandatée par les autorités locales compétentes Selon la FTDES, “en plus de l’absence de statut officiel pour la gestion des trois parcs qui relèvent de sa responsabilité, l’ANPE rencontre de nombreux problèmes internes. Depuis la révolution, plusieurs directeurs ont été révoqués et remplacés par d’autres.
D’ailleurs, depuis janvier 2023, l’ANPE était dirigée par un directeur par intérim, et ce n’est qu’au 1e juin 2023 que le ministère de l’Environnement a nommé un nouveau directeur général. Cette instabilité au niveau de l’administration a eu des conséquences sur la gestion des parcs et a entravé la planification des travaux d’entretien”, “Un autre facteur contribuant à la dégradation des parcs urbains est l’absence d’un système d’irrigation interne.
En raison du manque ou de détérioration de solutions abordables telles que les puits et les eaux traitées, les gestionnaires des parcs sont contraints d’utiliser de l’eau potable pour l’irrigation, ce qui engendre des coûts importants résultant des factures d’eau et d’électricité. Ces dernières années, l’ANPE a cessé d’irriguer le parc Ennahli, ce qui a eu un impact négatif sur la végétation et la verdure, notamment au niveau de l’entrée principale”. Le rapport met également en exergue les interruptions des travaux de maintenance du parc Ennahli et les problématiques de la gestion des parcs urbains.
Le parc Ennahli, tout comme la plupart des autres parcs, souffre d’un manque d’entretien régulier et approfondi, malgré son attractivité élevée. Les crédits alloués ne suffisent pas à couvrir les dépenses nécessaires, et la mauvaise exploitation du parc a empêché la génération de ressources supplémentaires pour couvrir les dépenses. “Actuellement, il n’existe pas de cadre contractuel garantissant une intervention hebdomadaire ou mensuelle pour l’entretien du parc.
En revanche, les parcs situés dans les quartiers aisés, tels que Sidi Bou Saïd et Abidine, bénéficient d’un traitement de faveur et font l’objet d’un entretien particulier. Ces parcs sont confiés à des entreprises privées qui veillent à une réparation rapide de tous les équipements défectueux. Le ministère de l’Environnement met à disposition des municipalités qui en ont la gestion, les ressources humaines et financières nécessaires pour assurer le maintien de ces espaces”.
Le parc Ennahli, qui a subi au fil des ans une détérioration progressive, est considéré comme l’un des plus grands et des plus importants parcs urbains du pays. Depuis son ouverture en 1997, il a été aménagé de manière remarquable et a bénéficié d’un entretien régulier. Pendant de nombreuses années, il a été un lieu d’évasion pour de nombreuses familles, en particulier les plus vulnérables et ce, en raison de sa proximité avec les quartiers d’habitation et du tarif du billet d’entrée et des services offerts qui y sont peu chers.