Un taux d’inflation de 9,1% à fin juillet 2023, une croissance de seulement 0,6% et un taux de chômage de 15,6% au deuxième trimestre 2023. Les indicateurs sont au rouge mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure les premiers décideurs du pays absorbés ces temps-ci par, semble-t-il, un remaniement ministériel qui tarde à venir ainsi que de nombreuses nominations à des postes clés autour desquelles, certains prétendent que les proches du pouvoir se livrent des guéguerres, à qui mieux mieux, brandissant comme titre de noblesse leur militantisme au profit de la nouvelle caste dirigeante.
Alors que la Tunisie traverse une de ses pires ères économiques depuis l’indépendance parce que sans stratégie, sans plan de développement économique clair et efficient, sans visibilité et surtout sans réformes, il semble bien que toute l’attention, comme d’habitude, est portée sur les besoins basiques des Tunisiens à savoir, le pain, le gasoil et avec la rentrée scolaire prochaines les fournitures (sic) !
A chaque jour suffit sa peine et pour l’instant, il paraît bien que le souci principal du Tunisien soit d’avoir du pain sur la table à midi et de prendre un café de bon matin sans avoir à faire la queue !
Que d’ambition pour le peuple le plus « souverainiste » du monde !!!
Dans l’attente et comme en témoigne les statistiques de l’INS, tout ne va pas à merveille dans le royaume du « Acha3b yourid » (Le peuple veut).
Au mois de juillet, les échanges commerciaux ont été marqués par un repli des exportations, qui ont diminué de 4,5% par rapport au mois précédent, reflétant ainsi la contraction dans la plupart des secteurs depuis les mines et les phosphates qui ont reculé de 43,1% jusqu’aux industries mécaniques et électriques qui affichent une baisse de 3,4%, ce qui est nouveau et passant par le secteur du textile, de l’habillement et du cuir dont la contraction des ventes est de 10,2%. Un recul de l’exportation comme expliqué par Hechmi Alaya dans le dernier numéro d’Ecoweek reflété par la régression des achats à l’étranger de matières et demi-produits témoignant de la récession de l’activité industrielle.
Les indicateurs sont au rouge mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure les premiers décideurs du pays
Les importations, ont, pour leur part, enregistré une hausse de 11,6%, principalement en raison de la croissance des importations d’énergie. Hors produits énergétiques, elles n’ont augmenté que de 1,7% ce qui explique la pénurie de nombreux produits sur le marché dont les céréales et par ricochet tous leurs dérivés y compris le pain. A Tunis, pourtant, on préfère expliquer la pénurie par la spéculation. Cela évite l’embarras à un Etat incapable d’engager des réformes sérieuses pour rééquilibrer la balance alimentaire et inapte à solutionner les problèmes de fond quant à l’approvisionnement du pays en produits de base.
Une baisse de l’importation des céréales qui peut expliquer la pénurie du pain !
Les chiffres sont pourtant bien là et ils sont têtus. Selon l’INS, les importations de produits alimentaires ont enregistré une baisse notable de 14,2%, principalement en raison de la diminution des importations de blé.
La balance commerciale alimentaire à fin juillet publiée par l’ONAGRI, affiche une baisse de l’importation du blé de 14,9% et des huiles végétales de 21,5%. La part des importations céréalières est de 54,2% des importations alimentaires totales pour un montant de 1413,7 MD. A fin juillet 2022, elle était de 61,5% pour des prix plus onéreux. En 2023, le cours du blé dur a baissé de 22,9% et celui du blé tendre de 18,3%. En Tunisie cela se conjugue avec Pénurie.
Il aurait été plus facile, plus honnête pour l’Etat de dire la vérité qui est tout simplement la baisse des importations des céréales par manque de moyens financiers que de se confondre systématiquement dans un argumentaire insensé argüant la spéculation !
En témoigne les navires en rade, qui attendent des jours et des jours que l’on décharge les marchandises dont les céréales et ce ne sont certainement pas les quelques dizaines de tonnes stockées qui vont résoudre la crise du pain en Tunisie.
D’ailleurs, nombreux sont ceux qui comptaient développer des projets dans le stockage des denrées alimentaires qui ont abandonné cette idée car la grande mode pour les décideurs économiques devenus des inquisiteurs est de faire passer tout opérateur dans ce domaine pour un spéculateur s’adossant sur de grands discours parlant des cartels et des affameurs du peuple (resic).
A chaque jour suffit sa peine et pour l’instant, il paraît bien que le souci principal du Tunisien soit d’avoir du pain sur la table à midi et de prendre un café de bon matin sans avoir à faire la queue !
Les banques, elles aussi, réfléchissent à deux fois avant d’accorder des prêts aux porteurs des projets dans le stockage des marchandises ou la conservation des fruits et légumes de peur de voir leurs prêts non remboursés parce que l’opérateur a été lourdement pénalisé ou même emprisonné.
Mais le pire dans ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui, est le moral des troupes. Un moral qui n’est pas au beau fixe et que Hechmi Alaya décrit ainsi : Un moral dans les chaussettes.
Il s’adosse sur un sondage que l’INS réalise tous les trimestres auprès des chefs d’entreprises industrielles. « Cette année, parait-il, ils sont plus nombreux qu’auparavant, à déclarer que ni la situation de leur entreprise ni celle de leur secteur, ne se sont améliorées par rapport au premier trimestre. Un sentiment corroboré par la baisse dans l’utilisation des capacités de production. La situation de l’emploi dans leurs entreprises s’est également dégradée et la demande a baissé ».
Ils sont de plus en plus pessimistes, insécurisés et perdent confiance dans la capacité de l’Etat à assurer un minima s’agissant du climat d’affaires.
En résumé, les chefs d’entreprises qui ont rencontré des difficultés à tous les niveaux de la marche de leurs affaires sont de plus en plus nombreux assure M. Alaya dans son édito.
Curieusement sur le site de l’INS on peut lire tout juste 3 lignes présentant l’enquête, mais en essayant d’y accéder, nous sommes confrontés à la mention : page non trouvée.
Mais ce n’est pas grave, tout le secteur privé peut disparaître, tant que le pain est là, tout va (resic) !
Amel Belhadj Ali