Jusqu’à quand continuera-t-on, à cacher les rayons du soleil par un tamis ? Jusqu’à quand continuerons-nous à dissimuler la vérité à un peuple qui vit la misère au quotidien, qui voit chaque jour que Dieu fait sa qualité de vie se dégrader et son pouvoir d’achat se détériorer ! « Je crois que si le mensonge peut servir un moment, il est nécessairement nuisible à la longue, et qu’au contraire la vérité sert nécessairement à la longue bien qu’il puisse arriver qu’elle nuise dans le moment. D’où je serai tenté de conclure que l’homme de génie qui décrit une erreur générale, ou qui accrédite une grande vérité, est toujours un être digne de notre vénération » disait Denis Diderot.
Ne faudrait-il pas mieux révéler au peuple la réalité sur les raisons de la crise financière du pays ? Ne faudrait-il pas mieux l’impliquer dans tout projet de réforme nécessaire aujourd’hui pour assurer une relance économique qu’hélas, nous ne pouvons que rêver aujourd’hui ? Ne devrait-on pas responsabiliser le peuple, gagner son adhésion à toute stratégie de développement économique ou de réformes sociales plutôt que de faire miroiter devant lui une prospérité fictive entretenue par de faux espoirs ?
La réalité économique et sociale de la Tunisie est aujourd’hui très dégradée. A qui la faute ?
A ceux qui ont spolié le pays et qui ont disparu des radars politiques et économiques depuis 13 ans ? Qui ont été emprisonnés ? Qui se sont enfuis et qui ont vu leurs biens sur place confisqués ? 13 ans et l’Etat tunisien entretient toujours le mirage des biens spoliés qu’il ne récupérera pas. Et pour cause : une grande partie des biens confisqués en Tunisie a été cédée, dévalorisée ou pillée et on ne risque, pas de récupérer l’autre partie, celle sise dans les paradis fiscaux ou dans des banques étrangères parce que tout simplement, il n’est pas dit que les Etats concernés par les demandes de restitution des biens spoliés répondent présents, parce que les procédures sont très lourdes, parce que les moyens manquent et l’expertise aussi !
Rien que dans les banques suisses, 55 millions d’euros appartenant à 10 personnes sont bloqués ! Mais à supposer que les biens spoliés dans les banques étrangères s’élèveraient à 500 millions d’euros ou même à un milliard d’euros, leur restitution pourrait-elle remédier au déficit budgétaire de la Tunisie, rétablir les équilibres économiques, renflouer les caisses de l’Etat, compenser les déficits des entreprises publiques ?
Peu probable ! La Tunisie a besoin de beaucoup plus ! Elle a besoin de moyens financiers beaucoup plus importants mais surtout d’un plan de relance et de développement et même de restructuration économique à court, moyen etlong termes ! Hélas, le pays vit aujourd’hui au jour le jour et ses comptes se font à l’image de ceux d’un épicier, comme l’a déclaré une fois Fadhel AbdelKefi, ancien ministre des Finances par intérim !
Pourquoi dans ce cas, à chaque fois le Président Kais Saied nous sort la litanie des biens spoliés pour justifier les échecs de ses gouvernements successifs à remettre le pays sur les rails ?
Parce qu’il ne sait peut-être pas que la récession est à nos portes ! Parce qu’il ne réalise pas que la croissance au deuxième trimestre 2023 est de 0,6% par rapport à la même période en 2023, que la notation de l’agence japonaise R&I, la plus clémente pour nous, a chuté de B à B- avec perspectives négatives, que le fisc qui tombe, comme un couperet, sur les entreprises opérant dans le formel est en train de les massacrer les encourageant à entrer dans l’informel, le seul à être épargné par les pouvoirs publics et que l’économie tunisienne bat de l’aile ?
Quand on dit récession, c’est à l’effondrement de l’économie que l’on doit s’attendre. Le Président Saied est-il prêt à assumer les responsabilités de cet effondrement parce que considérant la restructuration des entreprises publiques comme une ligne rouge et l’orientation de la compensation vers ceux qui la méritent comme un anathème ?
Le choix du souverainisme implique le renforcement du front intérieur
De quels moyens dispose le Président de la République tunisienne pour faire de la résistance au FMI et aux partenaires économiques historiques de la Tunisie ? De richesses pétrolières ? Minières ? Gazières ? Dans un monde globalisé, le souverainisme économique aveugle est un luxe que ne peuvent même pas se permettre de grandes puissances ! Que dire alors des pays pauvres comme la Tunisie que même les compétences la quittent ?
Pire, en prônant le souverainisme économique, le minimum aurait été de renforcer le front intérieur, rassurer le secteur privé, encourager l’investissement, sécuriser les créateurs de richesses, inciter les porteurs de projets à oser ! Mais non! C’est tout le contraire qui se passe. Depuis 2011, la Tunisie vit au rythme de la diabolisation de opérateurs privés, des S17 et interdictions de voyages et de la justification de tous les malheurs du pays par ces hommes et femmes voraces qui sucent le sang des pauvres et volent l’Etat !
Il paraît que même certaines banques refusent aujourd’hui de financer des projets pour le stockage et la conservation des produits agricoles de peur de voir l’entrepreneur accusé de spéculation et incapable de rembourser le prêt !
C’est dire !
Pendant ce temps, les contrebandiers, ceux qui minent l’économie nationale, sont épargnés par les services des impôts et par la CNSS. Ils s’enrichissent, acquièrent des biens immobiliers, renforcent leurs cartels en toute quiétude et dans l’impunité totale !
C’est à croire que l’on fait exprès de faire disparaître l’économie formelle pour celle informelle qui occupe le terrain et à tous les niveaux. Il suffit de voir les grandes artères du tout Tunis, cités résidentielles ou populaires couvertes des étals offrant toutes sortes de marchandises sous l’œil bienveillant de la police municipale et des services du ministère du Commerce !
Pourquoi investir dans un pays où il n’y a pas de visibilité, où l’investisseur n’est pas sécurisé et où le dispositif d’investissement est paralysant ?
Le code des investissements de 2016 et la loi sur les avantages fiscaux de 2017 bloquants conjugués aux campagnes de dénigrement visant le secteur privé ne peuvent en aucun cas encourager la relance de l’investissement. Il ne faut certainement pas croire que le développement des sociétés communautaires pourrait résoudre la crise économique ou rassurer les investisseurs étrangers et ramener les IDE.
Pire, en lieu et place de la transparence, c’est l’opacité qui règne. L’exécution du budget sur le portail du ministère des Finances, s’arrête au mois de mars. En revanche, on peut y lire un article où, paraît-il, on parle de la commission des Finances au parlement qui a examiné l’exécution du budget jusqu’au mois de juin en vue des perspectives macroéconomiques pour l’année 2024.
En résumé, à une crise économique persistance, un malaise social persistant et un futur incertain, l’Etat tunisien réponds par le déni, l’opacité, des solutions en trompe-l’œil et l’absence d’un plan de relance économique digne des fondateurs de l’économie des années 70 qui ont projeté la Tunisie vers la prospérité économique après le drame du collectivisme!
L’intelligentsia économique, les architectes de l’économie nationale auraient-ils péri sous les coups de la pseudo révolution de 2011 ?
Amel Belhadj Ali