L’ensemble des études et rapports nationaux et internationaux sur la Tunisie sont unanimes pour révéler que le principal problème structurel dont souffre le pays, depuis son accès à l’indépendance, réside dans sa mauvaise gouvernance.
Le constat est sans appel : la mauvaise gouvernance a été un frein au développement des régions et des activités socio-économiques en Tunisie. En témoigne la situation dans laquelle se trouve actuellement le pays lequel est tout simplement au bord de la faillite.
Pourtant la Tunisie, avec ses énormes potentialités, aurait pu compter parmi les pays les plus prospères de la région.
Pour ne citer qu’une seule ressource, le phosphate. Les énormes réserves de ce minerai à forte valeur marchande à l’export, 400 dollars la tonne métrique actuellement contre 83 dollars il y a seulement deux ans, sont capables de couvrir tous les besoins de financement du pays, durant un siècle.
Pour rappeler les détails, ces réserves sont estimées à 900 millions de tonnes certaines pour le seul bassin minier de Gafsa et de l’ordre de 6 milliards de tonnes probables pour le gisement en stand bye de Sra Ouertane au nord-ouest du pays.
Cela pour dire que la Tunisie, un tout pays de 700 kilomètres de long et de 300 kms de large (partie utile) a été tout simplement mal gérée depuis son indépendance en dépit de quelques progrès.
A la source de la mauvaise gouvernance, des régimes autoritaires
A l’origine de cette mauvaise gouvernance, les observateurs de la chose tunisienne évoquent la prévalence, durant plus de cinq décennies de l’autoritarisme avec ses moult corollaires : clientélisme, népotisme, régionalisme, économie de rente, filiation entrepreneuriale et professionnelle, bradage des richesses naturelles du pays, dépendance totale du pays de l’étranger, émergence de l’informalité comme conséquence du verrouillage du système en place.
Après les émeutes du 17 décembre 2010-14 janvier 2011, la transition démocratique n’a pas tenu ses promesses. Elle n’a pas favorisé ni l’équité des chances, ni l’équilibre régional, ni la dignité, des valeurs que les indignés avaient réclamé haut et fort quand ils étaient insurgés contre le pouvoir de Ben Ali.
La transition n’a pas amélioré, également, la gouvernance du pays en raison entre autres de l’instabilité politique générée par l’arrivée au pouvoir d’un Islam politique extranational et de l’émergence du terrorisme.
Pour relever le défi de la mauvaise gouvernance, les agences spécialisées onusiennes (PNUD …) recommandent, « une nette rupture avec les mauvaises pratiques d’antan qui nuisent à la qualité des résultats économiques ».
Cette question a été examinée par l’université d’été de la Fondation Mohamed Ali El Hammi (FMAH), tenue, en septembre 2023, à Hammamet sur le thème «Polycrise et approche citoyenne Quels rôles des élites, des acteurs sociaux et de l’Etat ? ».
Recette de bonne gouvernance
Sur ce sujet, Samir Meddeb, universitaire et consultant international a fait une communication dans laquelle il a proposé une stratégie de bonne gouvernance.
Au niveau institutionnel, il a plaidé pour un gouvernement restreint composé de trois principaux départements ministériels :
- Un grand ministère dédié au développement économique dans une vision de durabilité. Nous y trouvons les départements sectoriels, l’agriculture, la pêche, l’industrie, le tourisme, l’énergie, l’aménagement du territoire, l’environnement, l’université et la recherche, ainsi que les finances.
- Un grand ministère chargé du développement humain. Nous y trouvons l’éducation, la culture, le sport, l’encadrement de la jeunesse…
- Un grand ministère dédié à la sécurité intérieure et extérieure.
Le conférencier a insisté sur l’importance de la transversalité et sur la mise en place de mécanismes de rapprochement et d’intégration entre les trois principaux départements. Il s’agit notamment de développer la communication interdépartementale et de mettre en place des outils de contrôle, de suivi et d’évaluation efficaces.
Il a souligné, également, l’enjeu de bien connaitre les secteurs, d’établir, à cette fin, de bons diagnostics, de prioriser les objectifs à trois échelles nationale, régionale et locale et de créer des mécanismes d’arbitrage performants à tous les niveaux.
Abstraction faite de cette recette, avec le resserrement des finances de l’Etat et la forte pression de facteurs exogènes tels que l’évolution des technologies de la transparence et le réchauffement climatique, la Tunisie n’a plus droit à l’erreur. Elle est simplement appelée, dans l’intérêt supérieur de tous les Tunisiens, à adopter les best practices de la bonne gouvernance. Au premier rang de ces bonnes pratiques, la généralisation de la digitalisation dans tous les secteurs.
A bon entendeur