Depuis une dizaine d’années, les enquêtes, études et rapports nationaux et internationaux d’ONG, de cabinets de sondage, d’organisations internationales se succèdent pour relever ce constat : en dépit de l’acte de rupture du 14 janvier 2011 avec les dictatures et régimes autoritaires, la plupart des jeunes de Tunisie n’ont qu’un rêve, celui de quitter le pays.
Entendre par là qu’après 67 ans d’accès à l’indépendance, la Tunisie est devenue un pays répulsif pour ses jeunes qu’ils soient diplômés ou non diplômés avec cette nuance.
Si on déroule le tapis rouge devant les ingénieurs, médecins et universitaires tunisiens confirmés, c’est loin d’être le cas pour d’autres jeunes dont des diplômés sans emploi. Ces derniers confrontés à l’impossibilité de trouver un emploi décent dans leur pays et d’obtenir un visa pour émigrer légalement vers leur Eldorado, l’Europe, recourent hélas à l’émigration clandestine, le plus souvent dans des embarcations de fortune à leurs risques et périls.
Les rapports sont unanimes, les Tunisiens rêvent de quitter le pays
Quelques études et rapports méritent qu’on s’y attarde.
La première enquête sur les migrations est une enquête nationale. Elle a été réalisée par l’Observatoire national de la migration (ONM) et l’Institut national de la statistique (INS).
D’après cette enquête dont les résultats ont été publiés, au mois de décembre 2021, un Tunisien sur cinq veut quitter la Tunisie. La proportion est encore plus élevée chez les jeunes de 15 à 29 ans : 40% d’entre eux veulent partir vers l’Europe.
Les résultats d’une deuxième étude sur l’émigration des jeunes tunisiens, ont été publiés, au mois de juillet 2019, par l’Institut de sondage One to One for Research and Polling.
Ce sondage a révélé qu’un tiers des citoyens tunisiens (33%) pensent à émigrer. La plupart sont jeunes (18-29 ans), le taux passe à 56% chez cette cible et ceux ayant fait des études supérieures (51%).
Les organisations onusiennes et les groupements régionaux ont élaboré également des rapports sur la migration en Tunisie. D’après un rapport publié, en 2018, par l’OCDE, « près d’un tiers des adultes en Tunisie expriment un désir d’émigrer, et ce taux s’élève à près de 50% parmi les jeunes Tunisiens, soit le plus élevé de la région Afrique du Nord ».
L’Union européenne, étant la destination la plus prisée par les migrants, a porté à son tour un intérêt particulier à la migration en Tunisie. D’après un sondage de la Commission européenne datant de 2017, la Tunisie ne fait guère rêver les siens. « Et si elle a pu leur donner l’espoir d’une page nouvelle en 2011, avec plus de la moitié des jeunes qui veulent quitter le pays, l’idée même qu’un avenir en Tunisie est envisageable semble difficile à soutenir », note-t-on dans la présentation des résultats de ce sondage.
Crise économique, morosité politique à l’origine des départs
Quant aux raisons qui poussent les jeunes tunisiens à émigrer, la plupart des enquêtes, études et rapports relèvent que plus de 50% des personnes sondées souhaitant quitter le pays pour des raisons strictement économiques. Les jeunes diplômés cherchent particulièrement de meilleures rémunérations, de meilleures conditions de travail et une meilleure respectabilité.
L’échec de la transition démocratique y est également pour quelque chose. Selon Ivan Martin, chercheur espagnol spécialiste des migrations. “Le premier facteur des départs (…) en Tunisie, c’est « la désillusion face à l’absence de perspectives politiques et économiques”.
Et pour ne rien oublier, l’Europe est la destination privilégiée (57%) des migrants, suivie de l’Amérique du Nord avec un taux de 12%.
Cette tendance est confirmée par une récente enquête sur la jeunesse arabe menée par l’ASDA’A BCW (juillet 2023), une société de conseil en communication du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Par pays, l’enquête révèle que le Canada, les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont les principales destinations vers lesquelles les jeunes Arabes dont les Tunisiens aiment s’installer.
A bon entendeur.